Je voudrais vous raconter mon histoire. Elle est arrivée il y a 7 ans, à une date que je ne pourrais jamais oublier : le 14 juillet 2016. 

Nous sommes une famille unie, mon mari, moi et nos trois filles. Nous habitons une charmante petite localité près de Strasbourg et c’est là que nous avons fait grandir nos enfants, leur donnant une bonne éducation et la chaleur d’un foyer uni. Nous sommes pratiquants, mais « sans plus ». J’ai toujours tenu au respect du Chabbath et à la Cacheroute de ma cuisine. Toutes les fêtes juives étaient respectées, mais je ne nous mettrais pas dans la catégorie « orthodoxes ».Tout commence merveilleusement bien : mes enfants décident de fêter mon anniversaire, mes « 60 ans », et comme une de mes filles mariées habite à Nice, nous décidons de nous retrouver chez elle, famille au grand complet, pour un long Chabbath !

Mes enfants avaient eu la gentillesse de nous prendre les billets d’avion, et nous devions nous envoler avec la compagnie Easy Jet, ce jeudi matin, 14 juillet, à 8h45. Mais à 7 heures du matin, le téléphone sonne : ma fille m’annonce qu’il y a un problème météorologique et que tous les avions pour Nice sont annulés !!

Problèmes météorologiques ? Je jette un coup d’œil par ma fenêtre, il fait un début de journée magnifique, le ciel est bleu, immaculé, et je laisse échapper entre mes dents : « On ne va pas me gâcher ma journée ?! » Nerveuse, j’avertis mon mari : « Ils disent à l’aéroport que les avions pour Nice sont annulés... » Nous commençons l’un et l’autre, déjà habillés et « sur nos valises », le long ballet des appels aux compagnies d’avion. Easy Jet confirme : le vol est annulé ! On essaye Air France : annulé aussi... Et aucune autre compagnie ne dessert notre trajet.

Je râle, je râle, et je râle... Mon mari, bienveillant, me dit de ne pas m’inquiéter, et qu’on va sûrement trouver une solution. Tout ce temps, nous restons « on line » avec nos filles et nos gendres. Et puis l’un d’eux propose : “Prenez le train ! C’est vrai que c’est long, mais je viendrai vous chercher à Marseille et on fera le trajet en voiture jusqu'à Nice.”

La proposition est plausible, et je n’ai pas l’intention de renoncer à mon « Yom Houlédèt » (anniversaire) ! Direction la gare, tant pis pour l’aéroport...

Le trajet qui aurait dû prendre une heure et quart en avion a pris 5 heures et demie. Au lieu de débarquer à Nice comme des fleurs en fin de matinée, nous sommes à la gare de Marseille, fatigués et fourbus à 17h30... Mon gendre est là pour nous accueillir. « En roulant bien, sur l’autoroute, en une heure et demie, nous devrions être à Nice », nous rassure-t-il.

Oui, mais ça ne roule pas bien, et des embouteillages ralentissent désespérément le voyage. Dans la voiture, je réfléchis. Le paysage défile. Je me réjouissais depuis un mois, lorsque les enfants m’avaient fait part de ce projet de se retrouver tous ensemble pour cette occasion, avec mes petits-enfants adorés. J’ai beau fêter mon 60ème anniversaire, je rêve toujours, et mon imagination débordante me fait anticiper mes bonheurs bien à l’avance…

Nous arrivons enfin à Nice, et nous déposons nos bagages à l’hôtel avant de nous rendre chez ma fille. Il est 20h30. La journée a été épuisante, mais je ne veux pas décevoir mes enfants et petits-enfants, et nous passons une très belle soirée. Ils ont tout fait pour le grand jour : repas délicieux, gâteaux, soufflage de bougies, photos, et bien sûr, cadeaux ! Mes filles m’ont offert, entre autres, un très bel album de photos qui retrace les plus beaux moments de notre famille : leur petite enfance, nos vacances, les mariages, les naissances des petits-enfants. Et puis, sur une des photos, le bonheur simple d’être ensemble, un dimanche après-midi, sur la terrasse. Tout le monde est content, et moi sur la gauche qui tient ma première petite-fille dans les bras...

Nous avions prévu ce soir-là, pour le bouquet final, après le repas de fête, de nous rendre tous ensemble sur la Promenade des Anglais pour assister au feu d’artifice du 14 juillet. Mais à 21h, mon état d’épuisement était tel que je ne savais même pas comment j’arriverai à l’hôtel. Mes filles et leurs maris n’avaient rien décidé clairement quant à la suite du programme, mais moi, je filais au lit…

Une fois dans la chambre d’hôtel, on entendit soudain au loin les hurlements des sirènes de la police et des ambulances. Le va-et-vient incessant sous nos fenêtres laissait présager que quelque chose de très, très grave venait de se produire !

Effectivement… cette nuit-là, 85 personnes périssaient, alors qu’elles étaient venues innocemment assister au feu d'artifice du 14 juillet. Cet attentat, d’une cruauté rare, allait secouer toute la France. Jusqu'à aujourd’hui, pas un jour ne passe sans que je ne pense à cette journée, dans tous ses détails. Chaque élément avait été dirigé par une Main du Ciel pour nous protéger. 

L’annonce des intempéries, l’annulation des avions, les bouchons sur l’autoroute Marseille-Nice… tout s’était avéré providentiel, car si nous étions arrivés à temps, à 12h00, comme des « fleurs », cette ballade en famille pour le feu d’artifice, nous l’aurions faite. À ce stade, j’arrête de penser. C’est trop terrible...

Ce fameux soir du 14 juillet, une de mes filles est sortie après que nous l’ayons quittée, avec son mari, dans la direction de la Promenade des Anglais. Elle a vu des gens en sang qui couraient hagards. Cette vision l’a poursuivie longtemps.

Nous avons échappé au pire, la Providence a annulé des avions, a provoqué des embouteillages, a fait courir le bruit d’intempéries qui n’ont jamais eu lieu, pour étendre sur nous son voile protecteur. La tête me tourne. Pourquoi moi ? Pourquoi avons-nous été sauvés ? Et mes pensées vont souvent à ceux qui sont restés là-bas…

On m’a demandé si j’avais fait quelque chose avant l’attentat qui aurait pu nous protéger. Nos Sages disent : « La Tsédaka sauve de la mort ». Ce que je sais c'est que mes filles s’étaient beaucoup renforcées dans leur judaïsme, adolescentes, lors de leurs études à Strasbourg, au contact des Loubavitch et en fréquentant des familles orthodoxes, et c’est vrai que nous avons évolué avec elles.

Nous encourageons aujourd'hui nos enfants dans cette voie, et nos gendres étudient la Torah une partie du temps. Pour ma part, je vous avoue que je fais, depuis, très attention à ma Tsni'out (pudeur), à bien me couvrir la tête également, soit avec une perruque soit avec un couvre-chef. Mon mari, lui, est très vigilant sur le port des Tsitsit Katan.

Dans mon quotidien, aujourd’hui, bien sûr, quand je rate un bus ou quand la journée commence de travers, je prends les choses plus calmement. Mais au-delà de cela, j’ai à l’intérieur de moi un besoin immense de remercier Celui qui m’a mise à l’abri.

Quand on l’interroge sur ce qui s’est passé, mon mari dit simplement : “C’était un miracle.”

Des miracles, il y en a chaque seconde. Le fait d’ouvrir les yeux chaque matin, de parler, de marcher. Mais leur répétition fait qu’on n’y prête pas attention. Et un jour, soudain, au beau milieu de la vie, sans s’y attendre, Le Saint béni soit-Il, du haut de Sa Grandeur Infinie, dévoile Sa présence et pose Sa Main protectrice sur vous. C’est un sentiment incroyable de proximité avec Lui, de petitesse devant Sa Volonté et d’humilité. 

Si nos Sages appellent un miracle, “Ness”, un drapeau, le mien flotte bien haut sur ma vie depuis ce 14 juillet.

D’après le témoignage reçu de Beila

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