Question de Jonathan Y.  

Chana Tova, Rav Scemama 

Chaque année je me pose la même question : à Roch Hachana, nous avons été jugés mais il nous a été donné les "10 jours de Pénitence" pour que ce jugement soit plus clément, grâce aux prières particulières à la Téchouva et aux mortifications du jour de Kippour. À la fin de ce Yom Kippour, le verdict est tombé - pour le bien et le meilleur - c'est pourquoi on appelle la dernière prière de ce grand jour, la "Néïla", c'est a dire littéralement "le verrouillage". Nous passons ensuite aux jours de joie de Souccot, mais voilà qu'au dernier jour de cette fête, on retrouve l'austérité des jours redoutables : on implore la Miséricorde divine, on étudie toute la nuit, puis a lieu une longue prière du matin et enfin, on se souhaite "Pitka Tova" (un bon "billet") ce qui montre que l'on est à nouveau jugé, alors qu'on pensait que tout était déjà scellé. 

Le lendemain, un grand jour de joie nous attend : c'est la fête de Chémini Atséret, Sim'hat Torah ou à nouveau la joie éclate dans toute sa splendeur. De quoi s'agit-il ? Que signifie ce "chaud, froid, chaud, froid" et que représente ce jour de Hochaana Rabba, d'austérité au milieu des jours de réjouissance ? Merci de m'éclairer, car je suis dans la confusion. 

Réponse du Rav Daniel Scemama :

Chana Tova, Jonathan 

Ta question est très pertinente et a aussi intrigué de grands Maîtres de la pensée Torahique...  Je vais te ramener l'une d'elles, en m'inspirant du "Nétivot Chalom" de l'Admour de Slonim. 

On remarquera que par contraste avec les 10 jours de Pénitence - de Roch Hachana à Yom Kippour - qui sont marqués par la pensée et la parole (Téchouva, Téfila, prière, Séli’hot..), les fêtes de Souccot s'expriment par 4 actes concrets : 

A - vivre dans la Soucca (repas, repos, étude, etc.)

B - agiter les 4 espèces

C - l'offrande de 70 bœufs pour tous les 7 jours, qu'on sacrifiait dans un ordre décroissant à l'époque du Temple : premier jour 13, puis deuxième jour 12 etc.

D - la libation d'eau sur l'autel, toujours à l’époque du Temple.

Or, tous ces actes concrets sont porteurs de messages pleins de sens :

A - La Torah nous ordonne de sortir concrètement de notre demeure fixe pour résider pendant 7 jours dans une demeure précaire (la Soucca) : ce déplacement vient souligner que ce monde-ci est un lieu de passage qui nous permettra de nous installer dans le monde futur pour l'éternité, selon les mérites que l'on a acquis par Torah et Mitsvot ici-bas. C'est seulement dans le "'Olam Haba" que se trouve notre véritable résidence, alors que le monde matériel à l'image de la Soucca n'est que provisoire. Par ailleurs, ce commandement doit nous rappeler les nuées qui entouraient et protégeaient nos ancêtres dans le désert... Rentrer dans la Soucca montre qu'on se place toujours sous la Protection divine.

B - Les 4 espèces représentent les 4 sens par lesquels l'homme peut fauter : la feuille de myrte ressemble à l’œil, le cédrat au cœur, la feuille de saule à la bouche et la branche du palmier à la colonne vertébrale. L’œil observe et cela entraîne le cœur à désirer, la bouche est attirée par de la nourriture interdite, et la colonne vertébrale fait le lien entre l'esprit et les organes de reproduction. En agitant ces espèces dans la direction des points cardinaux, vers le bas et le haut, on affirme sanctifier tous nos sens vers D.ieu et les mettre à Son service.

C - Les 70 bœufs sont offerts pour apporter une expiation aux 70 nations. Le fait que tous les jours, on les offre en diminuant leur nombre symbolise qu'on désire diminuer l'influence des nations sur nous, jusqu’à s'en débarrasser complètement. 

D- Quant aux libations sur l'autel, l'eau, dans la tradition kabbalistique, représente les sentiments, l'affect et l'amour, qui sont fluides et pénètrent partout en nous, comme l'eau. En le versant sur l'autel, on offre et soumet ces sentiments vers notre Père. 

On peut maintenant comprendre le déroulement des fêtes de Tichri : l'homme pendant ces 10 jours de Pénitence s'est engagé à améliorer sa conduite mais il ne l'a exprimé que par sa pensée et la parole, via la prière, mais il n'a encore rien prouvé dans les faits. C'est pourquoi toutes ces Mitsvot des 7 jours de Souccot nous sont données pour exprimer notre engagement concrètement, dans les actes.
Le dernier jour de Souccot, Hochaana Rabba, vient donc sceller définitivement ce qui avait été écrit (mais non scellé) à Yom Kippour. C'est pourquoi on redouble de prières et supplications. Malgré le fait que ces jours de Souccot soient critiques pour notre avenir, ils restent des jours de grande joie, car la Sim’ha véritable ne peut résider que dans le cœur d'une personne qui se libère de toutes les attaches liées à la matière et c'est cela notre vécu pendant cette période. 

Dans cette perspective, Chémini Atséret/Sim’hat Torah, est un jour de joie intense, mais qui ne dépend pas d'acte particulier - comme les jours de Souccot - car c'est un jour de communion entre l'homme et l’Éternel après 3 semaines de travail intense… C'est la clôture de cette grande période dans laquelle nous avons déjà prouvé notre volonté de marcher dans Ses voies, en la marquant par des chants et des danses en l'honneur de D.ieu. Cette dernière fête est un peu l’éclat de ce que sera notre vécu dans le Monde Futur après avoir peiné avec labeur dans ce monde-ci.   

Pitka Tova pour tout le Peuple d’Israël !