La Paracha ‘Hayé Sarah évoque notamment la mission confiée par Avraham à son serviteur Eliézer de rechercher une femme pour son fils Its’hak. Et Avraham de fixer des conditions à Eliézer sur les qualités que devait détenir sa future belle-fille : celle-ci devait appartenir idéalement à la famille d’Avraham, et à travers cette exigence, le Patriarche visait les qualités morales de la future épouse d’Its’hak. Il avait pu constater le niveau de dépravation morale des habitants de Canaan, et il n’avait plus d’espoir de pouvoir y trouver une épouse convenable pour son fils, une épouse susceptible de l’accompagner dans la mission spirituelle fondatrice qu’il devait réaliser à sa suite.

Il connaissait en revanche l’état d’esprit des hommes et des femmes de sa région. Il connaissait leur potentiel spirituel et savait qu’il pouvait y trouver une épouse pour son fils dotée des belles qualités morales qu’il chérissait tant.

Eliézer, le fidèle serviteur d’Avraham, accepte la mission et se met en chemin pour Aram. Et le voilà parti pour un long périple dont l’issue est « a priori » totalement incertaine.

A l’approche d’Aram, Eliézer s’adresse à D.ieu afin qu’Il l’aide à trouver rapidement une épouse convenable pour le fils de son maître. Il décide alors de mettre en place un test qui lui permettra de vérifier si les jeunes filles qui vont se présenter à lui détiennent les belles qualités de cœur si chères aux yeux d’Avraham. Car, ne l’oublions pas, c’était là l’essentiel de ce que recherchait Avraham : une épouse pour son fils qui soit capable de ‘Hessed, de bonté avec autrui.

Et de fait, à peine arrive-t-il à Aram et formule-t-il sa prière à Hachem, qu’une jeune fille se présente à lui en répondant à toutes les exigences qu’Avraham avait formulées. Elle démontre notamment un ‘Hessed exceptionnel qui ne laisse aucun doute à Eliézer sur le fait qu’il s’agit bien de la future épouse d’Its’hak.

A présent, laissons la parole au texte et observons la réaction d’Eliézer : « Et cet homme, émerveillé, la considérait en silence, désireux de savoir si l'Éternel avait béni son voyage ou non. »

Il y a dans cette phrase un enseignement très profond qui est probablement l’un des secrets du bonheur auquel l’homme peut prétendre en ce monde.

Jusqu’ici, Eliézer s’est lancé dans une mission compliquée, éreintante, dont l’issue était rationnellement totalement incertaine. Pourtant, il ne s’est pas découragé, il s’est armé de courage, de force et d’une grande foi dans les mérites de son maître Avraham. Il a ainsi mis toute sa confiance en l’Eternel pour lui permettre de réussir dans son entreprise, comme la Torah nous l’indique en mentionnant la belle prière qu’il Lui a adressée juste avant. Et il assiste à présent à la réussite de sa mission.

Le serviteur d’Avraham contemple, nous dit-on, « en silence », « émerveillé », la scène qui se déroule sous ses yeux et qui valide rétroactivement toute la démarche qu’il a entreprise, ignorant tous les arguments qui auraient pu le décourager. Il réalise à cet instant que lorsqu’il cheminait dans le désert, seul et sans aucune certitude de réussir, D.ieu se tenait à ses côtés et bénissait son entreprise.

Face à cette scène merveilleuse où il voit Rivka accomplir point par point ce qu’il rêvait d’obtenir, Eliézer est émerveillé et silencieux, nous dit la Torah. Il s’agit d’un moment de « grâce » où l’homme ressent avec force la présence de D.ieu à ses côtés. Une présence invisible, certes, mais ô combien réelle, tangible et palpable.

En cet instant, le monde matériel s’efface devant la manifestation de la Providence, le verbe cède la place au silence et le temps interrompt son cours inexorable. L’homme vit alors un moment d’éternité, un bonheur intense qui dessine irrésistiblement un sourire sur ses lèvres.

Chaque homme, à son niveau, a la possibilité de vivre au cours de sa vie des expériences de cette nature. Elles ne sont pas le privilège d’êtres exceptionnels, elles viennent simplement couronner et récompenser les efforts de ceux qui placent leur confiance en D.ieu. Comme le disent nos Sages : « L’intensité de la récompense dépend des efforts ». Il faut donc être prêt à un engagement difficile, ingrat au début pour connaître plus tard le bonheur de la réussite et de la bénédiction.

Au cours de sa vie, l’homme est amené à se lancer dans des aventures, des projets très ambitieux dont l’issue est très incertaine selon les critères de la raison humaine. Cela est vrai notamment dans le domaine spirituel, où nous devons parfois faire des efforts qui nous paraissent considérables au départ pour raffiner notre service de D.ieu, aussi bien dans l’étude que dans la pratique des Mitsvot. Mais à n’en pas douter, une récompense merveilleuse, un bonheur intense nous attend au bout du chemin, à nul autre comparable.

C’est ainsi que l’homme ne doit pas se décourager. Jour après jour, année après année, il doit poursuivre son chemin animé par une grande foi en l’Eternel. Et un jour, il se retourne et réalise qu’il est arrivé là où il souhaitait, parfois même au-delà… Il ressent alors la bénédiction de D.ieu, il comprend que chaque prière qu’il a prononcée était entendue par Hachem et qu’il n’a jamais été seul.

Sa vie prend alors un autre relief, une profondeur qu’il ne soupçonnait pas, et il peut savourer son bonheur.

Puisse Hachem nous aider à connaître de tels moments de félicité, à substituer à la lecture prosaïque des évènements de la vie une lecture poétique susceptible de nous aider à trouver la trace du divin dans notre quotidien.