La semaine dernière, j’ai posé une question. Désormais, Roch Hachana et Yom Kippour sont derrière nous, nos résolutions de commencer une vie nouvelle vont-elles durer ou allons-nous laisser nos promesses à D.ieu, enfermées dans nos livres de prières jusqu’à l’an prochain ?

J’ai suggéré que nous adoptions la triple formule de Téchouva, Téfila et Tsédaka dans notre système de GPS.

En réalité, la Tsédaka ne veut pas dire charité, bien qu’on le traduise souvent ainsi. Le terme provient du mot Tsédek, qui signifie justice ou droiture, à savoir que donner aux autres n’est pas une option, mais une obligation de faire justice. L’argent nous est donné par D.ieu pour partager avec les autres, et non pour nous gâter le plus possible.

Il est vrai que, dans notre société, c’est un concept étranger. Nous voulons « réussir » et élever nos enfants dans l’esprit que le « succès » (financier) est le but de la vie. Nous ne nous interrogeons jamais pour savoir s’il faut s’arrêter. Une autre maison, une autre voiture, une autre virée shopping, des nouvelles vacances - c’est sans fin.

Mais si vous avez à l’esprit notre héritage de Torah, vous vous rappellerez d’un passage du prophète Hagaï : « A Moi l’argent, à Moi l’or ». Notre argent, nos biens, nos sociétés, nos portefeuilles, nos biens immobiliers - tout ceci appartient à Hachem, et lorsque nous quittons ce monde, nous allons tout laisser derrière nous et apparaître devant D.ieu aussi nus et dénués de biens que le jour de notre naissance.

Lorsque nous donnons aux autres, nous ne faisons que rendre ce qu’Il nous a donné. La charité est, en revanche, un concept tout à fait différent. Il provient du mot latin caritas, l’amour, suggérant une option : nous pouvons donner à ceux que nous aimons et nous abstenir de donner si les bénéficiaires ne trouvent pas grâce à nos yeux. Dans notre monde de Tsédaka, une telle option n’existe pas. Que nous aimions ou non quelqu’un, nous avons la responsabilité de donner, car tel est le sens authentique de la Tsédaka, et c’est notre mission même en tant que peuple.

Lorsque j’étais une petite fille en Hongrie, il y avait des boîtes de Tsédaka dans chaque foyer, peu importe le degré de pauvreté ; une Puchka (boîte) dans laquelle on déposait des pièces à chaque occasion. La Puchka faisait partie de notre vie. À la place de ces boîtes de Tsédaka, on donne à beaucoup d’enfants de nos jours des tirelires qui annoncent la couleur : tout est pour moi ! D’un autre côté, la Puchka nous enseigne que mon argent est là pour partager avec les autres - je l’épargne dans le but de le distribuer.

L’acte de collecter de l’argent est certes important, mais aussi la manière dont il est distribué. Permettez-moi de vous raconter une histoire à ce sujet.

J’enseignais mon cours habituel de Torah à Hinéni et un jeune homme commença à y assister régulièrement. Il n’avait pas de domicile fixe et était instable sur le plan mental et émotionnel. Il nous parlait peu, mais restait toute la soirée, écoutant les propos de Torah, mangeant et se reposant. Quelques semaines avant Roch Hachana, j’expliquai le concept de Tsédaka. Peu de temps après, il m’aborda.

« Rabbanite, me dit-il, j’ai réfléchi à ce que vous avez dit. Puis-je vous donner de la Tsédaka ? »

« Oh, répondis-je, je vous en serais reconnaissant, c’est vraiment gentil de votre part. »

Il chercha alors sans sa poche et me tendit un paquet de chewing-gums. Il me le donna avec un sourire chaleureux. Ces chewing-gums valaient pour lui plus que tout l’argent donné par un millionnaire. Le millionnaire ne sent pas de pincement au cœur. Sa richesse demeure. Mais ce chewing-gum était un grand sacrifice pour ce jeune homme. Il attendit anxieusement ma réaction.

« Vous aimez ça ? », me demanda-t-il.

« Est-ce que j’aime ça ? Jonathan, tu n’aurais pas pu trouver mieux ! Ma gorge est si sèche à la fin de mon cours que je cherche toujours un chewing-gum, et j’aime particulièrement ce goût. Merci, merci. »

Je lui dis que j’étais fière de lui, j’avais remarqué qu’il avait pris la peine de m’offrir un chewing-gum Cachère. Le visage triste de Jonathan s’éclaira d’un sourire. On aurait dit qu’il avait donné un banquet en son honneur.

Nous récoltâmes de l’argent et accompagnâmes Jonathan pour lui acheter un beau costume et nous lui donnâmes un billet d’avion pour retourner chez ses parents, à Los Angeles. Quelques années plus tard, je prenais la parole à Los Angeles, et, à la fin de la soirée, pendant que je signais mes livres, je l’aperçus. Il s’approcha de moi.

« Rabbanite, lorsque j’ai appris que vous veniez, j’ai acheté les mêmes chewing-gums. » Il me tendit le paquet d’un air penaud.

« Jonathan, répondis-je, je n’y crois pas. Comment vous en êtes-vous souvenu ? »

« Je m’en suis souvenu, me répondit-il fièrement. »

Jonathan avait toujours des difficultés comme à New York. Ses problèmes demeuraient, mais son cœur généreux s’exprimait, et sa Néchama (âme) lui permit de s’élever bien au-dessus de la folie de notre monde où les gens désirent toujours davantage de choses, et, en cours de route, perdent leur moralité et leurs valeurs et détruisent leurs familles.

J’ignore comment Hachem nous juge le Jour du Jugement Final, mais je sais une chose : Jonathan sera récompensé, il recevra les distinctions et honneurs qui lui reviennent. Son chewing-gum parlera pour lui.

Véhéyé Brakha - et vous serez une bénédiction - a été l’appel de D.ieu à notre ancêtre Avraham. Notez bien : il ne s’agit pas d’« être béni », mais d’être une bénédiction pour les autres.