« Comme tes tentes sont bonnes, Ya'acov, tes résidences, Israël. » (Bamidbar 24,5)

Rachi précise : « Parce qu’il a vu que les ouvertures [de leurs portes] n’étaient pas face à face. »

Lorsque Bil''am tenta de maudire le peuple juif, Hachem fit en sorte qu’il les bénisse. Ce verset est d’ailleurs la bénédiction la plus célèbre qu’il fit involontairement au peuple juif, « Ma Tovou Ohalékha Ya'acov – comme tes tentes sont bonnes, Ya'acov ». La Guémara[1] souligne la nature unique de cette bénédiction ; toutes les autres « bénédictions » de Bil'am furent finalement transformées en malédictions (comme ce qu’il avait prévu), à l’exception de celle-ci. 

Qu’a-t-elle de spécial ? La Guémara affirme que Bil'am faisait référence aux synagogues et aux maisons d’étude. Les commentateurs expliquent pourquoi cette bénédiction ne pourra jamais être transformée en malédiction. Tout d’abord, les autres bénédictions portaient sur des choses qui pouvaient entraîner une rébellion contre Hachem. Par exemple, l’opulence peut inciter l’individu à se détourner d’Hachem. En revanche, la Kédoucha inhérente aux synagogues et aux maisons d’Étude ne peut rien engendrer de mauvais.[2]

D’après l'interprétation de Rachi, la bénédiction fait référence à la pudeur du peuple juif – les Bné Israël veillaient à ne pas voir ce qui se passait chez leurs voisins. Dans ce cas, pourquoi cette bénédiction a-t-elle duré éternellement et n’a-t-elle pas été transformée en quelque chose de négatif ?

Les efforts fournis pour s’éloigner de l’immoralité sont d’une telle valeur, qu’ils perdurent à travers les générations et résistent même à de puissantes malédictions (comme celle émise par Bil'am). Rav Daniel Glastein souligne qu’à la fin du Séfer Béréchit (Parachat Vayé’hi), la Torah rapporte un détail qui semble insignifiant sur Yossef Hatsadik ; il mérita de voir les descendants de la troisième génération après Éfraïm et Ménaché. Le mot employé pour parler des trois générations est « Chiléchim ». Que nous enseigne la Torah à travers ce détail ?

Dans la Parachat Vayéchev, la Torah nous raconte l’épreuve que dut surmonter Yossef devant la femme de Potiphar qui tenta de le séduire. En lisant superficiellement ce récit, on a l’impression que Yossef n’était aucunement tenté d’opter pour le mal, mais ce n’est pas le cas. La Torah précise que Yossef a refusé – « Vayémaen », terme sur lequel il y a un signe qui n’apparaît que quatre fois dans toute la Torah, un signe qui s’appelle « Chalchélet ». Ce mot est prononcé avec une mélodie qui monte et descend, indiquant que Yossef hésitait entre résister et céder à la femme de Potiphar. La Chalchélet nous montre qu’en refusant de succomber à la tentation, son mérite se répercuta sur trois générations et qu’il vécut pour voir son illustre descendance. Le mot « Chiléchim » a la même racine que le mot « Chalchélet ». C’est le message final du Séfer Béréchit ; si l’individu reste ferme dans sa détermination à s’éloigner de toute immoralité, il méritera de voir d’illustres générations.

Quand il vit à quel point le peuple juif veillait à rester pudique, Bil'am lui fit une bénédiction durable, voire éternellement positive.

Rav Glatstein affirme que les avantages de ce genre d’efforts vont encore plus loin. D’après Rabbénou Bé’hayé[3], l’accomplissement d’une Mitsva engendre un « Èt Ratson », un moment propice durant lequel toutes les prières récitées ont une force incroyable. C’est la raison pour laquelle les femmes prennent le temps de prier après l’allumage des bougies de Chabbath – venant d’accomplir une Mitsva, elles profitent de ce moment propice pour prier. 

Cela est d’autant plus vrai lorsque la Mitsva accomplie implique un grand sacrifice. Ne pas regarder une image indécente, s’abstenir de faire un acte inapproprié, etc. ce sont des actions qui demandent une certaine Messirout Néfech, parce qu’il faut alors surmonter un puissant désir. Le Chomré Emounim écrit que toute prière récitée après avoir surmonté un grand défi dans le domaine de la Chémirat 'Énaïm (préserver ses yeux de spectacles indécents) ne restera pas sans réponse[4].

En pratique, quand on est confronté à une épreuve dans ce domaine, il ne faut pas la considérer comme un défi éprouvant, mais comme une opportunité unique de prier et d’influer sur les générations futures.

Puissions-nous tous mériter de jouir des bénédictions de Bil'am.

 

[1] Sanhédrin, 105 b.

[2] Il est vrai qu’une personne peut agir inadéquatement dans une synagogue ou une maison d’étude, mais la sainteté inhérente à ces endroits a tout de même un effet positif sur cet individu.

[3] Chémot 19,3.

[4] Notons que l’obligation de Chémirat 'Énaïm n’est pas réservée aux hommes. Les femmes doivent aussi faire attention à ce qu’elles regardent. D’ailleurs, le Rav Chimchon Pinkous affirme que les femmes sont souvent plus affectées par ce qu’elles voient que les hommes.