J’ai toujours eu un peu de mal avec les gens qui déclarent que le judaïsme est sexiste. Il faut quand même une bonne dose de mauvaise foi pour prétendre que la Torah est misogyne et s'évertuer à ne pas reconnaître la place privilégiée des femmes dans nos Écrits. Tout d’abord, et c’est avouons-le, le gros morceau, elles transmettent la religion. Elles ont été pressenties comme plus aptes que ces messieurs, à endosser cette énorme responsabilité de passation de notre héritage. Le judaïsme sera, oui ! Mais uniquement par notre biais ! 

Comme un commando d’élite, très entraîné, très spécialisé et surtout de haute confiance, elles doivent mener à bien de leurs mains expertes, de leur intelligence souple et intuitive, cette mission ultra-délicate, ultra-ardue et parfois, ultra-périlleuse. 

Voilà où la Torah place la gente féminine. 

Ladies first

Je peux regarder cette photo de longues minutes, sans me lasser. C’est Recha Sternbuch - Rottenberg de naissance, sœur du Rouv, qui dirigea la Yéchiva de Pavée pendant 26 ans -, entourée de son mari, de son beau-frère et du Rav Botchko, présidant à l'une des dizaines de réunions exceptionnelles qu’elle initiera pour son peuple en détresse pendant la guerre. Comme dans un tableau de maître, toutes les lignes de force convergent vers elle. Elle a un geste de la main, très net, très précis et malgré sa grande élégance, et son turban à la mode de l’époque, on sent une résolution à toute épreuve dans son attitude. Merveilleusement croquée en une fraction de seconde par ce photographe anonyme - les hommes qui l'écoutent sont un instant distraits par le flash -, il est évident que c’est elle qui est au centre des pourparlers : elle est “le cerveau”.

Ladies First

Née en 1905 dans une famille de neuf enfants, elle est la fille du Rav Mordékhaï Rottenberg, la plus grande autorité rabbinique européenne qui, fuyant les nazis, se trouvera à Anvers pendant la guerre. Mariée à Isaac Sternbuch, de nationalité suisse, ils se trouveront en terre neutre pendant les années de la tourmente - ce qui va s'avérer providentiel -, devenant le bras exécutif du Vaad Aatzala, organisme de sauvetage des Juifs d’Europe mis en place par la communauté orthodoxe des USA. 

Ladies first

Recha et les siens vont mettre en place un réseau clandestin très ramifié qui sauvera des milliers de Juifs pendant la guerre. 

Sa belle-sœur dira d’elle : “Elle n’aurait jamais cherché à faire des actions héroïques, et son rôle de femme et de mère lui convenait parfaitement. Mais il est certain qu’elle avait un charisme fou, et qu'auprès d’elle, une discussion n’était jamais quelconque”.  

Mais l’heure fait l’héroïne et elle se révéla comme la femme de la situation. Elle ne craignait rien ni personne, parlait les yeux dans les yeux avec des SS, qui s’inclinaient devant son aura. Arrêtée pour trafic de faux-papiers, un officier nazi lui dit : “Vous savez que vous aurez des comptes à rendre pour ce que vous faites ?” Elle répondit de but en blanc : “Je n’ai de comptes à rendre qu’au Très-Haut”. Emprisonnée, elle perdit le bébé qu’elle portait ; elle fut relâchée miraculeusement. Le jour de la Bar-Mitsva de son seul fils qui tombait un Chabbath, on lui fit savoir qu'une “opération clandestine” cruciale allait avoir lieu à Vittel, pour sauver des Juifs. Elle ne participa pas à la cérémonie, quitta la synagogue, sauta dans un train - cette femme ortodoxe et profondément pieuse savait aussi quand le Pikoua’h Nefech (risque de mort) repousse Chabbath -, et entra en action.

Kibboutz

Rahel Fisker, habitante du Kibboutz Béeri - peut-être le plus touché par le massacre du 7 octobre -, a été enfermée avec 6 membres de sa famille et une belle-fille enceinte en fin de 9ème mois, pendant 8 heures dans la pièce blindée de sa maison. Avec ses cheveux d’or en boucle, ses lunettes fumée de myope, son optimisme contagieux, elle fait maintenant visiter aux journalistes les restes de sa maison, et fièrement pointe le doigt sur sa Soucca, intacte, même pas effleurée par les bombardements et les lancements de RPG. Malgré son look d’Israélienne tel-avivienne, cette femme pleine d’énergie, portant ses sept décennies à merveille, s’est réveillée au judaïsme dans le lieu le plus laïc du pays, et s’est battue il y a quelques années pour y édifier une synagogue. Elle n’a en bouche que des mots de Torah, des remerciements au Saint Béni Soit-Il. Elle pleure ses voisins assassinés, mais elle se reprend, essuyant ses larmes, retrouve son sourire et ses énergies. Elle est certaine que tout refleurira. Elle a d’ailleurs participé à l'écriture d’un Séfer Torah qui sera inauguré dans un an, pour le prochain Sim'hat Torah à Bééri. “Bé'éezrat Hachem, nous reviendrons et le Kibboutz sera reconstruit”. De ses lèvres au Ciel. 

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Kiryat Gat

La vidéo de la prière de Magui-Margalit Méguidech, de Kiryat Gat, veille de la libération de sa fille Ori kidnappée, a fait le tour du monde. Il y a des prières qui font fondre tous les cadenas, qui ouvrent les coffres-forts les plus étanches, qui comme une lame aiguisée, tranchent d’un coup tous les décrets. C’est ainsi que Magui s’est présentée, entourée de ses soeurs, ce fameux soir de Hafrachat 'Halla, dans sa cuisine, simplement, se couvrant la tête, et offrant la seule chose qu’elle pouvait à son Créateur : elle-même.

Au lieu de sombrer, dans l'abîme de la peur et de l'inquiétude, elle a réussi à diriger vers le Très-Haut cette énergie, comme une offrande, une 'Ola Temima. Elle a pris son impuissance, son terrible désir de contrôler, et en un effort surhumain, elle a transcendé sa vision des événements, pour Lui faire de la place, et Le laisser agir ici-bas. Magui a dit : “Toi seul Tu peux”, avec chaque parcelle de son être, avec chacune de ses respirations. “Je ne peux pas contenir cela, je Te le donne”. Et elle laisse émerger sa foi, tangible et pure comme un diamant.
Le lendemain, ou peut-être déjà le soir même, toutes les serrures ont sauté.
 

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Knesset…

Galit Distel, membre de la Knesset, affiliée au Likoud, ministre dans le gouvernement de Netanyahou, a toujours montré des sympathies pour le monde religieux. Ce premier novembre, elle est montée à la tribune de la Knesset et a déclaré qu’elle voulait partager “un petit élément spirituel” avec l’auditoire. Alors qu’elle commence son discours, on croit entendre parler un Gadol Hador, et non plus une politicienne israélienne : 

“Moi aussi je suis croyante, moi aussi je pense qu’il y a au-dessus de nous des calculs cosmiques qui nous dépassent et que ce que D.ieu fait est en fin de compte, pour le bien”, dit-elle. “Mais je le dis au chaud chez moi, entourée de de mes enfants, ou lors de l’allumage des bougies de Chabbath, la famille réunie. Magui, elle, elle est capable de le dire alors que son enfant, son bébé, se trouve dans les souterrains des monstres que nous avons vus. Magui, elle le dit même quand tout va de travers, et qu’elle ne comprend plus rien. Magui dit "D.ieu je T’aime" alors qu’elle est éprouvée de l’épreuve ultime, la plus difficile, celle qui ne laisse pas une seconde de répit, celle qui mord dans la chair. Magui, tu es mon modèle et mon inspiration, et ta hauteur spirituelle est incommensurablement élevée.” 

Quelque chose se passe à la Knesset en ce moment.

Épouses, mères, grands-mères, sœurs, bénévoles, amies, plieuses de Tsitsit, liseuses de Téhilim en boucle, conductrices de projets (et de camions) pour les déplacés du sud, organisatrices de cuisines improvisées, de blanchisseries ambulantes…

Chacun a dans son imaginaire la représentation de qui est Echèt 'Haïl, la femme valeureuse décrite par le Roi Salomon.

Le peuple juif, Baroukh Hachem, en regorge...