"Sois attentif à un commandement facile (Mitsva Kala) comme à un commandement difficile ('Hamoura), car tu ne connais pas la récompense (Matan Skhar) des commandements."

Dans la section précédente, nous avons abordé deux explications principales de cette partie de la Michna. Mais il existe d'autres interprétations qui peuvent également renfermer des leçons importantes sur notre approche des Mitsvot.

D'après une approche, lorsque la Michna déclare que nous ne connaissons pas la récompense des Mitsvot, ce n'est pas une référence à la valeur spirituelle de chaque Mitsva à part. Même si nous acceptons que certaines Mitsvot génèrent objectivement plus de récompense que les autres, peu importe le type de Mitsvot, le salaire réel obtenu par la personne pour chaque Mitsva peut varier considérablement en fonction d'un certain nombre de facteurs.

Le facteur le plus significatif est peut-être la difficulté à accomplir les Mitsvot, comme il est dit : «Léfoum Tsa'ara Hagra » : la récompense est en fonction de la peine. À savoir que plus une Mitsva est difficile à accomplir, plus la rétribution est importante.

Cette idée est développée de manière remarquable par le Rav Eliyahou Dessler dans son Mikhtav Méeliyahou[1]. Il décrit ce qu'il appelle le Nékoudat Habé'hira : le point de libre-arbitre. Il explique que la 'Avodat Hachem, le service divin, est comme un champ de bataille divisé en trois zones : l'une est le contrôle total de l'un des combattants, l'autre est totalement contrôlée par son ennemi, et il existe un terrain intermédiaire : le no-man's land, dont les deux parties tentent de s'approprier le contrôle. Certains domaines dans la 'Avodat Hachem ne constituent aucune bataille pour un certain individu, sachant qu'il en a la maîtrise totale. Par exemple, un homme pratiquant ne sera pas mis au défi de manger de la nourriture non-cachère. Il y a d'autres domaines où aucun combat n'est à livrer, car c'est un domaine impossible à accéder à ce moment-là pour lui. Par exemple, la majorité des hommes sont incapables de dormir trois heures par jour et d'étudier le reste du temps. Mais il existe des domaines dans lesquels l'individu est mis au défi, mais il a la capacité, en travaillant de manière acharnée, d'y arriver – la nature du combat varie en fonction de chacun. Pour l'un, il pourra s'agir d'étudier une heure par jour au lieu de 30 minutes, et pour un autre, d'étudier dix heures par jour au lieu de neuf. Pour un débutant qui commence à faire Téchouva, cela pourra être de respecter le Chabbath, mais pour un autre qui a respecté Chabbath toute sa vie, son défi sera d'exploiter son temps le Chabbath de manière plus spirituelle. Cette zone intermédiaire est le point de libre arbitre, et s'il réussit à relever ce défi, alors son point de libre arbitre se déplace et une nouvelle ligne de bataille s'offre à lui.

Avec ce principe à l'esprit, deux personnes peuvent réaliser exactement la même Mitsva de la même façon a priori et obtenir des récompenses totalement différentes ; en effet, pour l'un d'eux, la Mitsva a requis peu d'efforts ou de maîtrise de soi, alors que pour l'autre, il a dû déployer beaucoup de volonté. Pour revenir à la Michna, dans ce sens, elle nous demande de nous montrer vigilants aussi bien sur les Mitsvot Kalot que les 'Hamourot, car nous ignorons la récompense que nous obtiendrons pour chacune d'elles. Et nous pouvons parfaitement concevoir que nous serons bien plus récompensés pour une Mitsva Kala si elle a nécessité plus d'efforts concertés que pour l'accomplissement d'une Mitsva 'Hamoura.

L'histoire suivante illustre cette idée. Un jour, le célèbre Rav Baroukh Béer Leibowitz consacra beaucoup de temps et d'efforts pour développer une certaine approche pour traiter une question difficile de Torah. Il discuta alors avec un brillant érudit en Torah, qui mentionna cette même approche au passage sans avoir déployé le moindre effort de réflexion. Rav Baroukh Béer fut très impressionné par l'intelligence de l'érudit, mais il affirma ensuite que ses efforts pour parvenir à cette conclusion avaient bien plus de valeur que ceux de son compagnon. En effet, il avait beaucoup peiné pour trouver cette interprétation, tandis que l'autre érudit l'avait trouvée sans aucune difficulté.

Le 'Hatam Sofer[2] cite un autre facteur qui joue un rôle essentiel dans la récompense obtenue pour chaque Mitsva. Il commence par s'interroger sur la raison pour laquelle la Michna emploie un terme supplémentaire lorsqu'elle évoque le Skhar, le salaire, elle n'affirme pas simplement que nous ignorons le salaire des Mitsvot, mais que nous ignorons le Matan Skhar des Mitsvot. Qu'est-ce que le terme Matan ajoute ? Le 'Hatam Sofer explique que ce terme fait allusion à l'idée d'un Matana, d'un cadeau. Il explique que Hachem a fixé le montant d'une récompense reçue pour chaque Mitsva et la sanction pour chaque Avéra, faute commise. Mais outre cette récompense générale, pour chaque Mitsva, il y a également un salaire pour la joie et l'inspiration avec laquelle on a réalisé la Mitsva. Ce terme de Matan est une allusion au fait que Hachem, dans Sa bonté, offre un cadeau supplémentaire pour l'inspiration et la joie avec laquelle on a accompli la Mitsva. En conséquence, la Michna nous prescrit d'être vigilants dans les Mitsvot Kalot tout comme les Mitsvot 'Hamourot, car on peut concevoir aisément d'être récompensé plus largement pour une Mitsva Kala si elle est réalisée dans la joie et l'enthousiasme.

 

[1] Mikhtav Méeliyahou, première partie, p.111-138.

[2] Cité dans Haméor Ché’béavot, pp.107-108.