Un sentiment d’élévation spirituelle et de sainteté envahissait ceux qui avaient le mérite de s’asseoir le soir du Sédèr à la table de celui qui illumina la génération, Rav 'Ovadia Yossef. Chacun avait le sentiment d’être un véritable Ben ‘Horin, un homme libre, aucun lieu au monde n’étant plus approprié que la maison du Ben ‘Horin le plus grand, comme l’ont dit nos Sages : « N’est un homme libre que celui qui étudie la Torah. » C’était une nuit spéciale pour tous les membres de la famille, en particulier pour les jeunes enfants qui bénéficiaient de toute son attention ce soir-là.

La veille de Pessa’h, dès les premières heures de la journée, la table était déjà posée, ornée d’une vaisselle raffinée et élégante. Le soir venu, après l’office, le Rav prenait place à table, le visage rayonnant, comme un ange de l’armée d’Hachem. Il insistait pour avoir à ses côtés tous ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, afin de leur raconter l’histoire de la sortie d’Égypte. 

Au début du Sédèr, après « Ya’hats » (moment où l'on casse la Matsa du milieu en deux), avant la lecture de la Haggada, il avait institué un rituel spécial : un enfant de la famille vêtu d’un habit de poussière, avec un bâton à la main et un sac de Matsot sur le dos, sortait de la maison et toquait à la porte. Le Rav demandait : 

« Qui est-ce ? »

« Je suis juif, » répondait l’enfant. On lui ouvrait la porte et le Rav continuait :

« D’où viens-tu ? »

« D’Égypte. »

« Et où vas-tu ? »

« À Jérusalem. »

Ensuite, il demandait aux enfants de lui raconter en détails les sévices de l’esclavage et chacun s’exprimait longuement. Puis il s’adressait au plus jeune : « Que portes-tu sur les épaules ? » L’enfant reprenait alors les termes du verset : « Leurs sébiles sur l’épaule enveloppées dans leurs manteaux. »

Ainsi, dès le début de la nuit, le Rav suscitait l’intérêt des enfants et enracinait en eux la Émouna. Ces instants avec lui furent pour eux des moments de grâce qu’ils se remémoreront à jamais.

Une description des plaies « comme si on y était »

La lecture de la Haggada commençait par le texte « Ma Nichtana » qui était lu avec beaucoup d’enthousiasme par des enfants désignés par le Rav. Ensuite, chaque paragraphe était récité par un membre de la famille. Tous les quelques instants, la lecture s’arrêtait pour laisser le Rav délivrer des paroles de Torah. Les adultes avaient le droit à des explications profondes, mais la majorité de ses interventions étaient simples et intéressantes afin d’attirer l’attention des plus jeunes.

Avant la fête, les parents préparaient avec leurs enfants les questions qui seraient posées au Rav. Le soir du Sédèr, ils obtenaient une réponse claire, longue et détaillée. Lorsque la question était pertinente et originale, l’enfant était appelé par le Rav pour recevoir de sa main des cacahuètes et des noix grillées, qu’il demandait à son épouse la Rabbanite d’acheter avant la fête et de griller. Ces dernières années, les noix furent remplacées par des friandises car « les bonbons sont les noix de cette génération » disait-il.

Son récit était tellement réaliste, que l’on peut affirmer aisément que tout celui qui n’a pas entendu l’histoire de la sortie d’Égypte de la bouche du Rav 'Ovadia Yossef ne l’a jamais vraiment ressentie. Il donnait l’impression que l’ouverture de la Mer Rouge était réellement en train de se passer, chacun se voyait sur la rive, sa pâte en main et l’Égypte derrière lui.

Dans les cours qu’il donnait avant la fête, il demandait de raconter les miracles d’Hachem avec douceur pour les faire vivre aux enfants : « Le soir du Sédèr, » affirmait-il, « est un moment propice à l’acquisition de la Émouna, comme il est écrit : "Israël reconnut alors la haute puissance qu’Hachem avait déployée sur l’Égypte et ils eurent foi en Hachem et en Moché son serviteur." »

Le Rav prenait le temps de décrire tous les miracles d’Hachem à travers les dix plaies, ainsi que la Hachga’ha Pratit (Providence divine) dans chacune d’entre elles. Voici comment il racontait la plaie de la grêle : « Le Juif marchait dans la rue, tranquillement, comme quelqu’un qui se promène. Les Égyptiens qui marchaient juste à côté de lui étaient frappés par la grêle, mais pas lui. Ils tombaient raides morts, mais le Juif poursuivait son chemin. » Comment ne pas voir la main d’Hachem là-dedans ? 

Pour la peste, il décrivait la peur de marcher entre les bêtes féroces qui dévoraient tous les Égyptiens : « Hachem envoya des lions, des ours, des tigres, des éléphants, des serpents, des scorpions, pour tuer les Égyptiens. Ces derniers avaient beaucoup d’enfants, car ils se mariaient à plusieurs femmes, et chacune amenait au monde son lot de lézards… L’Égyptien disait au Juif : « Viens par ici, mon serviteur, prends mes enfants dans la poussette et vas te promener avec eux, il fait bon dehors. Le pauvre Juif avançait jusqu’à la place Tahrir et était soudainement encerclé par les lions, les ours, les tigres qui commençaient à dévorer les enfants de l’Égyptien qui hurlaient. Le Juif était très effrayé, baissait la tête et ses propres enfants, apeurés, criaient : « papa, papa ! », mais que pouvait-il faire ? Il ne faisait pas le poids face à ces bêtes féroces ! Il entamait alors son Vidouï, pensant que les animaux se tourneraient vers lui très bientôt, il prononçait alors sa prière en larmes… mais après avoir avalé tous les Égyptiens jusqu’au dernier (car chaque Kazaït que les animaux consommaient était une Mitsva de la Torah !...) l’éléphant s’approchait d’eux, levait sa trompe, les saluait et s’en allait. Il ne touchait pas aux Juifs. Même un animal comme celui là savait qui était Juif et ne lui faisait aucun mal. »

Tous les membres de la famille étaient assis et buvaient les paroles du Rav qui s’exprimait avec tant de réalisme, en faisant ressentir le miracle qui se trouvait dans chaque détail. Les enfants préféraient renoncer à leur sommeil  pour se délecter de ce récit passionnant, respectant ainsi la loi : « Jusqu’à ce que le sommeil nous emporte. »

Toutefois, même s’il aimait passer beaucoup de temps sur le récit de la Haggada, le Rav veillait à ne pas trop s’attarder sur la lecture et le repas afin que les enfants restent éveillés tout le long du Sédèr, jusqu’à Nirtsa, pour avoir le mérite de participer à cette nuit sainte dans sa totalité.