« Rabbi Eléazar ben Ara’h : telle une source toujours plus jaillissante. Il disait : " Si tous les Sages d’Israël se trouvaient sur un plateau d’une balance et qu’Eliézer ben Horkanos se trouvait sur l’autre plateau, il pèserait plus qu’eux. " Abba Chaoul disait en son nom : " Si tous les Sages d’Israël se trouvaient sur un plateau d’une balance avec Eliézer ben Horkanos et qu’Eléazar ben Ara’h se trouvait sur l’autre plateau, il pèserait plus qu’eux… »

QUESTIONS

1. Pourquoi Rabbi Eliézer ben Horkanos surpassait tous les autres réunis ?

2. Pourquoi Rabbi Elazar ben Ara'h pesait plus que tous les autres ensemble ?

3. Quelle est la nature de la Ma'hloket (controverse) pour déterminer qui est le plus remarquable ?

Rabbi Yo'hanan ben Zakaï décrit Rabbi Elazar ben Ara'h comme un Ma'ayan Hamitgaber, une source toujours plus jaillissante. Les commentateurs expliquent ceci comme une référence à sa profondeur dans l'étude de la Torah. Il est comparé à une source qui se renforce constamment, du fait qu'il produisait en permanence de profonds 'Hidouchim (nouvelles idées). Le Midrach Chemouël pousse cette analogie plus loin. Il relève qu'à l'origine de la source, l'eau jaillit abondamment, mais plus on s'éloigne, plus elle a tendance à s'affaiblir. En revanche, une rivière a bien plus de chance de se renforcer en chemin, du fait que d'autres sources d'eau, comme la neige fondue, ou d'autres sources d'eau, s'adjoignent à la rivière, renforçant son volume d'eau. Rabbi Yo'hanan fit un éloge unique à Rabbi Eliézer en soulignant qu'il possédait deux qualités qui ne s'accordent pas généralement. Il était comparé à une source en ce qu'il produisait de nouvelles idées, mais il était analogue à une rivière qui ne s'affaiblit pas en réduisant le nombre de 'Hidouchim, alors qu'il continuait à étudier, et au contraire, augmentait son volume de 'Hidouchim. En général, une personne qui est naturellement créatrice dans sa réflexion a plus de difficultés à maintenir sa créativité à long terme, or Rabbi Eliézer fut en mesure de combiner ces deux qualités.

La Michna poursuit par deux phrases apparemment contradictoires pour déterminer qui est le plus remarquable des cinq Rabbanim. Dans la première, Rabbi Yo'hanan affirme que Rabbi Eliézer ben Horkanos, qui fut loué pour n'avoir jamais oublié son étude, est supérieur à tous les Rabbanim réunis. Dans la seconde, Abba Chaoul déclare au nom de Rabbi Yo'hanan, que Rabbi Elazar ben Ara'h, le Ma'ayan Mitgaber, est supérieur à tous les autres réunis, y compris Rabbi Eliézer. Quelle est la nature de cette dispute ?

Les commentateurs proposent deux approches principales : d'après le Barténoura, il n'y aurait aucune controverse.[1] L'idée est plutôt que les deux versions abordent simplement le sujet sous un angle différent. Il existe deux aspects majeurs de l'étude – l'étude en quantité (la Békiout), ou l'étude avec beaucoup de profondeur. Tous deux sont de la plus haute importance ; il est essentiel d'étudier autant de Torah que possible afin de vivre une vie de Torah. Dans le même temps, il est également essentiel d'étudier la Torah en profondeur – la Torah est d'une profondeur illimitée, et on peut accéder à une compréhension totale des paroles de Hachem uniquement en procédant à une analyse complète et profonde. La première version se concentre sur un aspect de la Békiout – l'importance d'accéder à une grande ampleur dans ce qu'on étudie. Dans ce domaine, Rabbi Eliézer ben Horkanos dépasse tout le monde en raison de sa faculté inégalée à se souvenir de toute son étude.

La version d'Aba Chaoul des propos de Rabbi Yo'hanan se focalise sur l'importance d'étudier en profondeur. Dans ce domaine, Rabbi Elazar ben Ara'h était supérieur à tous les autres réunis, y compris Rabbi Eliézer.

Or, certains commentateurs y voient une controverse sur la nature de l'aspect le plus important de l'étude : le volume des connaissances ou la profondeur. Le Tiféret Israël écrit qu'il s'agit du même désaccord figurant dans une Guémara [2] soulevant la question de l'identité du Roch Yéchiva, Rav Yossef ou Rabba. Rav Yossef avait des connaissances plus vastes en Torah et savait comment les appliquer à la Halakha, tandis que Rabba était plus un penseur profond. Il va de soi que tous deux étaient des connaisseurs dans les deux domaines, mais ils se spécialisaient dans des domaines d'étude différents. La Guémara conclut en affirmant que posséder de plus grandes connaissances est préférable, car toute personne a besoin d'un homme qui connaît parfaitement toute la Loi orale. Les commentateurs établissent des limites à cette préférence et dans la pratique, les deux qualités sont nécessaires : il est important de connaître autant de Torah que possible, afin de savoir comment vivre une vie de Torah, mais il est également essentiel de ne pas étudier de manière superficielle, mais plutôt d'explorer les profondeurs de la Loi orale.

La leçon pratique de cette partie de la Michna est la nécessité de connaître et de se souvenir des textes de la Torah, et dans le même temps, de développer des facultés à étudier la Torah de manière profonde.

 

[1] Voir aussi Rabbénou Yona.

[2] Horayot 14a