Un jour, un grand groupe se rassembla sur le pont de Brooklyn (New-York), un grand pont qui traverse le fleuve Hudson et qui relie Brooklyn à Manhattan.

Que s’est-il passé ? Un homme a été emporté par le courant du fleuve et risque de se noyer d’un instant à l’autre. Ses faibles cris d’appel au secours ont été entendus par les passants circulant sur le pont, mais ils ne peuvent malheureusement pas grand-chose pour lui. Comment pourraient-ils sauver le malheureux qui se noie à plusieurs dizaines de mètres en-dessous d’eux ?

Pendant que la foule observe, hypnotisée, la scène terrible d’un homme se débattant dans des eaux turbulentes, un homme présent dans la foule entreprend un acte courageux : il saute depuis le pont en hauteur vers l’eau froide.

Sous les yeux ébahis des spectateurs, le courageux sauveteur arrive à la hauteur de l’homme en train de se noyer : il le sort de l’eau, le tire vers la rive du fleuve, pratique une réanimation et reste à côté de lui jusqu’à l’arrivée de l’ambulance qui doit le conduire aux urgences.

Ce sauveteur mérite-t-il une médaille ?

Bien entendu. Il vient de sauver un homme d’une mort certaine.

En effet, lorsque le sauveteur arrive en haut du pont, exténué par ses efforts, toutes les personnes présentes forment un cercle autour de lui, lui tapent sur l’épaule, et le complimentent sur son acte courageux. A leur grande surprise, non seulement l’homme n’a pas l’air satisfait de tous les compliments qu’il reçoit, mais son visage exprime au contraire une grande colère.

« Que s’est-il passé ? », demandent les personnes présentes.

Et l’homme de répondre : « Je recherche l’imbécile qui m’a poussé à l’eau… »

Avez-vous réalisé ce qui s’était passé dans cette histoire ? Jusqu’à la lecture de la dernière ligne, nous étions persuadés qu’il s’agissait d’un acte courageux et héroïque à nul autre pareil, dont l’auteur méritait une médaille. Or, il s’avère que cet acte n’est pas le fruit d’un choix. L’homme a été simplement poussé dans l’eau et a agi contre sa volonté. Il est vrai qu’au bout du compte, le résultat concret est identique, la vie de l’homme a été sauvée, et c’est une grande chose, mais le fait que l’acte n’ait pas été fait avec le libre arbitre amenuise de beaucoup le mérite qui lui revient et la médaille que nous voulions lui conférer.

Ce petit exemple illustre la centralité du libre-arbitre dans le monde spirituel de l’homme. Si l’on vit comme un robot, en se conduisant en « mode automatique » en fonction des stimulations de l’environnement, nos actes sont dénués de sens. Si l’on n’a pas de libre arbitre, on n’a pas non plus de responsabilité - ni en bien, ni en mal.

Il n’est pas facile pour l’homme d’accéder à une situation de véritable libre-arbitre. La majorité de nos actes est inspirée par des considérations d’intérêt et une satisfaction de besoins en tout genre. L’étude de la Torah purifie l’esprit, accroît nos forces, et expose devant l’homme une échelle de valeurs absolues (le bien et le mal), et l’aide ainsi à exprimer la force la plus puissante cachée en lui - le pouvoir du libre-arbitre.

Rav Yossi Izak