Les Sages du Talmud débattent régulièrement pour savoir quel est le verset le plus important de la Torah.

Selon Ben Azaï, il s’agit du verset (Béréchit, 5, 1) : « Zé Séfer Tolédot Adam - Ceci est l’histoire des générations de l’humanité », qui nous rappelle effectivement l’origine commune de tous les hommes et leur égale dignité, ayant tous été créés à l’image de D.ieu.

Selon Ben Zoma, il s’agit du verset bien connu (Dévarim, 6, 4) : « Chéma Israël, Ado-naï Elo-hénou, Ado-naï E’had - Ecoute Israël, l’Eternel est notre D.ieu, l’Eternel est Un ».

Ben Nanas propose le verset (Vayikra, 19, 18) : « Véahavta Léréakha Kamokha - Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Enfin, Ben Pazi évoque un verset de notre Paracha relatif aux sacrifices quotidiens (Chémot, 29, 39) : « Ete Hakévèss Haé’had Taassé Vabokèr, Véète Hakévèss Hachéni Taassé Ben Haarbayim - Vous apporterez un agneau le matin, et un agneau l’après midi ».

La lecture de notre Paracha essentiellement descriptive des habits du Cohen Gadol et du service qu’il devait accomplir dans le sanctuaire ne laisse pas présager, a priori, qu’un verset d’une telle importance y figure. Et pourtant, Ben Pazi nous rappelle opportunément que des richesses et des secrets insoupçonnés se trouvent dans chaque verset de la Torah. Il appartient à l’homme de les sonder pour faire émerger ces pierres précieuses.

Revenons à votre verset : « Vous apporterez un agneau le matin, et un agneau l’après midi », et essayons d’examiner dans quelle mesure il peut être considéré comme le verset le plus important de la Torah. Nos Sages y apportent plusieurs explications. D’une part, ils nous rappellent que ces sacrifices quotidiens étaient achetés par les Demi-Chékel collectés auprès du peuple, chacun contribuant exactement au même niveau que son prochain, ni plus ni moins. Aussi, aux extrémités de la journée, lorsque les relations sociales commencent et se terminent, et lorsque les inégalités économiques prennent forme, le service du Tempe rappelait à tous l’égale dignité de chaque homme devant l’Eternel.

Par ailleurs, le « Korban Tamid - sacrifice perpétuel », exécuté tous les jours, matin et soir, enseigne aux hommes les vertus de la régularité et de la discipline en matière spirituelle, mais aussi, de manière plus large, dans leur épanouissement.

En effet, la vie religieuse d’un homme est composée de nombreux rituels quotidiens mais aussi de moments isolés d’inspiration, d’émotion, ou encore de résolution. L’homme peut avoir tendance à accorder davantage d’importance aux seconds qui font date dans son esprit plutôt qu’aux premiers menacés par la banalité de la routine.

Or, notre texte nous ouvre une nouvelle perspective et nous rappelle l’importance éminente des actes réguliers, renouvelés. Effectivement, les moments d’exaltation religieuse n’ont de sens que s’ils se concrétisent dans la durée par des décisions concrètes. C’est à cette condition que l’homme peut leur donner un sens et une consistance durables.

C’est précisément ce que nous enseigne le service du Cohen Gadol et notamment sa « Avoda » (R. J. Sacks) qui a une place si importante dans notre tradition, et avait vocation à répéter de manière quotidienne des actes et des procédures identiques. De même, en l’absence du Sanctuaire ou du Temple, la vie du fidèle est ponctuée au rythme des trois prières quotidiennes, des bénédictions, du Chabbath, des fêtes etc. La répétition des prières, des Mitsvot, des actes de bonté s’ancrent ainsi progressivement dans le cœur de l’homme et contribuent à devenir une partie intégrante de lui-même. Pour autant, l’homme ne doit pas s’acquitter des Mitsvot de manière automatique, il doit les accomplir avec une énergie, une concentration et un désir toujours renouvelés.

La psychologie moderne a mis en lumière l’intérêt des « rituels » dans l’épanouissement des hommes et leur développement personnel, notamment les rituels matinaux qui permettent à l’homme de poser les fondements d’une journée apaisée, avec l’aide d’Hachem, et de prendre le temps de réfléchir à l’essentiel. La Torah nous l’avait enseigné de longue date, et la première loi du Choul’han Aroukh rappelle à l’homme l’importance capitale des premiers moments de sa journée.

Bien souvent, lorsqu’on interroge les grands penseurs, les écrivains, les hommes d’affaires sur les secrets de leur réussite, ils témoignent qu’ils ont adopté, de longue date, des rituels qui leur imposent une régularité et une rigueur dans leur travail et dans la structuration de leur vie.

Souvenons-nous de cette anecdote de Rabbi Akiva qui évoquait avoir vu une goutte d’eau tombée régulièrement sur une roche et finir par la briser. De même, Maïmonide nous enseigne qu’un homme qui souhaite consacrer une somme à la Tsédaka gagnerait à la répartir auprès de plusieurs pauvres plutôt que de la donner à une seule personne. En effet, de cette façon, il habitue son cœur à la générosité par la multiplicité de ces petits dons.

Aussi, devons-nous nous renforcer, avec l’aide d’Hachem, dans les prières et les Mitsvot qui structurent notre journée et notre relation avec l’Eternel. Jour après jour, elles contribuent à façonner notre être, et à nous apporter un équilibre et un apaisement propices à notre épanouissement et notre bonheur.

Chabbath Chalom !