Ah, quel bonheur. Nous sommes en plein dans la joie de Pourim. Nombreuses sont les réflexions autour de la notion de masques... Je te propose d'en aborder une traitant de notre rapport à autrui, sujet si fondamental dans nos vies, la vie des femmes...

Il est effectivement notoire que l'un des piliers de notre équilibre réside dans nos rapports aux autres. Ainsi qu'à notre façon à chacune d'aborder notre quotidien.
 

Démasquer autrui pour se démasquer soi-même...

Aussi intriguant que cela puisse paraître de prime abord, le Ba’al Chem Tov nous enseigne(1) que l'autre est notre miroir, chacun nous reflète un aspect particulier de nous-mêmes ; par exemple, se lier avec une amie aussi rigolote que toi sera très flatteur pour ton propre ego, ce qui t'encouragera à la fréquenter, n'est-ce pas ? À l'inverse, entrer dans l'espace d'une amie aussi peu ordonnée que toi t'irritera beaucoup... comme un air de déjà-vu dans tes propres placards ;-).

Il est d'ailleurs stupéfiant de constater ce mécanisme dans la façon dont Hachem a conçu l'œil humain : dans la pupille de mon interlocuteur, je peux voir clairement mon reflet... wow, quelle beauté ! (Pas moi, mais le mécanisme, lol)

Alors pourquoi les choses ont-elles été faites ainsi ? La Guémara nous précise(2) bien que “Tout ce que D.ieu a créé dans ce monde a un but”. Tout simplement, Hachem nous nomme témoins de certains évènements, ou comportements, afin que l’on puisse réfléchir à toutes les améliorations nécessaires à NOTRE évolution. En réalité, nous nous aimons tellement, nous protégeons tant notre égo, qu’il nous est très difficile de nous rendre compte seuls de nos manques. Nous avons besoin de les voir en face de nous, pour mieux les identifier à l’intérieur de nous.

Je te propose un test ! Si tu veux savoir quelle est la qualité de ton intériorité en ce qui concerne ton rapport à autrui, poses-toi honnêtement cette question; lorsque tu vois un mauvais trait de caractère chez ton amie, comment réagis-tu, même en silence ?

S’il te fait juste ruminer mentalement et râler, que tu en parles en mal à d’autres, tu as du négatif à faire sortir de ta précieuse Néchama. Tu es orientée “problèmes”, et rien d’autre. Triste !

Si, par contre, tu cherches plutôt à aider l’autre à en sortir, tu es clairement plus orientée “solutions” que “problèmes”, tu es en crédit de positivité intérieure, excellente nouvelle !

C’est pourquoi j’ai personnellement pris le parti, depuis que j’ai compris cela, de ne plus voir personne comme un individu, mais plutôt comme un encadrement différent d’un même tableau, mon propre portrait : cette amie m’en montre un aspect flatteur, tandis qu’une autre me permet d’en modifier les traits, ou les couleurs. Quoi qu’il en soit, je reste preneuse de ces “invitations à être” que la vie nous offre chaque jour, Baroukh Hachem.
 

Démasquer la routine du quotidien : et si TOUT re-devenait EXTRA-ordinaire ?

Un autre prisme intéressant du masque se trouve dans la notion de quotidien, routinier et fade pour beaucoup ; que l’on soit pratiquant ou non, tout peut être vécu mécaniquement. Sans réflexion. Sans enthousiasme. Tristement. Or, cette “pauvre” réalité est masquée par tant de choses extra-ordinaires ! Rien n’est ordinaire, à y réfléchir. Des simples gouttes de pluie qui tombent de façon si ordonnée, au rétablissement le plus miraculeux d’un malade, il n’y a qu’un très mince écart. Eh oui.

Si l’on ré-apprenait à vivre comme le font si naturellement les enfants, avec enthousiasme, et un regard neuf sur chaque chose, chaque évènement, chaque personne, nous re-découvririons les aspects si riches de notre vie, de notre monde, de notre entourage. Nous n’en perdrions pas une micro-miette.

Tiens, regarde, un constat que n’importe qui peut faire à n’importe quel moment : si tu vas à la rencontre d’une personne très gravement malade, ou très âgée, à l’aube de son départ de ce monde, que tu l’interrogeais sur les choses fondamentales qu’elle aura apprise dans sa vie, il est certain qu’elle te répondrait que la vie passe à une allure folle, et qu’il faut en profiter au maximum - comme le disent ‘Hazal, la vie passe comme “une ombre”, celle “d’un volatile”… Lors de telles expériences, de tels moments, la vie et le temps gagnent infiniment en intensité, notre regard change littéralement du tout au tout. Tout reprend sa juste proportion, sa juste valeur : un ciel bleu re-devient un phénomène physique indescriptible de beauté. Un repas ,même peu appétissant, représente un miracle pour me maintenir en vie. Une interaction, même banale, avec un tiers, ré-chauffe le cœur à nouveau. Et tellement d’autres exemples, à l’infini…

C’est pour faire écho à cela que la Torah nous ordonne, sans discuter une demi seconde, de transgresser la plupart de nos commandements (Chabbath, manger du pain à Pessa’h, etc.) si l’on peut sauver seulement dix secondes de vie supplémentaires à un juif ! Lorsque tu lis ces lignes, que représentent sérieusement dix secondes pour toi ? Rien du tout ! Pourtant, pour un malade qui sait qu’il devra quitter ce monde sous peu, dix secondes en bonne santé dans notre fameuse routine à nous, cela vaut un morceau d’éternité en plus, la vie infinie qui nous est promise après notre passage sur terre. Il donnerait tout pour cela.

Ceci étant dit, comment profiter de la vie au maximum ? En endossant les lunettes de ces personnes qui font face à la vérité : celle de notre fragilité et de la vitesse du temps qui passe… en se réjouissant de chaque détail créé par le Maître du monde pour nous. En rendant notre vie productive à souhait, efficace, pleine de sens. Pleine de satisfactions. Pleine de ressources intarissables dans le véritable monde, le ‘Olam Haba (le monde futur)

Derrière l’un des outils les plus efficaces du Yétser Hara’ - faire endosser à la réalité le masque de la routine quotidienne, de l’ennui de tout, de la tristesse -, nous avons le choix de le démasquer effrontément, et de vivre, mieux, infiniment mieux, à chaque instant.
 

Bas les masques !

Exercice pratique : tu peux t’amuser à inscrire chaque jour dans ton carnet de bord (celui dont on parle ensemble si souvent) au moins cinq choses, personnes, ou évènements extra-ordinaires que tu as croisé dans ta journée. De la sorte, ton cerveau se programmera progressivement automatiquement à “capter” l’extra-ordinaire, et, donc, à chasser le routinier. C’est un travail de longue haleine, mais nous devons comprendre que si nous méritons d’intégrer de tels mécanismes dans nos gênes, tous nos descendants en hériteront automatiquement, avec l’aide d’Hachem… Bon deal, non ?!

Affectueusement,
 

(1)    Séfer Méor ‘Enayim, Parachat ‘Houkat.
(2)    Traité Chabbath, p.77, b.