Quel est cet étrange sentiment qui vous saisit, alors qu’en compagnie de gens que vous aimez - qui vous reçoivent chez eux chaleureusement et commandent un repas Cachère Laméhadrin par respect pour vous -, la discussion familiale tourne au débat idéologique. Et vous avez alors la sensation de leur parler comme à travers la vitre étanche d’un aquarium, tentant désespérément de faire des gestes et émettant des sons pour vous faire comprendre, mais en vain. Les oreilles sont là, le tympan fonctionne, mais les mots font écho à une signification qui n’est pas seulement différente pour eux et vous, mais diamétralement opposée. C’est la Tour de Babel façon 2023.

Militant pacifiste et végétarien

Victor, mon petit cousin, avec qui je partage ce repas de famille, diplômé de Maths Sup, programmateur surdoué, militant pacifiste, végétarien, présent à toutes les manifs, est de tous les combats pour défendre opprimés et minorités. 

Le tracé de Victor, il ne s’en cache pas, passe par les théories évolutionnistes, l’empirisme, et la laïcité, ce merveilleux cadeau que nous a donné la République. Victor, parce qu’il est foncièrement bon et ne cherche qu'à faire le bien, a tiré une conclusion : le faible a toujours raison. Il combat pour ceux qui ne comptent pas, les invisibles, les oubliés et il est prêt à donner son lit à un ami indigent, ou en mauvaise posture. Il se range bien sûr du côté des palestiniens, chassés injustement de leur terre, qui dans le conflit avec l'État hébreu, ont le rôle du pot de terre. Rien - dans la logique de Victor - ne légitime la conquête d’un lieu déjà habité et l’occupation d’une population qui était déjà présente sur place.  

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Victor, pour appuyer ses arguments, m’envoie une page du « The Guardian », le journal britannique, qui raconte comment les sbires du nouveau gouvernement israélien truffé d’ultra-orthodoxes et d’extrémistes de droite, veulent museler la liberté d’expression en Israël. Le quotidien rapporte que le nouveau ministre des sports et de la culture, Miki Zohar, va stopper le financement de documentaires ou films qui contribueraient à salir l’image du pays. Sur la liste des indésirables, un film documentaire sorti récemment et portant le doux titre de « Two children a day » - Deux enfants par jour - : l’armée israélienne arrêterait et incarcèrerait une moyenne de deux enfants palestiniens mineurs par jour, sans alerter les parents qui, morts d’inquiétude, ne savent pas ce qui se passe avec leur progéniture. C’est  « Hansel et Gretel », avec Tsahal dans le rôle de l’ogre. 

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The Guardian, vestale de l’éthique journalistique, situé au centre gauche, lu par une certaine intelligentsia comprenant enseignants et intellectuels, prend parti, et donne pleine crédibilité au documentaire, s’outrant que bientôt, ce genre de film ne sera plus subventionné par le gouvernement de Netanyahou.  

Chabbath sanglant façon The Guardian

Chabbath dernier, 28 janvier à 20h15, un palestinien de 21 ans demeurant à  Jérusalem Est, porteur d’une carte d’identité israélienne, Ayri Elkam, prend sa voiture et se rend dans le quartier de Neve Ya'acov. Une fois sur place, à proximité de la synagogue Atéret Avraham, il commence à tirer sur les Juifs qui entrent et sortent de la synagogue. Raphaël Ben Eliahou, reçoit une balle et s’effondre, le jeune Acher Nathan de 14 ans, est également mortellement atteint. Les rafales continuent. L’homme tire aussi sur des passants motorisés. Eliahou Mizrahi et sa femme Nathalie, infirmière, mariés il y a 2 ans, en entendant des cris et des coups de feu, descendent de l’appartement du parent chez qui ils passaient le Chabbath, pour apporter de l’aide aux blessés. Le mari est abattu à bout portant et le terroriste vise Nathalie à la tête, alors qu’elle s’est penchée sur un corps à secourir. Après avoir tué 7 personnes, l’homme monte dans sa voiture et s’enfuit. 

The Guardian, sur son site, le soir même à 23h30, alors que 7 Israéliens ont été assassinés et 5 grièvement blessés, titre 

« Israël moves to "strengthen" Jewish settlements after shootings. »

« Israël s’apprête à renforcer ses implantations suite à des tirs .» 

L’innocent lecteur du The Guardian est étrangement informé du carnage qui vient d’avoir lieu à Jérusalem.

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Benyamin Netanyahou

Pas un mot sur l’état des blessés, sur la façon dont les victimes ont été abattues : ce qui intéresse le journal, c’est comme l’indique la phrase qui ouvre l’article : « Des militaires israéliens ont scellé la maison hiérosolymite du tireur palestinien… » 

Pas d’assassin, ni même de terroriste, on se suffira de « tireur », alors que Tsahal, en père fouettard, a encerclé (sealed off) la maison du palestinien.

Les faibles ont toujours raison. 

On a le droit d’avoir des critiques sur la politique israélienne, et même si on est juif, on n’est pas obligé d’être sioniste. Mais le compte rendu du Guardian et de la majorité de la presse occidentale répond-il bien aux attentes d’une éthique journalistique fiable ? Les mots choisis, (et ceux escamotés...), le parti pris de nommer le quartier de l’attentat « zone occupée par Israël », et celui d'appeler le terroriste tout simplement « tireur », en dit long sur les intentions du journal.  

Nos sources d’information, celles qui nous permettront ensuite de décider qui est, dans n’importe quel conflit, l’oppresseur et l’opprimé, l'agresseur et l'agressé, pourront-elles s’appuyer sur ce genre de comptes rendus ? Un journal reflète toujours une certaine ligne idéologique, mais de là à manipuler les faits, à lessiver les mots, pour leur faire dire ce qu’à priori on a déjà ciblé… 

Terreur en culotte courte

Ce même Chabbath sanglant, le lendemain matin à 11h30, un jeune palestinien de 13 ans se rendait dans le quartier de 'Iir David, également à Jérusalem, armé d’un revolver, prenant pour cible un père et son fils et les blessant grièvement. 

Cela expliquerait pourquoi Tsahal doit parfois arrêter et fouiller des enfants. 

En tous cas, on ne trouve aucune mention de cet attentat dans le journal britannique. 

Dans les quartiers arabes, suite à l'annonce des 7 victimes, on a crié des « Mabrouk » à tout vent, offert des friandises et tiré des coups de feu de joie en l’air. Ces liesses viennent, ne l’oublions pas, après le meurtre de femmes, d’enfants et de civils. La presse, bien sûr, ne parle nulle part de ces distributions de Baklawa.

PalestiniensPalestiniens

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En fin de compte, chacun est libre de choisir ses références car nous sommes tous destinés à croire en quelque chose. Mais pourquoi choisir un si piètre référenceur ? Je m'étonne que Victor (et tous ceux comme lui) doté d'un esprit fin et critique, accepte si facilement la terminologie et le narratif des cyniques.

L’éditorialiste du The Guardian et les rédacteurs de la presse mondiale, sont eux-mêmes influencés par un réseau d’influenceurs, qui ont été influencés… et ainsi de suite, sans repères solides, habités chacun par leurs haines, leurs amours, leur inclination et leur penchant. Ils manipulent, escamotent, allusionnent, soulignent, font abstraction quand bon leur semble, sans une once d'objectivité ou de bonne foi (ces termes ont-ils toujours un sens !?). 

Devant cette désolation des mots auxquels on fait dire ce que l'on veut, et où un attentat meurtrier est excusé puisque le véritable "terrorisme" c'est l'occupant qui le génèreoù une société "décadente" est définie comme celle qui porte atteinte à la permissivité, comment ne pas se blottir auprès de nos Sages, aux énoncés limpides et concis. Nos Maîtres, à la stature morale gigantesque, n'ont cherché toute leur vie qu'à raffiner leur jugement, à l'éclaircir, à le purifier de toutes scories pour transmettre et traduire aux hommes le plus parfaitement possible la Parole de D.ieu. Et ce dans une parfaite cohérence entre leurs enseignements et leurs actes.

On est quand même très loin du Guardian et de ses acolytes…

Il faudra qu’on en parle, Victor.