La Torah nous rapporte l’histoire des patriarches, Avraham, Its’hak et Ya'akov, comme les « pères » du peuple juif depuis plus de 3000 ans. Il ne faut pourtant pas oublier le rôle décisif des quatre « mères » : Sarah, Rivka, Ra’hel et Léa. Chacune complète, approfondit le rôle du patriarche. Dans chaque cas, l’Éternel confirme et encourage le choix des mères, comme nous allons le voir…

Sarah, la première, intervient activement dans trois circonstances. Comme elle se trouve stérile, elle donne Hagar à Avraham, mais se montre sévère avec elle. Quand on lui annonce qu’elle aura un fils, elle n’y croit pas. Elle rit : « C’est impossible, car c’est contraire à la nature ». Ce rire d’incrédulité provient du fait qu’elle ne pense pas avoir le mérite que l’Éternel change la nature pour elle. Son incrédulité ne vient pas de ce qu’elle ne croit pas, mais c’est parce qu’elle pense que la nature ne peut pas changer. D.ieu répond : « N’est-il pas possible de faire quelque chose de surnaturel ? » Quand Its’hak est né, elle rit à nouveau, mais cette fois, c’est un rire de reconnaissance ! Quand les enfants grandissent, Sarah ne veut pas que Yichmaël reste avec Its’hak, car elle voit que Yichmaël se « moque ». Elle demande à Avraham de le chasser. Avraham est peiné et l’Éternel lui dit : « Ne sois pas peiné. Tout ce que te dira Sarah, écoute sa voix ». D.ieu approuve la décision de Sarah, puisqu’Il dit : « Écoute-la » ! C’est pour Sarah qu’Avraham achète un terrain pour la sépulture, où seront enterrés trois couples (sauf Ra’hel, morte sur le chemin de retour).

Rivka est annoncée dès sa naissance, petite-fille du frère d’Avraham. Dès avant son arrivée chez Its’hak, elle fait les trois actes qui vont réapparaître dans la tente de Sarah : elle donne à boire à Éli'ezer et aux chameaux (‘Hessed), elle déclare qu’elle veut aller avec le serviteur d’Avraham. On lui demande si elle veut partir. Elle ne dit qu’un mot : « Je veux aller » (construction du foyer, lumière allumée). Quand elle voit de loin Its’hak à son arrivée, elle se voile (pureté du foyer symbolisée par le nuage qui couvrait la tente). Ces trois éléments (bénédiction dans la pâte, lumière allumée – éclairage spirituel du foyer – et pudeur) caractérisent le foyer juif. Rivka a déjà, au préalable, symbolisé Sarah, et donc le secret du foyer juif dans toutes les générations (Cacheroute, éducation et pureté). Mais c’est encore autrement que Rivka se révèlera : elle envoie Ya'akov recevoir la bénédiction d’Its’hak et elle réussit à convaincre Ya'akov de surmonter ses réserves. Elle persuade aussi Its’hak qu’il faut envoyer Ya'akov chez son frère Lavan. Alors, Ya'akov reçoit d’Its’hak la « bénédiction d’Avraham », juste avant son départ. Rivka a réussi à convaincre Its’hak, en prenant prétexte que les femmes d’Essav lui sont désagréables. Rivka n’agit pas beaucoup, mais c’est elle qui, en fait, a dirigé tout le processus, depuis qu’elle a envoyé Ya'akov recevoir la bénédiction paternelle. Comme Sarah, la femme d’Its’hak intervient de façon décisive et a influencé l’avenir de Ya'akov.

Quant à Ra’hel et Léa, les filles de Lavan, mais aussi les femmes de Yaakov, Ra’hel représente le ‘Hessed (la bonté) et Léa le Din (la rigueur, la justice divine). Elles craignent, toutes les deux, d’être prises par 'Essav. Léa sait qu’elle est l’aînée et qu’elle doit donc, naturellement, être prise par 'Essav l’aîné. Ra’hel n’a pas d’enfant, est stérile, elle craint que Ya'akov la renvoie et qu’Essav la prenne. Pourquoi ? Elle sait qu’elle est belle, extérieurement, et qu’elle doit donc donner une dimension spirituelle à cette beauté physique. Si elle est stérile, cela signifie qu’elle a échoué dans sa lutte contre l’extériorité physique. Elle appartient donc à 'Essav, symbole de la matérialité. 'Essav est ainsi l’épouvantail qui effraye d’abord Léa, puis Ra’hel, car il symbolise l’extériorité, la valeur du matérialisme. Yossef, par sa naissance, sauve sa mère (Ra’hel) d’Essav. Elle n’est donc pas stérile et restera chez Ya'akov. Yossef est essentiellement l’adversaire spirituel du matérialisme, depuis sa naissance. Ce sera sa lutte à lui.

Ra’hel et Léa apprennent que l’Éternel a dit à Ya'akov de rentrer chez lui, dans la maison de Its’hak. Yaakov prend conseil avec elles et ne décide pas seul ce retour. Ce sont ses femmes qui lui conseillent de partir, de quitter Lavan leur père qui les a vendues, puisque Ya'akov a dû travailler 14 ans pour les obtenir. Elles sentent qu’elles sont liées à Ya'akov et s’expriment clairement : après leur plainte sur leur père, elles disent : « Maintenant, tout ce que D.ieu t’a dit, fais-le » (Béréchit 31, 16). Phrase parallèle à ce que D.ieu avait dit à Avraham : « Fais tout ce que t’a dit Sarah ». Les quatre mères décident et conseillent les patriarches sur la voie à suivre. Existe-t-il une preuve plus claire du rôle de la mère juive ?

Rivka sera enterrée dans le caveau acheté par Avraham pour Sarah. Ya'akov, avant de mourir, demande à ses fils d’être enterré dans le caveau qu’Avraham avait acheté pour Sarah. Il dit à ses fils de le transporter dans ce caveau : « C’est là (dans ce caveau) que furent enterrés Avraham et Sarah son épouse, c’est là que furent enterrés Its’hak et Rivka son épouse, et c’est là que j’ai enterré Léa » (Béréchit 49, 31). Ra’hel est enterrée sur le chemin de retour de Ya'akov vers son père, en donnant naissance à un second fils, Binyamin, qui est le dernier des douze fils de Ya'akov. Ra’hel, symbole de la lutte contre l’influence du matérialisme, représentait donc l’amour (le ‘Hessed) pour son peuple. Placée sur le chemin où les exilés doivent passer, elle prie pour eux. Aujourd’hui, le Kéver Ra’hel (tombeau de Ra’hel) reste un lieu de prière pour les descendants du peuple juif ; et, par amour, elle demande à l’Éternel de les protéger. Mère de Yossef et Binyamin, c’est l’éternité d’Israël qu’elle traduit à travers les siècles.

Avraham représentait le ‘Hessed et Sarah le Din. Its’hak représentait le Din, et Rivka le ‘Hessed. Le foyer juif est ainsi harmonieux, par la complémentarité du couple. Ya'akov qui représentait le Émet (la Vérité) dans un monde qui rend hommage à la matière, à la technologie, Ya'akov était avec Ra’hel (‘Hessed) et Léa (Din) la synthèse de notre lecture du monde moderne.

Pour faire avancer l’humanité vers une ère de paix, d’harmonie, sachons lire l’histoire d’Israël, basée sur l’harmonie entre les hommes. Espérons voir cette harmonie se réaliser bientôt. Le monde déchiré d’aujourd’hui semble déboussolé, mais l’être juif doit rester une lumière, porteur de la spiritualité…