Lorsque l’on porte un enfant, on imagine de grands projets d’avenir pour ce petit trésor qui grandit en nous.
Car, disons-le, dans notre inconscient, cet enfant devient porteur de nos espoirs, parfois même de nos réparations. Il réussira là où nous avons échoué. Il sera notre fierté dans la société. Il nous “renarcissisera”. Et plus tard, peut-être, il prendra soin de nous — un retour sur investissement, presque.
Mais alors… qu’en est-il d’un enfant handicapé, vu à travers ce prisme ? Un "flop" total, selon la logique humaine ?
C’est dur à dire, mais c’est ainsi que certains le ressentent. Moi aussi, j’imaginais un fils érudit, brillant en Torah, rayonnant de savoir et de sagesse...
Mais Hachem, dans Sa Grandeur, m’a confié un autre défi : celui d’élever un enfant particulier, avec des besoins spécifiques. Ce chemin m’a appris l’humilité, la patience, et surtout l’amour inconditionnel : ressources précieuses pour accompagner un être aussi unique que ma fille.
Je suis profondément fière d’elle. Elle ne fera peut-être pas Harvard, mais lorsqu’elle s’est retournée pour la première fois ou qu’elle a commencé à ramper, j’ai crié de joie.
Chaque petite victoire est pour nous un grand triomphe. Et elle mérite d’être célébrée.
Je l’aime pour sa force de vie, pour sa volonté de se battre malgré les obstacles. Parce qu’elle est vulnérable, j’ai envie de la protéger.
Et parce que ce n’est pas toujours facile, moi aussi, j’ai besoin de force. Je la puise dans la Torah. Je me connecte à nos Imaot, nos mères fondatrices, qui ont connu, elles aussi, de grandes épreuves.
Rivka, enceinte, ressentait déjà la tension de deux nations en elle. Elle souffrait tant que, selon Rachi, elle se demandait : « Pourquoi ai-je désiré cette grossesse ? » Une pensée que l’on n’oserait pas attribuer à une Matriarche ! Et pourtant, elle l’a eue. Car nos Imaot étaient profondément humaines, habitées par une palette d’émotions.
Alors, Rivka a prié. Elle s’en est remise à Dieu, à la prière, ce refuge puissant dans l’épreuve.
Ra’hel aussi a connu la stérilité. Elle a supplié Ya’akov : « Donne-moi des enfants, sinon je mourrai. » Une parole d’une intensité incroyable, qui dit tout de la douleur de l’attente, du désir, et de la foi mêlée à la détresse.
J’aime la Torah pour cela. Parce qu’elle ne nie pas la souffrance. Elle ne la gomme pas. Elle lui donne un espace, une légitimité. Elle reconnaît que la foi ne chasse pas les émotions, mais qu’elle nous apprend à les traverser avec courage.
Comme le dit le Chlité Guiborim :
« Toute personne qui pleure pendant ses prières, les étoiles et les astres pleurent avec elle, et sa prière est agréée. »
Oui, nos Imaot nous rappellent que vulnérabilité, souffrance et espérance peuvent cohabiter. Et que la Émouna, la foi véritable, n’est pas une certitude froide, mais une lumière douce et tenace qui nous guide dans les moments les plus sombres.
La Maman de Sheyna