J’ai grandi dans une maison traditionaliste. Mes parents croyaient en D.ieu, respectaient la religion et l’appliquaient à leur manière. Mes frères et sœurs et moi-même avons tous suivi ce chemin tout tracé et lorsqu’il est arrivé notre tour de fonder nos foyers, nous avons tout fait pareil, sans nous poser trop de questions. Cela facilitait nos réunions familiales, puisque nous étions tous sur la même longueur d’onde.

Et c’est justement lors d’une de ces réunions familiales inchangées, que ma vie à moi a profondément changé... La réunion avait lieu chez ma grande sœur et, comme à mon habitude, j’étais arrivée la première. Ma sœur refusant mon aide en cuisine, je me suis mise à la recherche d’un livre intéressant pour faire passer le temps. En digne dévoreuse de romans, je connaissais sa bibliothèque par cœur, mais là, au bout de la rangée, j’aperçus un petit nouveau. Le titre disait : « La pureté familiale ».

J’ai commencé à le feuilleter, mais je n’y comprenais rien de rien. Était-ce un roman ? De la fiction ? Le livre en main, je me suis dirigée vers ma sœur pour qu’elle m’éclaire et là, avec un large sourire, elle m’a dit : « Oui, il y a du changement dans l’air ». On a discuté 5 minutes sur le sujet, puis les autres sont arrivés. Je ne voulais pas que la discussion se termine, j’étais captivée, j’avais des dizaines de questions à lui poser. Ma sœur avait décidé d’avancer…

Étant la plus jeune des filles, ma sœur aînée avait une grande influence sur moi. Je l’admirais et la vénérais (bon, plus petites, on était plutôt comme chien et chat, mais en grandissant, force était de constater qu’un lien fort nous unissait). C’était mon repère, mon roc. Quand ça n’allait pas, je trouvais du réconfort à ses côtés. Elle avait ce secret de toujours savoir m’apaiser et trouver les mots justes. Je l’aimais profondément, je l’admirais pour sa sagesse et son amour d’autrui. Lorsqu’elle parlait, je buvais ses paroles, et lorsqu’elle se taisait, je pénétrais son regard et sondais son cœur. J’avais énormément appris de ma sœur, de ses dits et de ses non-dits. Elle avait influencé une bonne partie des décisions importantes de ma vie. Et c’est ce qu’elle fit encore une fois ce soir-là.

Il n’était plus question de faire du sur-place. Elle m’avait convaincue. Avec sa permission, je repartais avec le livre, en la prévenant que, dès le lendemain, je lui passerais un coup de fil pour en savoir plus. Cette nuit m’a paru interminable. Je cogitais sans savoir exactement sur quoi. Entre nous, c’est une activité épuisante. Puis, à la première heure, je l’ai appelée et, au bout de 2 heures de conversation profonde et captivante, je savais que je tenais la vérité du bout des doigts. La vie est courte, il faut avancer, il faut agir.

Nous étions dans une période de notre vie, avec mon mari, où nous souhaitions de tout cœur avoir un deuxième enfant… qui ne venait pas. J’approchais les 40 ans et je voulais avoir la joie de me sentir mère à nouveau avant que mon corps me refuse ce bonheur à tout jamais. Aussi, je décidai que mon changement s’opérerait ici et maintenant. Avec l’aide d’Hachem, j’accueillerai mon tout premier "bébé-Mikvé".

Je soumis l’idée à mon mari, qui accepta de bon cœur.

Dès le lendemain, je pris les choses en main, je ne voulais pas risquer de perdre mon entrain et que le quotidien me fasse oublier mes bonnes résolutions de la veille. Je pris donc rendez-vous avec la femme du rabbin de notre communauté et, munie d’un calepin, d’un stylo et d’une énorme dose de bonne volonté, je me rendis à ce début de nouvelle vie.

Les jours qui suivirent, je faisais tout à la lettre, j’agissais avec précaution, en me référant à mes notes 20 fois par jour, pour être sûre de ne rien oublier et de faire tout bien comme il faut. J’avais mis des rappels et des post-it de partout. Je comptais, j’examinais, je priais, je patientais. Je voulais que tout soit parfait pour accueillir mon « bébé spirituel ».

Le jour du Mikvé arriva. Sur le chemin, je tremblais, mes mains étaient moites, mon cœur battait la chamade. Qu’est-ce qui m’arrivait ? Du haut de mes 15 ans de mariage, je n’avais encore jamais rien ressenti de tel. Puis, toute cette appréhension et ces questionnements s’envolèrent à la seconde où ma peau rentra en contact avec ces eaux purifiantes.

Je me voyais entièrement immergée, moi qui avais peur de l’eau, moi qui ne savais pas nager, moi qui depuis des années planifiais des vacances à la montagne pour ne pas avoir à me mouiller les orteils dans un quelconque liquide que ce soit. Mais, à ce moment précis, je ne voulais être nulle part ailleurs, je me sentais si bien, j’avais atteint le paroxysme du bien-être, je faisais peau neuve, tous mes sens s’éveillaient en douceur, je savais que je faisais bien, je sentais que j’accueillais la bénédiction Divine dans chaque micromètre de ma personne. Je naissais de nouveau. En fait, je donnais naissance à celle que j’étais en sourdine depuis des années...

Si c’était ce mois-ci ou celui d’après, peu importe, je me sentais désormais prête à accueillir mon bébé-Mikvé. Je voulais ce bébé-Mikvé, ce bébé qui élèverait toute la famille spirituellement, avant même de venir au monde, ce bébé qui, avec une douceur infinie, me rattacherait à mes racines. Grâce à lui, je m’identifierais à toutes ces femmes pieuses qui se trempaient au Mikvé dans des conditions extrêmes, car elles connaissaient la valeur de cette action.

Elles savaient que ces eaux protégeraient leurs foyers, elles savaient. Et moi, jusque-là, je ne savais pas, je ne savais rien. Je voulais vivre une grossesse dans les prières et le recueillement, une grossesse dans la reconnaissance et les supplications. Je voulais assainir mon foyer pour accueillir cette âme pure, ce petit être conçu dans la spiritualité.

Je comprenais désormais à quel point un bébé-Mikvé était spécial, il témoignait de la grandeur de D.ieu et, plus encore, il témoignait de Sa présence dans nos vies. Présence que nous n’avons pas tardé à ressentir concrètement, car ce même mois, je tombais enceinte de mon bébé-Mikvé. Quelle joie ! Quel bonheur ! Toutes mes craintes et mes doutes se dissipèrent, je savais désormais que tout irait bien, car je portais en moi la promesse d’une éternité profonde, saine et pure...