Après un esclavage de 210 ans, opprimant, humiliant, exténuant, les Bné Israël sont miraculeusement libérés par D.ieu et deviennent Son Peuple. Pourtant, nos Sages rapportent que seul un cinquième de ‘Am Israël sortira réellement d’Égypte, la grande majorité souhaitant rester dans leur triste condition au pays de Pharaon.

A la lecture du Midrach qui nous décrit les décrets des Égyptiens et la souffrance que nos ancêtres ont dû subir, on ne peut que s’étonner d’une telle donnée. Le sadisme de leurs maîtres, qui n’hésitaient pas à leur faire exécuter des tâches contre nature, et l’atrocité du meurtre de nourrissons juifs auraient du convaincre tout être normal à chercher à s’enfuir d’une telle réalité.

La question devient encore plus pertinente quand on s’aperçoit que même ceux qui sont effectivement sortis d’Égypte et vivent une expérience miraculeuse dans le désert ne manquent pas de se rebeller et d’exprimer leur regret d’avoir quitté Erets Mitsraïm. Incroyable !

Protégés par les nuées, nourris par la manne, abreuvés par le puits de Myriam qui les suit tout au long de leurs pérégrinations, ils regrettent encore l’Égypte… En réalité, on touche là un point névralgique de la nature humaine : il nous est très difficile d’opérer des changements dans notre mode de vie quotidien, ceci même si le présent est un enfer. C’est ce que l’on appelle en terme de psychologie "refuser de sortir de sa zone de confort". Il est plus "confortable" pour l’homme de rester avec ses habitudes, son train-train, le même entourage et la même activité, même lorsqu’il souffre. Il a beau être conscient que son travail est très mal payé et ne lui convient pas, qu’il a des voisins qui depuis des années le dérangent par leur vacarme incessant, que la nourriture qu’il consomme lui est nocive, que l’école dans laquelle il a placé ses enfants est mal fréquentée, il continuera à entretenir cet état de faits, car tout changement perturbe et déstabilise.

La sortie d’Égypte qui marque la fin de souffrances indescriptibles et la liberté tant attendue promise à Avraham Avinou par D.ieu, ne sera donc pas évidente pour tous. Cet événement va être suivi par un autre non moins important qui sera celui de la Révélation et du Don de la Torah. Le peuple hébreu, qui était auparavant méprisé et assujetti, se retrouve au devant de la scène mondiale, désigné par le Créateur comme le peuple élu, celui par qui l’Éternel va dicter à toutes les Nations Ses attentes. Et pourtant dans ses moments de faiblesse, Israël se rebiffe et regrette son passé pénible et médiocre.

Nous marquerons le soir du Séder par la lecture de la Haggada et la consommation de la Matsa et du Maror afin de se souvenir de ces événements. L’institution de boire 4 coupes de vin allongés sur des coussins doit nous rappeler les différents stades de la liberté acquise. Ces gestes ne représentent pas seulement un souvenir de faits passés, mais sont bien là pour nous marquer et nous sortir d’un sommeil profond. Un juif authentique est un être libre, capable de se défaire des chaînes de la matière qui l’empêchent d’agir avec zèle et détermination. C’est pourquoi nous lisons dans la Haggada que chacun d’entre nous doit se considérer comme lui-même sorti d’Égypte, car cette libération nous concerne tous dans notre quotidien.

La venue du Machia'h tant attendue va fondamentalement provoquer des modifications dans le monde et chez le juif particulièrement, pas moins que lors de la sortie d’Égypte. A nous de montrer par notre comportement que nous sommes prêts à opérer des changements afin de mériter cet événement grandiose.