Nous sommes au début des années 2000. Un étudiant français de la Yéchiva de Mir à Jérusalem se rend chez son Maguid Chiour (Maître de conférence), rav Eliahou Baroukh Finkel, de mémoire bénie. Il a des questions et veut des conseils pour l’aider dans l’éducation de son fils aîné quelque peu actif. Le rav possède lui-même une tripotée de garçons au caractère bien trempé. L’avrekh s’attend donc à une réponse des plus pragmatiques, du genre fais ci, fais ça… évite ça...

Mais quelle ne fut pas sa surprise d’entendre la réponse du rav. Celui-ci lui dit : “Je tiens du Steipeler, rav Yaakov Yisrael Kanievsky, de mémoire bénie, « on doit éduquer les enfants sans bâton ni carotte. »” Le rav répète : « une éducation sans bâton ni carotte ». Le père décontenancé n’ose pas contredire ou questionner la réponse laconique de son Rav. Mais il est pour le moins insatisfait. En fait, cette réponse n’a fait que soulever d’autres questions. Une éducation sans bâton ni carotte est-ce vraiment une éducation ? La Torah n’est-elle pas truffée d’avertissements et de récompenses ? Ne dit-on pas deux fois par jour dans le Chéma’ Israël : « Or, si vous êtes dociles aux lois que je vous impose en ce jour, aimant l’Éternel, votre D.ieu, le servant de tout votre cœur et de toute votre âme, je donnerai à votre pays la pluie opportune, pluie de printemps et pluie d’arrière-saison, et tu récolteras ton blé, et ton vin et ton huile. Je ferai croître l’herbe dans ton champ pour ton bétail, et tu vivras dans l’abondance. Prenez garde que votre cœur ne cède à la séduction, que vous ne deveniez infidèles, au point de servir d’autres dieux et de leur rendre hommage… » (Cf. Deut. 11, 13-16)

N’est-il pas écrit ? Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes préceptes et les exécutez, je vous donnerai les pluies en leur saison, et la terre livrera son produit, et l’arbre du champ donnera son fruit. (Cf. Lev. 26, 3-4) 

D.ieu ne nous éduque-t-il pas avec son bâton sa carotte ? Et pourtant… le rav propose une éducation sans bâton ni carotte.  Ce n’est que des années plus tard que le jeune père obtint une réponse à ses questions dans le Nefech Ha'Haïm du Rav Haïm de Volozhin. 

 

Rav Haïm de Volozhin, fut l'un de ses disciples les plus dévoués de l’illustre Gaon de Vilna. Rav Haïm de Volozhin fut lui-même un talmudiste et un maître en Torah d’une dimension incommensurable. L'œuvre principale de rav Haïm de Volozhin est sans conteste le Nefech Ha'Haïm. Toutes les réponses se trouvent dans les premières pages du Nefech ha‘Haïm. 

 

D.ieu créa l’homme à son image

 

Rav Haïm de Volozhin nous explique que l’homme n’est pas qu’un amas de chair et d’os, un animal pensant. L’homme est le responsable de l'univers tout entier. Lors de sa création, D.ieu lui octroya des pouvoirs et une mission unique. Car D.ieu créa l’homme à son image. L’homme influence et oriente des mondes (physiques et métaphysiques) par ses actions, par sa parole et par sa pensée. Voici les mots Rav Haïm de Volozhin : « Ceci est une leçon pour tout le monde. Chaque Juif (Ich israël) ne devrait jamais dire dans son cœur [penser], à D.ieu ne plaise, « Qui suis-je et que puis-je accomplir avec mes actions. » [Mais Plutôt,] il doit comprendre, savoir et implanter dans son cœur, que chaque détail de ses actions, de ses paroles et de ses pensées à chaque instant, ne sont jamais vaines, à D.ieu ne plaise. [Il doit connaître / comprendre] l’immense portée de ses actions, même dans les hauteurs les plus élevées. Car chacun (action, parole ou pensée) atteint les hauteurs les plus élevées en fonction de sa racine (Chorech) dans les mondes supérieurs. (Cf. Nefech Ha'Haïm Chaar 1 chap. 4)

 

Bien-aimé est le peuple d’Israël pour être appelé « enfants de Dieu » (Avot 3, 14)

 

Nos égarements résultent généralement d’un manque de conscience. Nous n’avons pas conscience de notre valeur ou de la portée de nos actes. Le bâton et la carotte n’y changeront pas grand-chose. Cela ressemble à un prince qui se vautre dans la fange avec les marcassins. Le chasser à coup de bâton ne l’éduquera pas, ou très peu. Il faudra lui rappeler sa filiation avec le roi et lui expliquer patiemment que sa conduite est indigne de son rang. Les « punitions » de la Torah sont plus des conséquences que des châtiments. C’est un peu comme lorsque nos parents nous disaient : ne touche pas au feu ou tu vas te brûler. La brûlure n’est pas un châtiment, mais une conséquence du contact avec le feu. Rabbi Akiba dit : « Bien-aimé est le peuple d’Israël pour être appelé « enfants de D.ieu » ; c’est un surcroît d’amour que de leur avoir fait savoir qu’ils sont les enfants de D.ieu, car il est dit : Vous êtes les enfants de l’Éternel votre D.ieu. Bien-aimé est le peuple d’Israël, car il lui a été accordé un objet précieux ; c’est un surcroît d’amour que de lui avoir fait savoir qu’il lui a été donné un outil précieux, car il est dit : “Car c’est un enseignement de valeur que Je vous ai donné : ma Torah, ne la délaissez pas.” Il nous éduque par des mots qui nous rappellent notre lien avec le Roi des rois et le précieux de sa Torah. Il nous dit en d’autres termes : « Vous êtes les princes et les princesses chéris de D.ieu. Par amour, il vous a donné ce qu’il possède de plus précieux : sa Torah. Ne l’abandonnez pas. 

Qui voudrait s’égarer après une telle déclaration ?!