Quand on se lève le matin, le premier mot d’un Juif c’est « modé ani » « reconnaissant je suis ». On ne dit pas « ani modé » je suis reconnaissant, on place le mot reconnaissance avant le « je ». C’est comme si on disait : « ma journée va être basée sur la reconnaissance même si mon moi intérieur n’est pas au beau fixe. Je suis vivant, j’existe et je remercie Hachem car rien ne va de soi, rien n’est évident et banal et être en vie chaque matin c’est un don d’Hachem. »  

Cette gratitude doit aussi se diffuser au sein du couple car tout simplement elle fait du bien au couple et elle fait partie de notre essence juive (Yéhoudi a pour racine le mot reconnaissance). 

Une fois mariés, on partage le quotidien, le travail, les courses, les repas, le ménage, les devoirs des enfants… Tout cela devient banal, il n’y a rien d’exceptionnel à assurer ces tâches. Si on arrive à développer notre faculté de reconnaissance, on verra à travers ces travaux répétitifs les intentions de l’autre, l’effort qu’il a fourni, le temps qu’il y a passé mais aussi l’amour qui y est sous-jacent. 

« Merci d’avoir repassé mes chemises », « merci de m’écouter », « merci de m’avoir accompagné(e) à cette réunion familiale », « merci d’avoir sorti les poubelles », « merci pour le repas »… 

L’un des secrets de l’amour qui dure, c’est la gratitude réelle qui s’exprime jour après jour et c’est cette notion de normalité qu’il faut combattre ; on ne doit pas saluer que les actes exceptionnels. En se remerciant l’un l’autre, on évite que la relation se banalise. Les gestes domestiques que l’on faits l’un pour l’autre sont comme des mots tendres  ; c’est bien pour cela que durant la période de Nidda, on les modifie (on n’arrange pas le lit devant son mari, on lui sert à manger mais différemment…) afin de ne pas éveiller le désir. 

C’est un véritable travail sur soi de ressentir de la gratitude et de l’exprimer. On peut se dire : « on a mangé tous les deux, j’ai préparé le repas, il fait la vaisselle ». C’est normal, pourquoi le remercier ? 

Mais juste pour l’encourager à recommencer. Mais c’est surtout qu’on s’offre un cadeau à soi-même. Cela nous enseigne à voir et à retenir le positif. C’est aussi une forme d’humilité, on a besoin de l’aide d’autrui, ça nous aide à diriger notre attention vers les choses heureuses de la vie. Selon les neurosciences, la gratitude active la production de dopamine, permet de trouver un meilleur sommeil, diminue le stress et le risque de dépression. 

Très souvent dans les séances de thérapie de couple le manque de reconnaissance est évoqué. On a besoin du regard de l’autre, d’une parole, d’un cadeau, d’un sourire, d’un geste pour valider nos actes, et même au-delà, de valider notre existence. Un grand nombre de divorces pourrait être évité simplement par une gratitude sincère. C’est pour cela que la Torah nous demande, dès qu’on ouvre les yeux sur le monde, de prononcer les mots « reconnaissant je suis » car cette émotion ouvre le cœur à l’empathie, la gentillesse et à l’humilité. C’était bien avant les effets reconnus de la psychologie positive. 

Durant les prochaines semaines, nous allons être occupés avec le ménage de Pessa'h. C’est une excellente occasion de pratiquer notre gratitude vis-à-vis de notre conjoint même si nous sommes fatigués ou énervés. Dire à son conjoint qu’on apprécie ce qu’il fait, c’est lui dire qu’on apprécie qui il est. Soyons attentifs à nos chers(chères) et tendres époux(épouses), mettons les projecteurs sur les évènements positifs du quotidien et pas sur la poussière, et le vrai 'Hamets va vite être éliminé.