La construction du Michkan est décrite dans la Paracha de Térouma. Rav Yaacov Kamenetsky nous aide à comprendre la signification du Michkan[1]. Au début de la Paracha de Bamidbar, la Torah montre le système d’identification de chaque tribu lors de leurs périples dans le désert. Chacune avait son propre drapeau, représentant son rôle et son caractère. Par exemple, un lion figurait sur le drapeau de Yéhouda, indiquant son statut de roi, le lion étant le roi des animaux. Rav Kamenetsky souligne que ce système, pourtant simple, ne fut mis en place que lors de la deuxième année après la sortie d’Égypte ; pourquoi fallut-il attendre un an entier pour l’instaurer ?

Il répond que le Michkan aussi fut établi uniquement dans la deuxième année qui suivit la sortie d’Égypte et il était impératif qu’il soit construit avant la mise en place du système des drapeaux. Pourquoi ? Rav Kamenetsky explique que les divers drapeaux mettaient en relief de grandes différences entre chaque tribu. Les diverses couleurs et symboles connotent le mode de vie et les forces particulières à chacune. Par conséquent, le risque que les drapeaux entrainent séparation et divergence au sein de la nation juive était grand. Chaque tribu avait sa propre philosophie et risquait de la canaliser vers des objectifs disparates, voire d’éventuels conflits entre elles. Pour éviter que cela se produise, il était primordial de garder un point de mire, rappelant aux tribus qu’elles ont toutes le même but – celui de la Avodat Hachem, même si les manières de l’atteindre sont différentes. C’était l’un des objectifs principaux du Michkan – servir d’élément unificateur pour les divers éléments du peuple juif. Chacun a sa façon de voir les choses et divers rôles sont à remplir au sein de la nation, mais si tout le monde vise la même cible – celle de servir Hachem – nos différences n’ont aucune raison de se transformer en conflit ou en dissension. Rav Kamenetsky compare ceci au corps humain : les oreilles et les yeux ont des fonctions et des aptitudes très différentes, mais ne sont pas en compétition, parce qu’ils ont un objectif commun : ceux de permettre au corps humain de fonctionner correctement.

La Mekhilta, rapportée par Rachi[2], dans Parachat Yitro, illustre bien ce point. La Torah affirme qu’avant le don de la Torah, le peuple juif campait dans le désert. Quand elle décrit ce campement, elle emploie le singulier, bien qu’il s’agisse de plusieurs personnes. C’est pour faire allusion au fait que le peuple était « comme un seul homme, avec un même cœur » – les Juifs était parfaitement unis, au point d’être considérés comme une même entité, et non comme plusieurs individus. Cette remarque, faite précisément à ce moment, n’est pas fortuite. Les commentateurs expliquent qu’il était essentiel que l’ensemble du peuple soit focalisé sur le service divin et le don de la Torah et fasse fi des desiderata personnels. Ceci, car les ambitions et désirs personnels conduisent aux dissensions – chacun a un objectif différent, qui ne correspond pas forcément avec celui d’autrui. Mais si le véritable but de tous est la Avodat Hachem, alors la diversité de chaque nature reste tournée vers cet objectif. C’était donc un prérequis important pour recevoir la Torah de façon optimale.

Deux leçons primordiales sont à tirer de ce développement. Tout d’abord l’importance de l’unité au sein du peuple, mais savoir aussi qu’être uni ne signifie pas avoir les mêmes rôles et les mêmes forces que l’autre. Si c’était le cas, le peuple juif n’aurait pas pu remplir les myriades de responsabilités qui lui incombent en tant que Peuple élu. Certaines personnes sont plus aptes à étudier, d’autres à aider, d’autres encore sont douées pour l’enseignement, etc. De même, il existe différentes façons de servir Hachem, comme le montrent les diverses tendances et origines ; les Lituaniens, les ’Hassidim, les Sépharades, etc. Chacune donne sa propre saveur à la nation et contribue à sa Chlémout (perfection).

La Guémara (traité Taanit) nous permet de mieux comprendre cette idée. Elle affirme qu’à l’avenir, Hachem formera un cercle avec les hommes pieux. La Chekhina (Présence divine) sera au milieu et tout le monde pointera le centre en disant : « C’est Hachem en Qui nous avons espéré. » Les commentateurs analysent cette ronde formée par les Tsadikim. Dans un cercle, chaque point est équidistant du centre. Aucun n’en est plus proche ou plus éloigné. Dans le futur, toutes les vaines discordes feront partie du passé. Hachem formera un cercle et en sera le Centre et tous les vertueux de ce cercle – des divers « camps » – montreront le centre du doigt et verront qu’ils servaient tous le même D. et en étaient équidistants. Chaque point a une place différente sur le cercle, mais personne n’est plus rapproché que l’autre du milieu.

Puissions-nous tous trouver notre rôle unique dans le service divin et travailler avec l’ensemble du peuple, pour lui faire atteindre son objectif ultime.

 

[1] Émet Léya'acov, Bamidbar 1,1.

[2] Rachi, Chémot 19,2.