Chaque mercredi, retrouvez les aventures de Eva, célibattante parisienne de 30 ans… Super carrière, super copines. La vie rêvée ? Pas tant que ça ! Petit à petit, Eva découvre la beauté du judaïsme et se met à dessiner les contours de sa vie. Un changement de vie riche en péripéties… qui l’amèneront plus loin que prévu !

Dans l'épisode précédent : Eva doit décider si elle veut poursuivre son Chidoukh avec Michaël. Elle l’apprécie beaucoup, mais n’est pas sûre de vouloir s’engager dans un mode de vie “orthodoxe” en Israël...

J’entendais ma voix trembler pendant que je parlais à la Chadkhanite au téléphone : “Mme Friedman, j’ai revu Michaël hier soir, on a discuté et j’ai pris ma décision… Je ne vais pas pouvoir poursuivre le Chidoukh”.

J’avais fait la liste de tous les arguments pour lui démontrer que ça n’était pas possible de continuer, mais elle me demanda juste : “Tu es sûre de toi ?”.

Ben… comment être sûre ? Je n’avais aucune idée de comment serait mon avenir et, avant d’aller à ce Chidoukh, je n’avais jamais imaginé qu’il puisse être en Israël, donc non, je n’étais pas vraiment sûre.

Après tout, j’étais Eva ! La super parisienne qui était venue au séminaire pour découvrir la Torah. Pas une nouvelle immigrante Israélienne en quête d’un mari et d’une vie à Jérusalem ! Donc oui, je restais sur ma décision.

Je consacrais toute mon énergie sur ma présence au séminaire et tout ce que j’y vivais à l’intérieur. C’était une parenthèse enchantée qui ne devait durer que 3 mois encore, donc autant m’y investir à fond. En plus, je découvrais un univers tellement riche avec tous ces nouveaux cours. Au fur et à mesure, je comprenais de mieux en mieux les lois, leur sens, la façon de les respecter et elles faisaient à présent partie de moi.

Mon bonheur, c’était d’étudier la Paracha de la semaine avec les commentaires. En plus, on l’étudiait en ‘Havrouta, c’est-à-dire en petit groupe de deux ou trois filles. On avait chacune notre façon de comprendre et souvent, on confrontait nos points de vue. C’était d’une beauté incroyable, réellement, on apprenait à déchiffrer les messages d’Hachem ! Et ça nous soudait les unes aux autres.

La fin de l’été arriva plus vite que prévu et avec lui… la fin du programme au séminaire !

La veille du départ, toutes les filles s’étaient données rendez-vous au Kotel le soir en guise d’au revoir. J’avais une boule dans la gorge qui ne me quittait plus...

Je connaissais ces filles depuis quelques mois seulement, mais le lien qui s’était tissé entre nous était aussi fort que si je les avais connues pendant des années. On avait beau ne pas avoir le même âge et des centres d’intérêt différents, on s’était toutes retrouvées au même endroit au même moment parce qu’on avait toutes en commun de vouloir connaître notre Torah et nous rapprocher d’Hachem. Je savais qu’elles auraient pour toujours une place à part dans mon cœur, même si, dès demain, on allait chacune reprendre des chemins différents...

Par exemple, Léa, qui partageait ma chambre, avait décidé de rester en Israël, elle avait commencé des démarches pour faire son Aliya et potassait même ses cours en hébreu !

Dana aussi restait en Israël… mais elle, c’est parce qu’elle venait officiellement de se fiancer ! Donc c’était l’euphorie dans le groupe. Toutes les filles la questionnaient sur la demande et comment elle avait su que c’était lui le bon.

Elle avait l’air si sereine, Dana. Je l’observais, elle était resplendissante. Et forcément, ça me renvoyait à Michaël et étrangement, je ne ressentais pas le même calme, celui qu’on a quand on sait qu’on a fait le bon choix. Pourtant, d’un autre côté, j’avais hâte de rentrer à Paris, de retrouver ma famille, Guila et la Rabbanite… mes repères quoi !

Debout la main contre le mur, je ne pouvais m’empêcher de lever la tête vers le ciel. C’était à peine croyable ! On aurait dit que j’étais arrivée la veille. Même si je savais que je reviendrai (le mariage de Dana serait dans quelques mois à peine), je ressentais une tristesse tellement grande ! Comme si je quittais la personne que j’aimais le plus au monde. Les larmes coulaient sans aucune retenue et je répétais en boucle : “Si je t’oublie Jérusalem”, cet incroyable psaume 137 qui faisait écho à la profondeur de ma peine et la douleur de l’exil.

Et ce sentiment était toujours là le lendemain alors que je contemplais l’aéroport depuis le hublot de l’avion.

Pendant tout le vol retour, je remerciais Hachem de m’avoir donné le mérite de venir en Israël, d’avoir pu y rester ne serait-ce que quelque temps. Je me fis la promesse de ne pas oublier tout ce que j’avais appris là-bas. J’avais ressenti une connexion avec D.ieu et en très, très haut débit, donc pas question de perdre le signal wi-fi, même à distance !

Comme j’avais pressenti un retour plus que déprimant, avant même de quitter Israël, j’avais donné rendez-vous à mes copines parisiennes chez ma sœur pour une soirée de retrouvailles.

Donc, quelques heures à peine après mon retour, je faisais le récit à ma bande de copines de mes aventures israéliennes : pêle-mêle mon apprentissage du ‘Houmach, ma découverte des bus israéliens, ma visite émouvante au Kotel, ma rencontre avec la Chadkhanite, mes fous-rires avec les filles du séminaire, mes rendez-vous professionnels à Tel Aviv...

Par contre, j’avais volontairement oublié de leur parler de ma rencontre avec Michaël, j’avais envie de garder cette rencontre pour moi (et je ne me sentais pas de répondre à leurs questions, quand même moi, je ne connaissais pas les réponses !).

Exceptionnellement, je restais dormir chez ma sœur. Je n’avais pas envie de me retrouver seule chez moi. En réalité, je n’arrivais pas à me délester de cette déprime qui me pesait. Ce n’était pas pareil que le retour après les vacances à l’étranger, c’était autre chose, mais je n’arrivais pas trop à l’analyser. Bon, c’était sûr qu’avec le temps, ça allait passer !

Sauf que ça ne passait pas. Les jours, les semaines défilaient et ce petit truc restait en moi. J’avais revu tout mon entourage, mais je me sentais comme spectatrice, je n’étais pas 100% présente. Idem au travail. Alors que j’étais retournée à l’agence et que Franck mon directeur m’avait donné un nouveau projet hyper excitant - trouver des clients de start-up pour organiser leurs évènements -, je n’arrivais pas à trouver de motivation.

La chaleur de Jérusalem me manquait, cette proximité de chaque instant entre les gens et avec Hachem aussi. Pourtant, ce n’était pas comme si j’avais atterri dans le désert ! Grâce à D.ieu, la communauté dans laquelle j’évoluais était très accueillante. Et d’ailleurs, c’était ma décision de rentrer à Paris, depuis le début, j’avais pris un billet aller-retour, alors où était le malaise ?

C’était à n’y rien comprendre !

Il y avait une personne que je n’avais pas encore revue, et c’était Guila. Pour cause : elle était alitée en attendant que bébé se décide à faire son entrée dans ce monde. Les mains chargées de cadeaux achetés en Israël, je débarquais chez elle en ayant hâte de la voir avec son ventre arrondi.

Elle était magnifique ! J’avais toujours été impressionnée par Guila qui avait une capacité à tout accepter de la vie comme des cadeaux d’Hachem. Même l’expérience d’une grossesse risquée, elle ne l’avait pas vécue comme une épreuve. Non, elle avait patienté sagement, convaincue que le Maître du monde avait beaucoup de bénédictions pour elle en réserve.

Et même là, alors qu’elle devait rester allongée toute la journée pour ne pas risquer une naissance prématurée, elle ne vivait pas sa situation comme une contrainte.

C’était quoi son secret ?

“La Emouna (foi en D.ieu), Eva ! Je te l’ai dit ! Douter, c’est normal, c’est humain. Avoir confiance, c’est surhumain, c’est ça qu’Hachem attend de nous. Ne crois pas que du matin au soir j’ai le moral gonflé à bloc. Mais c’est tout le travail d’essayer de maintenir un niveau élevé et de comprendre que les baisses de régime ne sont que temporaires.”

- Mais Guila, moi aussi j’ai la Emouna. Regarde, je suis partie en Israël sans savoir où j’allais atterrir et j’ai fait confiance à Hachem quand il a fallu prendre la décision de tout quitter pour aller étudier. Mais malgré ça, je ne me sens pas sereine 24h/24 comme toi.

- Personne n’est serein 24h/24, voyons ! On se pose des questions, on hésite, on doute. Ça fait partie du jeu. Ce n’est pas parce que je ne le montre pas, mais grâce à D.ieu, on finit toujours par trouver la réponse à nos questions.

- Guila, tu as raison, mais c’est bizarre. Depuis mon retour, je n’arrête pas de me poser la question de savoir qu’est-ce que je vais faire maintenant. J’étais super heureuse à l’idée de revenir à Paris, mais depuis que je suis rentrée, c’est comme si tout était fade. Je n’arrête pas de me poser des questions et je ne trouve aucune réponse.

- Quelles questions par exemple ?

- Je me demande si la vie que je menais avant me convient toujours, si j’ai fait les bons choix.

- Tu t’imagines vivre en Israël ?

- Je ne sais pas… Tu vas me prendre pour une folle, mais la veille de mon départ, j’ai ressenti quelque chose, comme si ma place était là-bas. J’ai mis ça sur le compte du blues du départ, mais même un mois après, j’y pense tous les jours ! Pourtant, je n’ai rien là-bas ! Pas de famille, ni travail, ni même un point de chute. C’est absurde !

- C’est fou ce que tu me racontes ! Ce matin, j’écoutais un cours qui s’appelle : “Avant qu’il ne soit trop tard”. La Rabbanite explique que pour donner un sens à sa vie, ça aide de s’imaginer comment on sera quand on aura 80 ans : en train de parcourir le monde ou en train d’aider dans une association ? En réalisant quel est notre objectif de vie dès maintenant, on ne perd pas de temps et, dès aujourd’hui, on fait tout pour l’atteindre. Moi par exemple, à 80 ans, je me vois chez moi recevoir tous mes enfants et petits-enfants à une grande table de Chabbath. Et toi, tu te verrais où ?

- A Jérusalem !

La suite, la semaine prochaine…