Question 

Chalom Kvod HaRav,

Mes frères et moi-même nous occupons de notre mère. Elle a plus de quatre-vingt-dix ans et est atteinte d’un cancer en phase terminale. Elle souffre énormément et n’est pas capable de manger. Nous l’aimons beaucoup, mais nous n’avons pas la force de la voir tant souffrir. On nous a dit qu’il est possible de prier pour un malade dans cet état et demander à D.ieu de lui accorder le repos et de lui faire quitter ce monde. Est-ce que c’est exact ?

Réponse

Chalom, que vous soyez béni.

Je compatis sincèrement à votre peine. Bien que, comme vous l’écrivez, il existe effectivement des sources faisant état d’une prière pour un malade dans laquelle on implore sa mort, et ce, à condition qu’il endure de terribles souffrances et qu’il n’y ait aucun espoir de guérison, les décisionnaires contemporains l’interdisent pour un certain nombre de raisons. Au contraire, ils préconisent de redoubler ses prières à Hachem et de Le conjurer d’avoir pitié du malade et de le guérir complètement. Ils excluent catégoriquement la possibilité de douter de l’efficacité de la prière même dans les moments les plus difficiles.  

Réponse détaillée

Depuis des temps immémoriaux, les Juifs de toutes les diasporas ont eu pour coutume de prier pour les malades et d’implorer qu’ils recouvrent totalement la santé, comme nous le voyons dans la Torah où Moché prie pour sa sœur Miriam « E-l Na Réfa Na La. » (D.ieu, de grâce guéris-la, de grâce). Peu le savent, mais l’un des buts principaux de la Mitsva de rendre visite aux malades est que, à la vue du malade, le sentiment de pitié à son égard s’éveillant dans leur cœur, les visiteurs prient pour lui avec davantage de ferveur. Il faut savoir que la prière est dotée d’une force phénoménale et qu’il est interdit de désespérer de la miséricorde divine. 

Au sujet de votre question, c’est vrai qu’on trouve une source concernant une prière pour un malade afin qu’il meure. Le Ran écrivit que, parfois, il faut solliciter la clémence pour un malade et réclamer qu’il meure dans le cas, par exemple, où il souffre énormément de sa maladie et qu’il est impossible qu’il survive. On voit donc que deux conditions sont requises : que, d’une part, selon les estimations, il n’y ait aucune chance qu’il guérisse de sa maladie et que, d’autre part, dans son état actuel, il endure d’atroces douleurs. S’appuyant sur le Talmud, Rav Acher Weiss Chlita rapporte plusieurs sources supplémentaires attestant les propos du Ran. Mais en fait, les décisionnaires ont préféré passer sous silence la règle énoncée par le Ran et ont donné quelques raisons à cette omission : 

  1. Très souvent, bien que les médecins soient persuadés que l’état de santé d’une personne est désespéré, il s’avère que, après un certain temps, celle-ci se rétablit et retourne chez elle. C’est pourquoi, il est interdit de prier qu’elle meure, car, comme nous l’avons dit, le seul cas qui soit permis est celui d’un homme qui n’a aucune chance de recouvrer la santé. 
  2. Même si effectivement, du point de vue médical, le malade est en phase terminale, il n’en reste pas moins que la prière est dotée d’un pouvoir de le guérir et de le sauver. Seul un Gadol (grand homme) – et de nos jours aucun homme n’atteint ce niveau – peut décider que les prières ne sont plus d’aucune utilité pour le sauver et que, par conséquent, il est autorisé de prier pour qu’il meure. 
  3. Les décisionnaires insistent aussi sur le fait qu’il faut toujours se souvenir de l’importance suprême de chaque bribe de vie, même si cette vie est jonchée de terribles souffrances et, c’est pourquoi, pour le bien du malade, il vaut mieux généralement, qu’il continue à vivre malgré son état de santé alarmant.

Rabbi ’Haïm Falaggi était d’avis que les propos du Ran ne s’adressaient qu’à des gens n’appartenant pas à la famille du malade, mais quant à ses proches, il n’était pas question de les autoriser à prier qu’il meure. En effet, il se pourrait que parfois leurs prières ne fussent pas dues à la pitié qu’ils éprouvaient pour le malade, mais au fait que la charge d’en prendre soin leur semblait devenir déjà trop lourde à porter.  

Les décisionnaires émettent des avis divergents quant à savoir si, dans le cas d’un malade en phase terminale et sans aucun espoir de guérison, il est néanmoins possible de prier pour lui qu’HaKadoch Baroukh Hou fasse ce qui est bon pour lui et que le Ciel ait pitié de lui ou bien s’il faut encore prier qu’il guérisse de sa maladie. Certains décisionnaires partagent la première opinion. Mais notre maître, Hagaon Rabbi Acher Weiss chelita ne le permet pas, car, selon lui, il ne faut pas changer la manière habituelle de prier pour un malade.     

Hakadoch Baroukh Hou Yichla’h Réfoua Chéléma Lékhol ’Holé ‘Amo Israël, Amen. (Que D.ieu envoie une complète guérison à tous les malades de Son peuple Israël, Amen.) 

Références : Tour Yoré Déa, chap. 335 ; Talmud Bavli, Nédarim, 40a ; Pirouch HaRan, Ibid ; ’Hekaké Lev, Yoré Dé’a, chap.50 ; Chévet Halévi, 8e partie, chap. 253 et 10e partie, chap. 292 ; Tsits Eliezer, 5e partie, Ramat Ra’hel, chap.5 ; Igrot Moché, ’Hochen Michpat, 4e partie, chap.74.