Le roi Chlomo est surtout connu pour son extraordinaire sagesse ; le Prophète signale qu’il était le plus sage de tous les hommes. Le contexte de cette acquisition de la sagesse vaut la peine d’être analysé afin de comprendre plus en profondeur sa grandeur et l’attitude appropriée à adopter face à la sagesse.[1]

Peu de temps après que le roi Chlomo eut accédé au statut de roi, Hachem lui apparaît en rêve et lui propose de formuler un désir. Chlomo remercie d’abord Hachem pour la bonté qu’Il a manifestée envers son père, le roi David, puis il sollicite la sagesse afin de pouvoir juger le peuple correctement. Le Prophète relate que Hachem fut très satisfait de la demande de Chlomo et déclara qu’Il lui conférait une sagesse plus grande dont aucun homme n’avait jamais bénéficié avant lui. De plus, puisque Chlomo n’avait demandé ni la richesse ni les honneurs, Hachem lui accorderait plus de richesse et d’honneur qu’aucun autre homme.

Le Midrach développe cet épisode : il expose une analogie avec un homme qui a grandi au palais du roi. Un jour, le roi lui propose de lui accorder ce qu’il demande. L’homme se dit : si je demande de l’argent et de l’or, il me les donnera, des pierres précieuses, certainement aussi, mais il réalise alors que s’il demande à épouser la fille du roi, il recevra tout, car tout est inclus dans cette requête. De la même façon, Chlomo réalisa qu’en demandant à obtenir la sagesse, il recevrait également la richesse et les honneurs et d’innombrables bienfaits, car tout est inclus dans cette requête pour obtenir la sagesse. Et en effet, en demandant la sagesse, Hachem lui offrit tout.[2]

Au niveau simple de ce Midrach, Chlomo voulait obtenir la richesse et les honneurs en plus de la sagesse, mais il réalisa qu’il recevrait tout en demandant la sagesse. En conséquence, les commentateurs s’interrogent : pourquoi Hachem l’a-t-Il tant loué pour n’avoir formulé que cette demande de sagesse, alors qu’en réalité, il souhaitait également obtenir tout le reste ?![3]

Une approche s’appuie sur le principe suivant : tout ce qui, dans ce monde, n’est pas interdit de manière intrinsèque peut être mis au service du rapprochement avec Hachem, y compris la richesse et les honneurs. Malheureusement, si un homme n’a pas un niveau élevé, il fera un mauvais usage de ces dons qui l’éloigneront de Hachem. En revanche, un homme clairvoyant sait que le but de l’existence est de développer une proximité avec Hachem, et il mettra à profit tout ce qu’il possède dans le but d’accéder à ce but. En outre, il est bien plus facile pour un homme d’approfondir sa sagesse par l’étude de la Torah s’il n’a aucun souci à se faire sur sa subsistance.[4] De ce fait, pour un homme d’un niveau suffisamment élevé, la richesse lui bénéficie grandement pour se rapprocher de Hachem. L’une des raisons pour lesquelles peu d’individus méritent la richesse ou les honneurs tient à ce qu’ils les utiliseraient à mauvais escient et ce serait à leur détriment sur le plan spirituel.

En se reposant sur cette idée, Chlomo a reconnu que s’il possédait une véritable sagesse, alors Hachem lui prodiguerait également la richesse et les honneurs dans le but de l’aider à faciliter sa croissance spirituelle. C’est l’idée du Midrach affirmant que Chlomo s’était dit qu’il demanderait la sagesse, sachant qu’elle renferme tout. En effet, dès l’instant où il bénéficierait de la sagesse, Hachem lui accorderait tout le reste. Hachem savait en effet que Chlomo en ferait un usage positif. Par conséquent, Hachem lui accorda tout, reconnaissant que la sagesse de Chlomo lui permettrait d’utiliser la richesse et les honneurs qu’il recevrait pour se rapprocher davantage de Lui et rehausser le Kavod Chamaïm, l’honneur de Hachem dans ce monde, ce que Chlomo fit en effet.

Cette idée nous rappelle qu’un homme doit peut-être consacrer une bonne partie de son temps à gagner sa vie, mais il ne doit jamais oublier que cette poursuite n’est pas une fin en soi. Sa subsistance doit être un moyen de lui permettre de s’employer à accéder au but ultime de la vie : développer une proximité avec D.ieu.

Cette idée est abordée par le Rav Yossef Salant[5] lorsqu’il explique la relation entre l’offrande du 'Omer et Chavou'ot, qui sont liés par le décompte depuis l’offrande du 'Omer jusqu’à Chavou'ot. Le 'Omer signifie que bien que nous soyons tenus de faire une Hichtadlout (un effort), au final, Hachem nous procure notre gagne-pain. Mais cette prise de conscience est insuffisante. Nous devons également réaliser que gagner sa vie n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen en vue d’une finalité plus importante : obtenir suffisamment de sérénité pour pouvoir nous concentrer sur le service divin sans être surchargé par des soucis concernant nos moyens de subsistance. Dans cette veine, la Torah relie le décompte du 'Omer à Chavou'ot pour nous enseigner que le but de la subsistance, symbolisée par le 'Omer, est de nous conduire jusqu’au don de la Torah, de nous permettre d’étudier et de vivre la Torah. En effet, pendant quarante-neuf jours, nous comptons le 'Omer, prenant conscience que Hachem est la Source de notre gagne-pain et que, de plus, Il agit comme la Source pour nous permettre de nous rapprocher de Lui par l’étude et la pratique de la Torah.

[1] Mélakhim I, chapitre 3.

[2] Chir Hachirim Rabba, 1:9; Kohélet Rabba, 1:1; Pessikta Rabati, Yad 7.

[3] Voir Michbétsot Zahav, Mélakhim I, pp.159-160 pour un certain nombre d’approches de cette question.

[4] Voir Rambam, Hilkhot Téchouva, chapitre 9, Halakha 1, où il explique que les promesses de récompenses de subsistance de ce monde, dans la Torah, visent principalement à ce que l’homme concentre ses efforts sur des poursuites spirituelles plutôt que sur le simple fait de gagner sa vie.

[5] Béer Yossef, Parachat Emor, pp. 48–55.