La Paracha nous présente les lois relatives au vœu fait par une femme et qui peut être annulé par son mari. En analysant ce passage, on lui trouve de nombreuses similitudes avec un tout autre épisode raconté dans la Méguilat Esther.La ressemblance la plus flagrante est l’emploi du mot Léha’harich pour évoquer le fait de garder le silence ; ce terme est répété, tant dans la Méguila (« Im Ha’harech Ta’harichi – Si tu persistes à garder le silence ») que dans Parachat Matot (« Im Ha’harech Ya’harich – S’il reste silencieux », où la Torah statue que si le mari se tait et n’annule pas le vœu de sa femme dans la journée où il fut émis, ce vœu prend effet de manière permanente). Et ce sont les deux seules occurrences du Tanakh où ce mot est doublé.

De plus, la Méguila décrit Esther comme une Na’ara – une fille qui n’a pas encore atteint l’âge adulte. Et c’est également le terme utilisé dans la Parachat Matot. Dans les deux passages, on parle de la conduite de la Na’ara envers son mari. En outre, Mordékhaï dit à la Na’ara qu’elle risque sa vie et celle de la maison de son père et le paragraphe de Parachat Matot conclut par les mots : « Telles sont les lois de la Na’ara dans la maison de son père. » Mordékhaï prévient Esther du drame que risque de provoquer son silence et dans la Parachat Matot, on parle également des conséquences désastreuses du silence. Enfin, Mordékhaï enjoint à Esther de rompre le silence tout de suite et dans la Parachat Matot aussi, il doit être brisé dans un laps de temps très court.

Mordékhaï paraphrasait le passage de Parachat Matot et appliquait sa signification à la situation d’Esther. Tout le monde peut faire un vœu, mais si une femme mariée en fait un, son mari peut l’annuler, surtout si le vœu risque de la faire souffrir (comme le fait de s’interdire de manger des aliments sains, par exemple). Cependant, ceci ne lui est possible que pendant une journée. S’il tarde à protester, il perd son droit d’annulation et le vœu prend effet, quoi que le mari en dise par la suite. L’homme a donc le choix entre confirmer ce vœu – auquel cas il devient immuable, protester – auquel cas le vœu est annulé, ou bien rester silencieux. Mais cette troisième option n’est en réalité qu’une façon de confirmer le vœu.

Cette explication repose sur l’emploi inhabituel du mot « Léha’harich » pour dire rester silencieux, au lieu du terme, plus courant, « lichtok ». Rav Fohrman précise que dans la Torah, « lichtok » fait souvent référence au silence des objets inertes, comme la mer qui resta silencieuse (Yona 1,12), tandis que « Léha’harich » (se taire) n’est utilisé que pour un sujet doté de sens. Sa racine est formée des lettres ’Het, Rech et Chin, qui signifie « sourd ». Donc, littéralement, Léha’harich signifie « se rendre sourd », faire comme si l’on n’avait rien entendu. La Torah utilise ce mot pour décrire le silence du mari devant le vœu impétueux de sa femme qui risque d’en pâtir. Ceci nous apprend que la neutralité, le fait de ne rien faire, n’est pas une « troisième option ». Cela revient à confirmer la souffrance de sa femme, à être complice de sa douleur.

Revenons à l’exhortation que fit Mordékhaï à Esther. Le roi avait émis un décret qui aurait pu provoquer une souffrance terrible. Esther pouvait protester en réagissant immédiatement et ainsi, annuler l’édit. Mordékhaï lui précisa qu’en agissant ainsi, elle ne rendait pas seulement service à l’ensemble du peuple juif, mais contribuait à son bien-être personnel. En effet, le fait de garder le silence revenait à accepter tacitement le décret royal. Elle aurait alors été tenue responsable et punie conséquemment. Elle devait choisir ente parler et annuler le décret, ou rester silencieuse et le valider.

Cet enseignement (celui que fit Mordékhaï à Esther et celui que nous apprend le passage du vœu d’une femme que son mari peut annuler dans la journée) s’applique à tout un chacun dans la Avodat Hachem. Souvent, on considère que le fait de ne pas réagir pour rectifier un problème ou pour aider quelqu’un n’est pas un délit. Or, la neutralité n’est pas une « troisième option », plusieurs Mitsvot de la Torah nous le prouvent, dont l’interdit de « se tenir devant le sang de son prochain » (ne pas réagir quand il est en danger), l’obligation de réprimander et celle de rendre un objet perdu. Dans tous ces cas, l’inaction équivaut à causer un préjudice physique ou spirituel à autrui.

Esther prit une décision difficile ; celle de risquer sa vie pour tenter de sauver le peuple juif. Puissions-nous prendre exemple de sa noble attitude dans notre quotidien.