« ... Il l’offrira volontiers devant Hachem. » (Vayikra 1,3)

L’expression « Il l’offrira » nous enseigne qu’on le force [à offrir le Korban]. Comment cela ? On le force jusqu’à ce qu’il dise : « Je veux [offrir le Korban] » (Guémara Kidouchin 49b – 50 a)

La Paracha de cette semaine nous décrit la façon d’apporter un Korban. Pour qu'une offrande soit valide, la personne doit l'offrir de plein gré. Or, la Guémara enseigne que l’on peut faire pression sur l’individu jusqu’à ce qu’il affirme vouloir offrir le Korban. Mais s’il ne voulait pas offrir ce Korban et qu’il accepte sous la contrainte, comment comprendre que l’offrande soit valide ?

Le Rambam répond à cette question à propos des lois du divorce.[1] À l’instar des Korbanot, un divorce n’est valable que s’il est accordé de plein gré. Mais d’après le Rambam, si un homme s’est marié de façon interdite (par exemple, un Cohen qui a épousé une divorcée), le Beth Din peut le contraindre à accorder le divorce jusqu’à ce qu’il affirme vouloir divorcer, même s’il ne le souhaite apparemment pas du tout. En effet, au fond de lui, l’individu désire ce divorce puisque telle est la volonté de la Torah et que tout Juif est, en réalité, attiré par sa Néchama qui souhaite respecter les commandements de la Torah. Ce qui bloque l’homme, c’est son Yétser Hara' qui l’incite à refuser d’accorder le divorce. Par conséquent, quand un homme est forcé de dire qu’il souhaite accorder un divorce, il le pense véritablement, parce que son essence souhaite accomplir le Ratson Hachem.

Le ’Hidouché Lev[2] souligne que cette idée ne concerne pas seulement le Juif pratiquant qui a été vaincu par son Yétser Hara' dans ce domaine en particulier. Le Choul’han 'Aroukh rapporte des opinions selon lesquelles on peut forcer un Moumar (qui nie de manière flagrante les principes fondamentaux de Émouna)[3], bien qu’une telle personne ne souhaite pas faire ce qui est juste. On en déduit que même un véritable Racha a en lui un désir profond d’accomplir les Mitsvot et d’écouter les Sages et les Rabbanim qui lui enjoignent d’accorder le divorce. Rav Tsadok Hacohen développe cette idée de l’étincelle juive qui brûle en chaque Juif, en expliquant une apparente contradiction dans les propos de nos Sages.

La Michna (Sanhédrin) enseigne que certaines personnes n’ont pas de part dans le 'Olam Haba (comme le roi A’hav, Yérovam, A’hitofel, Doeg et Gué’hazi), parce qu’ils ont commis de terribles fautes. La Guémara[4] rapporte que les « Dorché Réchoumot » déduisent de différents versets qu’ils ont en fait une part au 'Olam Haba. On ne sait pas qui sont les « Dorché Réchoumot », mais il semble qu’ils viennent contredire une Michna explicite, ce qui est difficile à comprendre.

Rabbi Tsadok explique qu'en fait, il n'y a pas de contradiction.[5] La Michna se concentre sur le côté dévoilé de la Torah, et en ce sens, ces individus étaient si mauvais qu'ils perdaient leur part dans le monde futur. En revanche, les Dorché Réchoumot se focalisent sur un niveau beaucoup plus caché et profond, et puisque ces personnages sont des descendants de Ya'acov Avinou (sur qui la Torah affirme que toute la progéniture est pure), il y a forcément une étincelle de pureté, même chez ces individus mauvais et cette « empreinte » de pureté leur permet d’avoir un lien ténu avec le 'Olam Haba. [6]

On déduit de ce développement que, dans le fond, même le « pire » des Juifs souhaite faire ce qui est juste, mais le Yétser Hara' obscurcit son jugement. Il ne faut donc jamais renoncer à un Juif, même le plus éloigné et le plus renégat, parce qu’il y a toujours un espoir que son étincelle juive s’allume, qu’il veuille retourner vers son Créateur et qu’il s’éveille à la Téchouva.

 

[1] Michné Torah, Hilkhot Guirouchin 2,20.

[2] ’Hidouché Lev, Vayikra 1,3.

[3] Choul’han Aroukh, Even Haézer, Siman 154, Séif 1.

[4] Sanhédrin, 90a.

[5] L’enseignement de Rabbi Tsadok touche à la Kabbale et sa véritable signification est bien au-delà de notre compréhension, nous ne pouvons comprendre qu’un petit aspect de ses applications. 

[6] Notons qu’un seul non-juif figure dans la liste des personnes qui n’ont aucune part dans le 'Olam Haba – il s’agit de Bil'am. Et les Dorché Réchoumot ne précisent pas qu’il a un part minime dans le monde futur. C’est évidemment du fait qu’il ne fait pas partie du peuple juif et que, par conséquent, le développement de Rabbi Tsadok ne s’applique pas à son cas.