Nous avons l’habitude de considérer Myriam comme la soeur de Moché, mais plus que la soeur du prophète, elle est prophétesse elle-même.

Il est écrit dans Mikha (6,4) : “J’ai envoyé Moché, Aharon et Myriam. Moché pour les lois, Aharon pour la Kappara, et Myriam pour enseigner aux femmes. Le nom de Myriam inclurait donc la notion d’enseignement (Mora), mais sa signification première est bel et bien liée à l’amertume (Mar). Nos sages disent que, lorsque Myriam est née, les égyptiens ont commencé à rendre la vie des hébreux plus amère. Mais pourquoi rapprocher ces deux événements; pourquoi leur donner une connotation de cause à effet ?

Le Maharal de Prague explique (Guevourot 5,12) que les contraires sont comme connectés. C’est la raison pour laquelle, par exemple, le peuple d’Israël s’est formé en Egypte. C’est justement par opposition à tant d’impureté qu’est né un peuple aussi saint. Et il explique ainsi au sujet de Myriam : elle était une force qui devait s’ajouter à Israël pour les rapprocher de la délivrance. Et forcément, le côte opposé se renforce aussi. Sa naissance est donc effectivement liée à l’amertume de la vie des hébreux, mais n’est-elle pas encore plus liée à leur délivrance !?

D’après le Zohar, ne peut entrer dans la Yéchiva du Machia’h que quelqu’un capable de transformer l’obscurité en lumière, l’amer en doux. Et Myriam a cette particularité.

Mais quel est le sens de cette transformation ? N’y a-t-il pas un danger à voir le négatif en positif ? En fait, il s’agit ici de quelque chose de plus subtil. C’est la faculté de comprendre que le renfort du Mal n’est autre que l’expression de la préparation du Bien. L’amer n’est pas seul ou indépendant. Il est étroitement lié, non seulement à la douceur, mais à son renfort !

Tout phénomène, avant d’être apparent, est d’abord latent. On ne voit le végétal qu’à la fin de son développement, quand il sort de la terre. Mais il avait commencé à grandir bien avant, dès la graine; même lorsque la graine pourrissait, c’était la plante qui se formait.

Tel est le message de Myriam. Cela ne veut pas dire qu’elle est indifférente aux souffrances de ses contemporains. Non, elle partage leur douleur; la preuve en est dans son nom (elle s’appelle Myriam, qui signifie amère, et non pas Métouka qui signifie douceur). Et puis, on ne peut enseigner sans se mettre au niveau de l’autre, sans ressentir la perception de l’autre. Et Myriam enseignait, elle donnait la leçon de la Guéoula (délivrance) !

Elle est celle qui, en un temps des plus obscures, lorsque l’autorité même de l’époque (son père Amram) avait décidé la séparation des couples pour arrêter les naissances et sauver ainsi les nouveaux-nés garçons, voués à la mort, a prêché à contre-courant. Grâce à elle, Moché a pu voir le jour; et, par la même occasion, la délivrance s’est hâtée.

Ce n’est donc pas étonnant qu’elle fût la première à se réjouir lors du miracle de la Mer Rouge. Elle est sortie à la tête des femmes avec les tambours. Nos Sages disent que le sien était prêt encore en Egypte. “Et Myriam la prophétesse soeur d’Aharon prit le tambour (Chémot 15,20). Elle est ici appelée “prophétesse” et “soeur d’Aharon”, seulement car cette joie de la Guéoula était en elle depuis longtemps, avant même la naissance de Moché, lorsqu’elle n’était la soeur que d’Aharon, lorsqu’en pleine amertume, on ne pouvait s’imaginer la douceur.

Telle est Myriam.