Le livre d’éthique, Messilat Yecharim (La voie des Justes), qui analyse les divers degrés de la vie morale pour parvenir à la sainteté, commence son développement par des conseils de PRUDENCE. Pour éviter de tomber dans le travers d’une conclusion trop précipitée, il commence par une description de la PRUDENCE. Cela implique une réflexion attentive avant de tirer une conclusion rapide à partir d’une analyse trop précipitée. Soyons prudents, et ne tirons pas trop vite de conclusion absolue, sur le précipice qui semble nous atteindre, dans la situation politique actuelle dans l’Etat d’Israël. Effrayés devant ce gouffre, nous le sommes assurément, mais réfléchissons avec prudence.

En fait, depuis le début de l’Histoire de l’humanité, c’est-à-dire depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, deux dangers guettent le peuple juif : l’idolâtrie ou la conversion au christianisme. Le deuxième danger est, depuis l’époque moderne, l’assimilation aux autres nations. Ces deux dangers sont permanents, car d’une part les ennemis, les adversaires doivent toujours menacer l’être juif, jusqu’à l’époque messianique. A l’inverse, l’étincelle juive ne peut jamais s’éteindre, car l’Eternité du Créateur trouve son reflet dans la créature. Cet antagonisme permanent trouve son écho, aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif. Or, l’Etat juif inclut en son sein - consciemment ou non, bon gré mal gré – les détenteurs de cette étincelle. Depuis la destruction du Second Temple, aucune époque n’a connu un rassemblement du peuple juif sur sa terre aussi important qu’aujourd’hui. L’époque du Rav Yossef Karo – et de l’Arizal – fut certes florissante, au 16ème siècle, à Safed, mais ce n’était qu’une petite communauté, qui ne représentait pas une entité importante du peuple. La situation actuelle qui inclut une grande partie du peuple sur son sol est, certes, nouvelle. Elle est positive, car, de cet état de fait, la Terre Sainte est devenue le centre de Torah le plus important pour le peuple juif et a remplacé les centres disparus depuis la Shoah. Cependant, ici la prudence dans l’analyse est précieuse : cet élément positif risque donc de devenir aussi un danger. L’assimilation guette la nation, comme elle guette l’individu. Or, c’est ici le paradoxe de notre situation. On rapporte que lors des premiers congrès sionistes, à Bâle, Théodore Herzl a proposé l’Ouganda comme lieu de refuge pour le peuple juif, alors Martin Buber a rétorqué que seule la Terre Sainte pourrait être un lieu d’attraction pour les Juifs. Cela dit, Buber, bien que féru du hassidisme, n’acceptait pas le joug de la Halakha. En 1947, quand Ben Gourion a expliqué à l’O.N.U. le lien du peuple juif avec sa Loi et sa terre, il a demandé aux Américains s’ils savaient quelle était la nourriture des premiers émigrants anglais vers l’Amérique, dans le bateau Mayflower. Il a expliqué que les Juifs savaient, depuis 3000 ans, quelle était la nourriture du peuple qui sortait d’Egypte, et quelle était sa terre. Il voulait prouver la force de l’attachement du peuple à sa tradition. Lui non plus n’était pas lié à l’observance de la Torah. Et c’est ici que réside le paradoxe du peuple d’Israël. On apprend aux jeunes Israéliens le passé du peuple juif, mais comme un passé historique. Le mur occidental – lieu sacré pour l’être juif – n’est, pour les jeunes Israéliens, rien d’autre que le Panthéon ou l’Acropole pour les Grecs d’aujourd’hui, ou les Pyramides pour les Egyptiens. C’est un lien appartenant à une histoire qui ne les concerne pas. L’apparence extérieure de la mémoire du peuple existe, mais elle ne recouvre aucune réalité spirituelle. Car, selon eux, cette histoire est éteinte, et n’est pas éclairée par une spiritualité étrangère à leur devenir. Ce paradoxe explique le fossé qui sépare les diverses composantes du peuple qui habitent aujourd’hui Erets Israël. Les uns viennent d’Amérique ou d’Europe mus par un sentiment d’appartenant à l’être juif. Ils pleurent de découvrir le Kotel et l’embrassent, sont touchés d’arriver à la Tombe de Ra’hel Iménou ou au Caveau des Patriarches. A l’inverse, bien souvent, les enfants des fondateurs de l’Etat rêvent de découvrir la méditation en Inde ou rêvent de vivre à Los Angeles. Certes, il faut regarder ce paradoxe avec prudence, ne pas généraliser et espérer un réveil des jeunes générations, et surtout ne jamais oublier qu’une ALLIANCE existe entre le Créateur et la créature. La lumière qui éclaire l’être juif, depuis Avraham, Its’hak et Yaakov, ne cessera jamais de refléter la volonté du Créateur. C’est la lumière que désirent éteindre les manifestations actuelles, qui ignorent l’histoire juive. Il nous appartient de faire briller cette lumière, de ne jamais oublier que notre devoir est de préparer l’époque où l’harmonie universelle règnera entre les diverses composantes de l’humanité. Alors, selon l’expression des Sages, « de la fraternité de toutes les créatures jaillira l’adoration commune de D.ieu, Père de tous les hommes ». 

Il importe de faire confiance au Créateur, et de savoir que les voies du Tout-Puissant ne sont pas toujours comprises par la créature. Il faut être conscient de la puissance des obstacles, les contourner avec PRUDENCE, et reconnaître que l’éternité du Créateur se reflète dans l’Histoire. Bientôt arrivera le jour où l’humanité entière reconnaîtra dans le monde l’œuvre du Tout-Puissant, et Son reflet dans l’Histoire de l’humanité.