Le jeûne du 10 Tevet est là. Il n'est pas nécessaire de présenter le Yetser Hara’ (mauvais penchant), c'est une vieille connaissance. Il est notre jumeau, notre frère siamois, nous vivons ensemble depuis que nous sommes nés. S’il nous était demandé où il réside, nous répondrions facilement : « Qui ne le sait pas ? Il squatte notre cœur en permanence »…

Il semble que le Yetser se situe dans la région du cœur, mais ce n'est en fait qu'une illusion d'optique. La Guémara dit : « Le mauvais penchant est semblable à une mouche, et est installé entre les deux ventricules cardiaques ». On apprend ainsi qu'il réside à l'extérieur du cœur. Si nous pensons qu'il est installé à l'intérieur, c'est parce que nous lui en avons ouvert les portes !

Un vieil adage stipule : « Le mauvais penchant ne peut escalader un mur lisse ». Il attend au pied du mur, en attendant qu'on lui ouvre les portes, ou tout au moins qu'on lui jette une échelle de corde. Il est écrit dans le livre de la Genèse : « Le péché est tapi à ta porte » (Béréchit 4, 8). Il se tient replié, immobile, en attendant de pouvoir surgir et profiter de nos faiblesses. A l'image d'une mouche, à l'affût de toute plaie…

Une autre interprétation, tout aussi juste, évoque cet emplacement du Yetser hors du cœur ; le jeûne du 10 Tevet nous aide à la comprendre. Dans le livre des Prophètes, il est écrit : « Ce fut lors de la neuvième année de son règne, au dixième mois (qui est le mois de Tevet, selon le décompte des mois débutant en Nissan), et le dixième jour du mois, Nabuchodonosor, roi de Babylone, lui et toute son armée ont campé autour de Jérusalem et ont construit une digue tout autour. Et ils ont assiégé la ville... Ils ont propagé la famine dans la ville, et il n'y avait pas de pain pour la population du pays, et la ville a été prise d'assaut » (Rois II, 20, 1-4).

Nos Sages ont instauré un jeûne au mois de Tamouz, lorsque les murs de la ville ont reçu leur première brèche. Idem pour le jour où le Temple a été détruit, à savoir le jeûne du 9 Av. Mais un jeûne spécial a également été décrété pour le jour où le siège de Jérusalem a débuté. Et ce bien qu'à cette date, les hangars alimentaires étaient encore pleins, les garde-mangers bien garnis et la population rassasiée.
 

Pour quelle raison les Sages ont-ils institué ce jeûne pour les générations à venir ?

En fait, la ville est tombée dès le 10 Tevet ! Car elle a vécu en sursis depuis l'installation du siège. Dépourvue de champs de céréales et d'arbres fruitiers, tous les moyens de subsistance de Jérusalem étaient importés depuis l'extérieur des murailles. Son siège par les Babyloniens avait donc scellé son sort à moins d'un revirement spectaculaire.

A la lueur de ce rappel, on saisit mieux ce qui a été dit ci-dessus à propos du mauvais penchant tapi dans l'ombre : il nous impose un siège !

Le Zohar Hakadoch compare le cœur de l'homme à Jérusalem. Ainsi, le cœur, tout comme Jérusalem, a-t-il besoin de nourriture spirituelle venue de l'extérieur. Il n'a ni champs de céréales, ni arbres fruitiers qui lui appartiennent en propre. Il est nourri depuis sa périphérie : les cours de Torah, la prière et l'accomplissement des Mitsvot – tous ces éléments représentent son alimentation de base et sa subsistance indispensable.

Comment agit le Yetser Hara’ ? Il dresse un siège sophistiqué en s'installant entre les ventricules du cœur. Il n'attend pas que leurs portes s'ouvrent. Parfois même, il fait en sorte qu'elles restent fermées, verrouillées ! Et il bloque l'arrivée de convois vitaux, en nous décourageant d'aller à des cours de Torah, de prier ou de pratiquer les Mitsvot.

Si nous cédons au blocus imposé par le mauvais penchant, nous perdons la guerre et donc notre « Jérusalem » personnel, le cœur. La seule échappatoire est de briser le siège : aller à des cours de Torah, multiplier les Mitsvot, nous remplir de nourriture spirituelle, de conférences ou de livres pieux. Nous résisterons ainsi héroïquement au siège implacable du Yetser Hara’, et nous ne le laisserons pas prendre d'assaut notre forteresse !