« Ils se levèrent de bon matin, ils montèrent au sommet de la montagne en disant : "Nous voici, nous monterons vers l’endroit qu’Hachem a dit, car nous avons péché !" Moché dit : "Pourquoi donc transgressez-vous [ce qu’a dit] la bouche d’Hachem ? Et cela ne réussira pas ! » (Bamidbar, 14:40-41)

Après la débâcle des explorateurs, le peuple juif fut puni et dut séjourner dans le désert pendant quarante ans, avant que leurs descendants ne puissent entrer en Terre Promise. Toutefois, un petit groupe de gens, appelés « Hamaapilim » décidèrent de rectifier leur manque d’enthousiasme à entrer en Terre Sainte et d’y pénétrer, même sans l’accord d’Hachem. Moché Rabbénou les prévint que suite à leur précédente faute de croire au Lachon Hara des explorateurs, ils avaient perdu leur Siyata Dichmaya (aide divine) et que leurs efforts seraient vains. Obstinément, ils l’ignorèrent, entrèrent en Erets Israël et furent rapidement anéantis.

Rav Steinman[1] soulève une difficulté dans les mots employés par Moché pour mettre ces hommes en garde. Il dit d’abord qu’ils transgressèrent la parole d’Hachem en entrant, puis il ajoute : « et cela ne réussira pas ». Ces mots semblent sous-entendre que d’après Moché, si cela avait eu des chances d’aboutir, ils auraient été autorisés à désobéir à la parole divine ! Ce qui n’est certainement pas le cas ; même si leur succès avait été garanti, ils n’auraient pas dû y aller, pour la simple et bonne raison qu’Hachem le leur avait interdit. Alors qu’ajoute Moché en précisant qu’en plus d’être interdit, leur projet ne sera pas fructueux ?

Rav Steinman répond par un principe du ’Hazon Ich, basé sur deux affirmations de nos Sages : « Dans la voie qu’un homme veut emprunter, on le mène » et « celui qui vient se souiller [par la faute], on lui permet de le faire ». Le ’Hazon Ich affirme qu’il est tout à fait possible qu’un bandit réussisse à voler ou bien qu’un homme non respectueux du Chabbat en vienne à le profaner. Si une personne choisit un certain mode de vie, rien ne l’empêchera de vivre en fonction, mais elle devra rendre des comptes sur toutes ses erreurs, en dépit de ses réussites. Ainsi, d’après Rav Steinman, Moché montrait aux Maapilim qu’ils auraient pu croire que même si leur acte allait à l’encontre de la volonté divine, il serait couronné de succès – étant donné qu’un homme peut choisir de fauter et réussir à fauter. Moché dut donc leur dire qu’en plus d’être prohibée, leur tentative n’aboutirait pas.

Ce principe met en relief une idée erronée concernant les actions de l’homme et leurs conséquences. Une personne peut croire que si elle commet une faute, elle n’aura aucun succès et que si elle agit vertueusement, elle en sera couronnée. Cette impression est dangereuse : celui qui faute et qui réussit peut alors facilement justifier son comportement. Et par ailleurs, celui qui a git correctement et qui échoue peut être vite découragé de poursuivre dans cette voie, étant donné qu’il n’en récolte aucun fruit. Mais en réalité, comme le souligne le ’Hazon Ich, un fauteur peut « brillamment » réussir et une personne pieuse peut rencontrer de nombreuses difficultés.

L’exemple de celui qui fait Téchouva (se repend), qui tente de s’améliorer et subit des désagréments est particulièrement important. Prenons celui d’Avraham Avinou. Hachem lui demande de quitter sa famille, son pays, et de se diriger vers Erets Israël, en lui promettant des récompenses dans tous les domaines. Avraham se rend docilement en Terre Sainte et y est accueilli par une terrible famine. Il quitte la Terre, mais ne se plaint pas, ne montre aucun doute sur les conséquences apparemment désastreuses de sa Aliya.

Rachi[2] explique qu’il s’agissait de l’une de ses épreuves – allait-il accepter ces circonstances sans se lamenter, même s’il lui semblait qu’en guise de « récompense » pour ses bonnes actions, il dut subir la famine ?

Tout le monde n’est pas capable d’émuler Avraham dans ce genre d’épreuves. Son neveu, Loth, l’accompagna en Erets Israël, conscient des promesses extraordinaires faites par Hachem. Et lui aussi fut accueilli par la disette. Il accompagna alors Avraham en Égypte où sa sœur Sarah fut kidnappée par Pharaon. En revenant en Terre Sainte, Loth semble désenchanté par périple spirituel d’Avraham, duquel ne découlèrent que des difficultés. À ce moment, il choisit de se séparer d’Avraham et se dit : « Je ne veux suivre ni Avraham, ni son D.ieu ! »[3]

Il est évident que sur le long terme, l’élévation spirituelle procurera à l’individu d’immenses bienfaits, mais il arrive souvent qu’un Baal Téchouva ne jouisse pas immédiatement d’une grande gloire. Il arrive même qu’il constate une dégradation dans le domaine financier ou autre. Les raisons de ce phénomène sont nombreuses, mais il est fondamental de savoir que les fruits des bonnes actions ne poussent pas instantanément et que les traverses ne sont pas forcément la preuve que son comportement est incorrect. Au contraire, de tels revers sont parfois là pour l’aider à renforcer sa Émouna et sa détermination, à poursuivre dans le droit chemin.

Puissions-nous tous mériter de faire sereinement face aux challenges et de persévérer dans notre élévation spirituelle.

 

[1] Ayéleth Hacha’har, Bamidbar, 14:41.

[2] Rachi, Lekh Lékha, ibid. Voir Rabbénou Yona, Avot, ibid. Voir également Ayéleth Hacha’har du Rav Steinman.

[3] Rachi, 13:11, s.v Mikédem.