דָּרְשָׁה צֶמֶר וּפִשְׁתִּים וַתַּעַשׂ בְּחֵפֶץ כַּפֶּיהָ

Elle se procure de la laine et du lin et accomplit sa besogne d'une main diligente.

Ce verset nous apprend que la femme Echet ‘Hayil va chercher du lin et de la laine et fait tout son travail avec enthousiasme. Le verbe employé est étrange ! “Darcha”, qui signifie aussi “aller à la recherche”, nous indique qu’elle part loin pour se procurer ces matières premières. Pourquoi a-t-elle besoin d’aller loin ? Et en quoi cela constitue-t-il un éloge ?

La responsabilité d’une femme

Si, aujourd'hui, je vous dis : “Comme vos enfants sont bien habillés, où avez-vous appris à si bien tricoter ?”, je pense que vous prendriez un air éberlué et que vous me répondriez quelque chose du style : “Comment ça tricoter ?! Mais de quoi parlez-vous ? Tout a été acheté en magasin !”. C’est vrai, on ne tricote plus au XXIème siècle, on achète. Cependant, pendant des millénaires, cela ne se passait pas ainsi. Avant, les femmes possédaient chez elle un rouet et un métier à tisser, et, dès qu’elles avaient un peu de temps libre, elles s’asseyaient et se mettaient à filer ou à tisser, ajoutant à chaque fois quelques centimètres de tissu qui seraient utiles pour un habit. Sans cela, les membres de la famille n’auraient tout simplement pas de quoi se vêtir !

Le Talmud [1] relate que la responsabilité de l’homme était d’amener les matières premières comme le lin, le coton ou la laine, tandis que la femme avait comme responsabilité de tisser. S’il ne ramenait pas ces matières premières, elle avait une bonne excuse pour ne pas tisser ! Or, que ferait la Echet ‘Hayil dans un tel cas ? Elle ne recule devant rien : elle va elle-même faire ce que son mari était censé faire et part se procurer les matières premières dont elle a besoin pour accomplir sa besogne. Elle n’est pas en train de se dire : “Je ne suis pas censée faire telle ou telle chose”, ou bien : “Aujourd’hui, ce n’est pas mon tour” ! Non ! Elle ne cherche pas des “coupables”. Elle réfléchit tout simplement si elle est capable de le faire à sa place, et si oui, elle le fait de façon volontaire, pleine d’entrain et de bonne humeur.

Ce verset nous rappelle de nous concentrer sur l’atteinte de nos objectifs, sans essayer de trouver des excuses ou bien un “coupable” sur qui remettre la faute, dans le cas où nous n’avons pas pu atteindre notre objectif. Cette amie nous a pris beaucoup de temps au téléphone, et c’est “à cause d’elle” que nous sommes arrivés en retard ? Non ! Ce n’est pas de sa faute ! C’était notre responsabilité ! Nous aurions très bien pu couper court à la conversation. Cette maîtresse ne prend pas assez la défense de notre enfant qui se fait embêter par ses camarades à l’école ? Qu’à cela ne tienne ! Nous allons nous occuper de ce dossier nous-mêmes et appeler les parents des enfants un à un. La Echet ‘Hayil nous dit : “Arrête de chercher des coupables, ne perds pas ton temps à accuser ceux qui ne font pas bien leur travail, mais essaye plutôt toi-même de réfléchir comment contribuer à améliorer cette situation”.

Lin et laine, compatibles ? Que symbolisent-ils ?

Le lin et la laine sont deux matériaux que l’on n’a pas le droit de tisser ensemble. Au niveau spirituel, le lin est une matière très rêche, tandis que la laine est douce et malléable. Dans toute relation, il y a besoin d’être stricte et parfois malléable. Tout l’art de la Echet ‘Hayil c’est de savoir manier l’un et l’autre. Certaines situations requièrent que l’on soit stricte, et d’autres situations, plus “cool”, notamment avec nos enfants. Et la Echet ‘Hayil, grâce à son intuition innée, arrive à sentir de quelle manière réagir en fonction des situations. Vraiment ? La Echet ‘Hayil ne se trompe-t-elle donc jamais ?! Est-elle infaillible ? Non, bien entendu. Mais justement, vient le second principe du verset : elle met du “Hafetz” : elle met de l’envie et du bon cœur dans ce qu’elle fait. En effet, la bonne humeur que l’on diffuse autour de nous couvre nos erreurs et nos faux jugements, comme le dit le roi Salomon : l’amour couvre toutes les fautes [2]. Dans ce cas, effectivement, d’une certaine manière, elle ne se trompe jamais, car sa bonne humeur efface toutes ses erreurs de jugement.

Qui est la femme qui se cache derrière ce verset ?

Selon le Midrach, derrière chaque verset se cache une femme de la Bible. Dans ce verset, il s’agit de notre matriarche Léa !

Le Midrach fait référence à l’entrain de Léa dans la construction du peuple juif. En effet, Léa avait déjà quatre fils avec Ya’acov et elle souhaitait en avoir encore d’autres. C’est pourquoi, un soir, elle est venue à la rencontre de Ya’acov (le Midrach fait le lien avec le verbe “Darcha” qui signifie “aller en dehors”). Il est écrit : “Le Seigneur exauça Léa, car elle désirait ardemment donner naissance à de nombreuses tribus” [3]. Comme mérite pour son entrain, l’enfant qui est né de cette union est Issakhar. Le Midrach poursuit et dit : “C’est pourquoi Léa a mérité que des rois et des prophètes descendront d’elle”. En effet, Issakhar représente les érudits en Torah, Yéhouda est à l'origine de la lignée royale et la lignée du Machia’h. Lévi était responsable des fonctions saintes dans le Michkan, et, plus tard, au sein du Beth Hamikdach. Le Lévi le plus célèbre fut Moché, le plus grand prophète qui a parlé “face-à-face” avec Hachem et nous a transmis Sa Torah. Et enfin, tous les Cohanim, les prêtres juifs, sont des descendants des Léviim, donc de Léa. Ainsi, les fils de Léa ont le mérite d’occuper les fonctions les plus sacrées au sein du peuple juif, et ce sont ceux qui ont les plus grandes responsabilités.

C’est exactement ce que symbolise la Echet ‘Hayil et Léa Iménou. Lorsqu’on a le sens des responsabilités et que l’on fait les choses avec entrain, alors, on transmet automatiquement ce trait de caractère à nos descendants et ils auront le mérite d’avoir les responsabilités les plus belles et les plus sacrées au sein du peuple juif.

[1] Yébamot (63a)

[2] Michlé (10,12)

[3] Rachi sur Béréchit (30,17)