Question d’une internaute : Bonjour Madame Seyman, je vous écris car j'aurais vraiment besoin de conseils. J'ai, Baroukh Hachem, 4 enfants de 6 ans à 7 mois. Mon fils est le seul garçon : il a 3 ans et demi. C’est un enfant qui sait ce qu'il veut. Très doux mais très dur par moment. Ces derniers jours, il est très, très dur à l’école ; en plus de frapper d'autres garçons de son école, il frappe la Ganénèt… Il ne fait rien de ce qu'on lui demande par moment et tient tête à nous faire perdre la tête… Je ne veux pas crier ni menacer, mais parfois, il me fait vraiment devenir folle et je ne peux pas passer mes journées à le punir. J'ai beaucoup de mal à comprendre ce qu'il se passe dans sa tête et pourquoi une telle attitude. Je n'ai pas la force de passer des heures en rapport de force avec un enfant qui n'a vraiment peur de rien. Merci de vos conseils et votre aide !

La réponse de Mme Nathalie Seyman

Tous les enfants font évidemment des caprices et demandent plus ou moins l’attention de leurs parents. Mais lorsque le comportement de l’enfant semble extrême, il ne faut surtout pas passer à côté. Alors attention, bien qu’on ne puisse pas nier la présence d’un caractère, on ne peut pas mettre une étiquette à un enfant : un enfant calme, un enfant turbulent, un enfant paresseux, etc. Il faut être très prudent afin de ne pas prendre le risque d’enfermer un enfant dans une case. En réalité, un enfant passe par des phases, rien n’est définitif, sa personnalité est en construction. Et la phase qu’il traverse est un message qu’il envoie à ses parents. Reste à comprendre ce message pour agir sur ce qui ne va pas à l’origine et non seulement sur le symptôme.

Une phase tyrannique

À partir de 18 mois, l’enfant commence à se décentrer de lui-même, c’est-à-dire à être de moins en moins égocentrique en comprenant qu’il n’est pas le centre du monde et prend ainsi conscience des autres autour de lui. Du coup, pour contrebalancer cette découverte, et ne pas perdre ainsi l’attention de ses parents face à l’extérieur, il entre dans une phase d’opposition. C’est l’apprentissage de l’affirmation de soi. Cela va générer de nombreux conflits qui vont lui permettre de découvrir les limites qu’il peut atteindre avec ses parents. Mais cette période ne doit pas s'éterniser, et, dès 3 ans, elle doit baisser d'intensité.

Selon ce que vous me décrivez du comportement de votre enfant, et en prenant évidemment beaucoup de précautions, ne connaissant pas tous les tenants et les aboutissants de votre vécu et de celui de votre fils, il semble que votre enfant traverse une phase tyrannique.

On parle de phase tyrannique lorsque les exigences de l’enfant se manifestent dans tous les domaines, de façon répétitive, au point d’obliger les parents à les satisfaire par usure. Bref, c’est quand il y a réellement un sentiment de toute-puissance de l’enfant. Ce ne sera pas forcément des attitudes de crises et de colère. Cela peut être un enfant qui pleure tout le temps ou qui se plaint souvent de douleurs… Des attitudes qui obligent les parents à centrer leur attention sur l’enfant exclusivement. 

Explications possibles d’un comportement tyrannique de l’enfant

Il y a plusieurs explications possibles au comportement d’un enfant qui demande à tout prix l’attention exclusive de ses parents. A-t-il pris le dessus sur ses parents par despotisme ou est-ce un mécanisme de défense à une angoisse qui l’envahit ? C’est ce qu’il faut découvrir. Voici quelques hypothèses :

- Le fait que votre fils soit le seul garçon de la fratrie, peut donner un indice. En effet, il est quelque part aujourd’hui “unique” au sein de la fratrie, ce qui peut lui donner l’occasion d’être un peu plus choyé et protégé, même de façon inconsciente, par ses parents, mais aussi peut-être par ses sœurs, d’autant plus s’il a été désiré avec ardeur. Peut-être a-t-il eu l’habitude qu’on lui cède plus facilement et il s’est peu à peu installé à une place d’enfant-roi au même titre qu’un enfant unique ?

- Un manque de compréhension des limites. Soit parce que les parents ne les lui ont pas expliquées clairement, soit qu’il n’y en a pas, soit encore par un manque de constance dans le respect de ces limites.

- L’absence de frustrations : Dans la société d’aujourd’hui, à l’ère d’internet, on a le pouvoir d’acquérir tout et tout de suite. Il n’y a plus de place à la frustration chez les adultes et de moins en moins chez les enfants, à qui il est devenu très compliqué d’apprendre l’attente quand les adultes, eux-mêmes, ne la supportent pas. Or, l’absence d’apprentissage de la frustration est dommageable. Le plaisir immédiat est devenu la règle, mais il faut savoir qu’il est également responsable d’un grand nombre de mal-être au sein de notre société.

- Indice d’un mal-être de l’enfant. Là encore, plusieurs explications sont possibles : une angoisse de séparation qu’il n’arrive pas à dépasser, un évènement qu’il a vécu ou une situation qui l’angoisse, une précocité qui fait qu’il ne se sent pas à sa place, un trouble du comportement tel que le TDAH, etc. Ce mal-être génère de l’angoisse, et c’est elle qui incitera l’enfant à se montrer tyrannique. Contrairement à l’adulte, un enfant ne saura pas dire : « Je suis angoissé ». Il manifeste ses difficultés par une exigence d’attention exclusive et permanente, que ce soit par contact ou par affrontement.

Quoi qu’il en soit, il est très important d’aller consulter pour ne pas prendre le risque de passer à côté de quelque chose d’important.

Il est indispensable de ne pas laisser la situation dégénérer, car les conséquences pourraient être importantes pour l’enfant, évidemment, mais aussi pour l’adulte !

En effet, pour les parents, un sentiment d’impuissance à gérer la situation pourra s’établir et ainsi leur faire perdre complètement confiance en leurs capacités parentales, pouvant mener à une perte de la sérénité du cocon familial, à des dépressions, ou même à des crises conjugales.

Pour l'enfant, s’il n’est pas pris en charge, ses souffrances s'accentueront toujours avec le temps et le placeront dans un état de stress permanent. L'enfant se posera en victime et attribuera la faute aux autres pour chaque évènement négatif qu’il traversera. Il se sentira ainsi constamment persécuté et cela l’empêchera de devenir un adulte responsable car la faute sera toujours projetée vers l’extérieur. Et une incapacité à supporter la frustration peut l’amener en tant qu’adulte à recourir aux addictions par désir de ressentir en permanence ce sentiment de plaisir immédiat (jeux vidéo, réseaux sociaux, achats compulsifs, etc)

Mes conseils

- Agir ! Parfois, certains parents banalisent l’attitude de leur enfant par confort ou par crainte de se pencher trop sur le problème. Et cela empêche l’enfant de recevoir l’aide dont il a besoin et qui pourrait être minime ! Si l'on n’agit pas, ces troubles du comportement infantile ne pourront que s’aggraver dans un sens ou dans un autre. Donc, ne surtout pas se dire qu’il est petit et qu’en grandissant, cela s’arrêtera. Si vous sentez que vous perdez pied, alors n’attendez pas, c’est le moment de réagir.

- Ne réagissez jamais à chaud lors de ses crises. Je suis consciente que c’est plus facile à dire qu’à faire. Mais réagir sous le coup des sentiments n’est jamais bon. Isolez-vous si c’est possible, soufflez, mais tentez de ne pas réagir durant ses colères. Vous en retirerez deux bénéfices : celui d’éviter les “dérapages”, mais aussi celui de ne pas provoquer ce qu’il cherche à provoquer en vous. En laissant la crise passer toute seule, vous lui faites passer le message que ce n’est pas de cette manière que l’on obtient ce que l’on souhaite.

- Dialoguez : La crise passée, il faut parler avec lui de ce qu’il s’est passé, lui poser des questions, lui expliquer ce que vous avez ressenti… Il a 3 ans et demi, il comprend. Faites-lui reformuler à haute voix ce qu’il a fait et qui n’était pas correct, et comment se comporter à l’avenir. L’enfant doit s’entendre, c’est très important.

- Écoutez-le : Quand il est calme, lâchez tout pour l’écouter (parasites visuels ou auditifs, travail, etc.) et prenez chaque mot avec son importance. Aujourd’hui, il pense que, pour avoir votre attention, il faut hurler. Démontrez-lui le contraire.

- Reformulez clairement les règles : “On ne doit pas frapper, c’est interdit”, en lui expliquant pourquoi ça l’est, “on ne doit pas hurler, si quelque chose ne va pas, on parle”, etc. Il ne faut pas hésiter à rabâcher, et, cela, à toutes les occasions.

- Il est indispensable de lui apprendre à gérer ses frustrations. Dire non, ne pas répondre immédiatement à ses attentes, le faire patienter, etc. sont autant de méthodes pour cet apprentissage.

- En ce qui concerne les punitions, chacun a évidemment sa méthode. Mais il faut savoir qu’une punition efficace, c’est une punition utile. C’est-à-dire que mettre un enfant au coin, n’est pas quelque chose d’utile. Il n’apprend rien dans un coin. Alors que réparer ses erreurs est une punition qui lui servira dans la vie. Il doit aller dire pardon à sa Ganénèt, mais ensuite, il faudra qu’il l’aide pour réparer le fait d’avoir frappé quelqu’un : distribuer des feuilles aux enfants, par exemple, ou autre chose que la Ganénèt et vous décideront ensemble avec lui. Faites la même chose avec les autres enfants qu’il a frappés.

- Quand il s’est bien comporté, sachez le récompenser, non par un objet, mais par une sortie, une activité seul avec vous, seul avec son papa ou seul avec vous deux. 

- Si cela ne s’améliore pas, allez consulter un spécialiste, car il faudra surtout comprendre ce qui le rend anxieux et être sûr qu’il n’y a pas quelque chose qui vous échappe. 

La vie parentale est loin d’être un long fleuve tranquille, mais comme je l’ai dit précédemment, ce n’est qu’une phase, à laquelle il convient bien sûr de réagir, et le fait que vous m’écriviez prouve que vous allez le faire. Hachem sait que vous avez les armes pour amener votre fils vers la voie du bonheur. Et lorsque la difficulté que vous traversez sera passée, toute la famille retrouvera sa sérénité et le plaisir d’être ensemble !

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.