Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous quelque chose qui me tient à cœur, quelque chose qui m’est tombé dessus sans que je ne m’y attende, sans même que je n’y sois un tout petit peu préparée, quelque chose qui ne m’a pas laissé d’autre choix que de trouver des forces pour sauver une amie du gouffre dans lequel elle s’enfonçait.

Ma très bonne amie Léa a accouché il y a quelques semaines. Je l’ai bien évidemment appelée le jour-même pour lui souhaiter Mazal Tov et comme, personnellement, je ne suis pas à l’aise avec les visites à l’hôpital, j’ai décidé d’attendre qu’elle rentre tranquillement chez elle pour aller l’embrasser, elle et sa nouvelle petite princesse.

Un matin, il y a environ un mois, j’écartai toutes mes tâches de la matinée et me libérais pour aller rendre visite à mon amie. C’est donc munie de mes pâtisseries faites maison et d’une jolie peluche rose que je sonnai à sa porte à l’improviste. On était suffisamment proches pour que je me permette de venir sans prévenir, c’était d’ailleurs ma carte de visite ! Je venais toujours à l’improviste, quand l’envie me prenait, car je savais que Léa était toujours disponible pour moi, c’était mon roc, mon refuge, ma force tranquille… Elle ne changeait pas ma Léa, toujours là, toujours la même. Mais ce jour-là, je ne me doutais pas de ce que j’allais découvrir de l’autre côté de la porte.

Après plusieurs minutes d’attente, c’est une Léa fatiguée, cernée et déminée qui m’ouvrit la porte. Elle esquissa un demi-sourire de politesse et me fis signe d’entrer, ce que je fis sur la pointe des pieds. J’étais déstabilisée, je ne reconnaissais pas mon amie, si joviale d’habitude, et, qui plus est, je ne reconnaissais pas sa maison, si ordonnée d’habitude. Je sais qu’une naissance est un vent qui souffle au sein des familles et qui déplace certaines choses ou qui en remplace d’autres, mais là, c’était plutôt le mistral qui avait soufflé dans le foyer de Léa !

Alors que de coutume, c’est elle qui m’aidait à y voir plus clair, à résoudre mes équations de vie tirées par les cheveux, aujourd’hui, c’était elle qui avait besoin de moi. Je me suis assise en face d’elle et, d’un ton doux et aimant, je la félicitai pour cette merveilleuse nouvelle. Puis, j’enchaînai sans détour : « Comment te sens-tu ? Tu as l’air un peu fatiguée… Ta merveille ne te laisse pas beaucoup dormir je devine ? ». Elle répondait brièvement d’une voix basse, entrecoupée de bâillements interminables qui en disaient long sur son état de fatigue. Et elle semblait vidée, comme dans un autre monde. Et surtout, ce qui m’a vraiment alertée, c’est qu’elle semblait éteinte intérieurement, sans aucune force ni entrain, je dirai même sans aucun “goût à la vie”. Je ne l’avais jamais vue comme ça auparavant !

Je décidai de ne pas m’éterniser et de la laisser se reposer, mais, dès le lendemain, je suis revenue chez elle, puis le surlendemain, et le suivant. Je l’appelais chaque jour, plusieurs fois. Je m’étais promise d’être la force dont elle avait besoin durant cette étape difficile, de la porter, de la comprendre, de l’écouter, sans jamais la juger. Je décidai tout simplement de ne pas l’abandonner, de ne pas la laisser sombrer.

Et c’est ce que j’ai fait. Il m’a fallu du temps, des forces, de la patience, il a fallu que je gère ma maison et mes propres enfants différemment (sans compter mon travail…), car j’avais deux foyers à faire tourner pour ainsi dire, mais j’y suis arrivée ! Aujourd’hui, Baroukh Hachem, après une période très dure, je retrouve mon amie, heureuse, pleine d’espoir et de projets. Je pense, sans me vanter, lui avoir redonné la vie ! Cette vie qu’elle-même venait de donner à son bébé.

Permettez-moi donc en toute modestie de vous donner quelques conseils si, par les aléas de la vie, vous vous retrouviez dans la même situation, sans y être préparée… Car cet état de dépression peut arriver à n’importe qui, à tout moment.

1. A vous de mettre les projecteurs sur tout le bien qu’elle possède et qu’elle n’a pas la force de reconnaître pour le moment toute seule (car généralement, la personne qui déprime voit tout en noir, il n’y a plus de demi-mesures, son jugement de la situation est faussé…). Par exemple, dans le cas de Léa, je lui ai offert une séance photo en famille. Elle a donc dû se faire belle, s’apprêter, préparer ses enfants et surtout sourire sans répit à se faire mal à la mâchoire. Un moment de complicité familiale, c’était exactement ce dont elle avait besoin. Le petit dont les grimaces faisaient rire tout le monde, la grande qui remettait la chemise dans le pantalon de son petit frère pour qu’il ait fière allure sur une énième photo, son mari qui portait le nouveau bébé avec force et tendresse à la fois… A la fin de ce shooting, pari gagné ! Elle avait durant deux heures, ni plus ni moins, assisté à l’exposition de tout ce qu’elle avait construit. Le meilleur moyen pour raviver amour et fierté dans son cœur fatigué.

2. Ensuite, il est très important de cibler les besoins de la maman en détresse. Nous sommes toutes différentes, ce qui fera du bien à l’une sera superflu pour l’autre et vice versa. A-t-elle davantage besoin d’aide à la maison (ménage, repas, sortir les enfants, s’occuper du bébé pendant qu’elle consacre du temps aux grands), ou l’urgence se situe-t-elle ailleurs, comme par exemple retrouver du temps pour elle (séance massage, dîner entre copines (dans ce cas, il faut lui organiser la garde des enfants), nouvelle coupe chez la coiffeuse pour se donner un petit coup de fraîcheur…). Il existe autant d’idées que de femmes. A vous de creuser et procurer à votre amie exactement ce dont elle a besoin à ce moment-là.

3. Il est également très important d’impliquer le mari. Il est le premier à être déstabilisé par ce changement de comportement. Il assiste à un effondrement de tout ce qu’il croyait solide dans son foyer et, même s’il est de bonne volonté, il ne sait pas toujours quoi faire ou dire pour améliorer la situation. Une femme qui vit une dépression est dépendante émotionnellement, elle a un besoin exacerbé de se sentir aimée et indispensable aux yeux de son conjoint, donc il devra lui donner tout cet amour qu’elle réclame à travers ses larmes. Il devra lui donner sans compter et avec l’intime conviction qu’elle le mérite profondément. Il est le seul à pouvoir la rassurer et la réconforter. Vous devez l’aider à prendre conscience du rôle majeur qu’il a à jouer ici.

4. Si vous sentez que l’aide familiale n’est pas suffisante, n’ayez pas peur de demander de l’aide à des professionnels. La plupart des gens sont effrayés en entendant le mot “psy”, et la première réaction que vous allez sûrement entendre est : « Tu exagères, je ne suis pas folle ». Mais si vous l’accompagnez avec amour dans cette démarche, elle se sentira rassurée et acceptera d’y avoir recours.

5. Enfin, ne JAMAIS, JAMAIS la lâcher… Même si elle fait mine de dire que ça va mieux, qu’elle gère, qu’elle n’a plus besoin d’aide, il faut lire entre les fous rires, et voir entre les sourires. Ils sont des fois très superficiels et ne reflètent absolument pas les méandres du cœur. Lorsqu’on est seuls et que personne ne prend de nos nouvelles, on a tout le loisir et le temps de broyer du noir et de sombrer. Aussi, même si ce n’est pas votre style, imposez-vous ! La santé mentale de votre amie et de tout son foyer en dépend. Elle vous remerciera plus tard d’avoir joué les pots de colle…

Béhatsla’ha à toutes !