"Sois attentif à un commandement facile (Mitsva Kala) comme à un commandement difficile ('Hamoura), car tu ne connais pas la récompense des commandements."

Le sens simple

Il s’avère tout d’abord nécessaire de définir les termes de « Kal » et de « ‘Hamour ». D’après le sens simple, il semblerait que les Mitsvot Kalot soient celles dont la transgression entraîne une punition légère et ‘Hamourot, celles dont la sanction est plus sévère. Mais le Rambam ne l’interprète pas de cette manière. Il explique que la Michna ne vise pas du tout les Mitsvot négatives, mais uniquement les Mitsvot positives, sachant que les récompenses et punitions pour l’accomplissement des Mitsvot positives ne sont pratiquement pas décrites dans la Torah. 

Le Rambam ajoute que ce que la Michna décrit comme une Mitsva Kala se réfère aux Mitsvot dont le sérieux n’est pas mis en valeur, comme la Sim’hat Haréguel (se réjouir lors des 3 fêtes de pèlerinage) et l’étude du Lachon Hakodech, l’hébreu des textes. En revanche, pour les Mitsvot ‘Hamourot, la Torah insiste sur leur sérieux, comme la Brit Mila, les Tsitsit et le Korban Pessa'h (le sacrifice de Pessa'h). La Michna nous enseigne à nous montrer tout aussi vigilants sur les Mitsvot Kalot au même titre que les ‘Hamourot, car nous ne connaissons pas la récompense qui nous sera attribuée dans le Monde futur pour ces Mitsvot, étant donné qu’elle n’est pas mentionnée dans la Torah.

Rabbénou Yona conteste la définition du Rambam de « Kal » et de « ‘Hamour ». Il explique que la Michna évoque toutes les Mitsvot, y compris les commandements négatifs. Les Mitsvot ‘Hamourot sont en effet celles dont la punition décrite dans la Torah est plus sévère, et les Mitsvot Kalot sont celles dont la transgression entraîne une sanction plus légère. Il ajoute que la Michna nous apprend que nous ne pouvons connaitre la récompense de chaque Mitsva dans le Monde à venir, et nous devons donc veiller à toutes les accomplir, même celles dont la transgression entraîne une légère punition. 

Rabbénou Yona cite une analogie de nos Sages[1] qui prouve habilement la raison pour laquelle Hachem ne nous a pas décrit la récompense spécifique pour chaque Mitsva. Nos Sages comparent ceci à un Roi qui ordonne à ses serviteurs de planter un certain nombre d’espèces d’arbres dans le verger du roi. Les serviteurs seront payés à un tarif différent en fonction de chaque type d’arbre, mais le roi ne leur dit pas pour quelle espèce ils seront payés davantage et pour lesquels ils recevront un salaire plus maigre. En effet, s’il le leur révélait, dans ce cas, les serviteurs ne planteraient que les espèces d’arbres qui rapportent le plus, et négligeraient les autres arbres que le roi souhaite également voir fleurir dans son verger. De la même façon, si Hachem nous avait renseigné sur la récompense pour chaque Mitsva, nous nous focaliserions sur celles dont la récompense est grande et négligerions les autres. Or un individu peut parvenir à la Chlémout (complétude) uniquement en pratiquant tous les commandements. C’est pourquoi Hachem a caché le montant de la récompense de chaque Mitsva pour éviter que nous en négligions certaines.

Rav Yossef Leib Bloch[2] exprime les choses de manière plus concrète en expliquant combien un individu serait brisé s’il perdait l’usage de l’un de ses membres, que D.ieu préserve ou pire, perdait totalement cet organe. Chaque organe, même un petit doigt, vaut plus que toute somme d’argent pour la majorité des gens, et la perte d’un tel organe crée un sentiment de cruelle incomplétude. Les commentateurs affirment que les 613 Mitsvot correspondent aux 613 organes du corps. Cette idée n’est pas seulement belle, elle nous enseigne que dans le 'Olam Haba (le Monde Futur), l’être spirituel d’un homme sera comparable à son corps physique et s’il a négligé une Mitsva particulière, son corps spirituel sera défaillant de manière non moins dévastatrice qu’un corps physique défaillant. D’où l’importance de ne négliger aucune Mitsva, même celles qui semblent moins importantes.

Mais certains commentateurs remettent en question l’idée que nous ne pouvons déterminer avec certitude quelles Mitsvot sont plus largement récompensées. Pour eux, c’est une évidence que les Mitsvot ‘Hamourot génèrent des récompenses plus substantielles. En conséquence, ils expliquent la clause « On ne connaît pas le Matan Skhar (la récompense) » différemment du sens simple. D’après eux, le Juif n’a pas conscience de l’incroyable récompense qu’il recevra pour accomplir même une Mitsva Kala et s’il le réalisait, il saisirait autant de Mitsvot que possible. Cette idée s’appuie sur une autre Michna dans Avot selon laquelle tout le plaisir que l’on peut retirer dans ce monde-ci ne vaut pas un instant de plaisir dans le 'Olam Haba. Situation analogue : un individu dispose d’un temps limité pour saisir des centaines de bijoux précieux, certains ayant plus de valeur que d’autres, mais dotés tous d’une grande valeur. De la même façon, si l’on en venait à réaliser la récompense qui nous attend pour l’accomplissement même d’une Mitsva Kala, nous serions extrêmement vigilants de pratiquer tous les commandements. 

 

[1] Midrach Tan’houma, Ekev, 2 ; Dévarim Rabba, 6:2.

[2] Chi'ouré Da'at, Maamar ‘Tamim Té’hiyé’.