L’un des personnages les plus vils de tout le Tanakh est certainement Izével, l’épouse perverse du roi A’hav, qui l’a détourné du droit chemin en le poussant à l’idolâtrie, a persécuté les Prophètes, en particulier Eliyahou Hanavi, et a encouragé son mari à mettre à mort un innocent, Naboth. Mais nos Sages trouvent néanmoins un point positif à cette femme méprisable. Le Midrach[1] nous dit :

« Sa maison était adjacente à la place du marché. Dès qu’un couple de mariés passait, elle sortait de la maison et applaudissait, chantait en leur honneur et les accompagnait sur quelques pas…En conséquence (bien qu’Eliyahou Hanavi, de mémoire bénie, ait prophétisé : « Les chiens mangeront Izével »[2], les chiens n’eurent aucun pouvoir sur ses organes qui avaient accompli ces actes de bonté. Il est donc écrit : "Ils allèrent pour l'ensevelir, mais ne trouvèrent plus d'elle que le crâne, les pieds et les paumes des mains". »[3]

La question se pose : pourquoi a-t-elle excellé dans la bonté de réjouir le ‘Hatan et la Kalla en particulier ?[4] Pour comprendre un peu mieux cette question, il vaut la peine de nous pencher sur le Séfer Guilgoul Néchamot du Rama de Pano[5], où il décrit les diverses réincarnations des personnages du Tanakh et de la Guémara. Il va de soi qu’une bonne partie de ce travail dépasse notre entendement, mais il est parfois possible de déduire des thèmes des diverses réincarnations de certains individus au fil de l’histoire, et d’observer comment ils ont parfois répété les mêmes erreurs, et parfois rectifié leurs Guilgoulim (réincarnations) précédents. Quant à Izével, le Rama de Pano précise qu’elle était la réincarnation de Kozbi, la princesse Midyanite tuée par Pin’has lorsqu’elle fauta avec Zimri de la tribu de Chimon.[6] Le Rama de Pano explique, en s’appuyant sur le célèbre Midrach, qu’Eliyahou Hanavi était le même individu que Pin’has[7], et qu’Izével, en tant que Guilgoul de Kozbi tuée par Pin’has, investit une bonne partie de son énergie à tenter de tuer Eliyahou, à titre de vengeance pour le meurtre de son incarnation précédente. Mais le Rama de Pano poursuit avec un Guilgoul bien plus surprenant : il fait référence à l’épouse du général romain Turnus Rufus qui s’était convertie et avait épousé Rabbi Akiva[8]. Quelle peut être la relation entre les perverses Kozbi et Izével, et la vertueuse Ra’hel ?

Pour répondre à cette question, il convient d’abord de souligner ceci : comme nous l’avons mentionné dans le passé, même les personnages les plus négatifs du Tanakh ne sont pas simplement des « méchants. », ils sont souvent mus par des intentions profondes qui les poussent à agir de manière erronée. Pour Kozbi, on pourrait suggérer qu’elle avait un profond désir de s’attacher au peuple juif, ce qui la conduisit à désirer s’attacher à Zimri. Elle a de toute évidence agi de manière malavisée et interdite, mais son acte indiquait peut-être un désir profond de se joindre au peuple juif. Nous pouvons appliquer le même raisonnement à Izével : ce n’est sûrement pas une coïncidence qu’elle ait choisi d’épouser un roi juif. Elle l’a certes fait dévier du droit chemin, mais on peut supposer qu’elle avait un profond désir de s’attacher au peuple juif. À nouveau, elle s’y est prise de la mauvaise façon, en entraînant son mari et le peuple juif à fauter.

La rectification finale de Kozbi et d’Izével se réalise chez une autre femme non-juive, l’épouse de Turnus Rufus, qui avait le même désir fermement ancré de s’attacher au peuple juif. Mais cette fois-ci, elle adopta la bonne méthode en se convertissant correctement, avec l’intention de respecter la Torah[9], et de s’attacher à un homme juif de manière permise, par les liens du mariage. De cette manière, elle accomplit les désirs de ses Guilgoulim précédents, mais de manière correcte cette fois-ci.

Avec ces informations à l’esprit, nous pouvons mieux comprendre pourquoi certaines des seules bonnes actions d’Izével étaient liées au fait de réjouir des mariés le jour de leur mariage. En effet, elle éprouvait au fond d’elle un désir profond d’épouser un homme juif et de s’attacher au peuple juif, d’où son attirance pour la joie d’un mariage juif authentique. Malheureusement, les Guilgoulim de Kozbi et d’Izével échouèrent dans leur mission de satisfaire ce désir de leur âme, mais leur dernier Guilgoul y parvint de manière fantastique, par le mariage avec l’illustre Rabbi Akiva.

 

[1] Pirké Dérabbi Eliézer, 17.

[2] Mélakhim I, 21:23.

[3] Mélakhim II, 9:35.

[4] Le Midrach affirme aussi qu’elle déplorait la perte de personnes décédées, mais ce point ne sera pas abordé dans cet article.

[5] L’un des grands kabbalistes du seizième siècle.

[6] Guilgoulé Hanéchamot, Os 5, 76.

[7] Yalkout Chimoni, Pin’has, 771.

[8] Nédarim, 50a-50b.

[9] On ignore si Izével s’était convertie, et si c’était le cas, si sa conversion était valable.

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