J’ai récemment reçu des courriers de deux femmes se plaignant de vivre des crises d’Emouna, de foi. L’une, une femme célibataire au début de la quarantaine, fille unique de survivants de la Shoah, a été bouleversée par la maladie puis la mort de sa mère (son père était décédé plusieurs années auparavant). Qu’est-il advenu de toutes mes prières ? demandait-elle.

La seconde femme était perturbée par la souffrance générale de jeunes enfants innocents. Elle se demandait comment un D.ieu de bonté pouvait permettre de telles tragédies. Elle était si troublée par cette question, au point que sa progression religieuse en était entravée. « Se pourrait-il, demandait-elle, que D.ieu ait créé le monde puis soit parti ? »

Chères amies,

Je vais tenter de traiter vos questions séparément. Je voudrais d’abord exprimer ma sympathie pour la femme qui a perdu sa mère. Puisse D.ieu vous accorder le réconfort et la consolation parmi les endeuillés de Tsion et de Jérusalem. Le décès d’un parent est toujours très douloureux. Une partie de votre vie est retranchée, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous coupons nos vêtements à l’enterrement. Mais je comprends que votre deuil est doublement douloureux, car vous vous sentez seule et abandonnée. Vous vous demandez : « Qu’est-il advenu de toutes mes prières ? Pourquoi D.ieu ne m’a-t-il pas exaucée ? »

Mais Il vous a répondu et vos prières sont arrivées directement à Son Trône céleste.

Vous écrivez que durant des années, vous étiez distante avec votre mère, car elle était trop dominante, que son passé de rescapée de la Shoah l’avait rendue trop prudente et qu’elle étouffait votre liberté. En conséquence, une grande tension régnait entre vous deux, ce qui vous a conduit rapidement à prendre votre indépendance. Mais lorsque votre maman est tombée malade et a souffert d’un AVC invalidant, vous avez ressenti le besoin de vous réinstaller chez elle. Vous avez rendu votre appartement et renoncé à votre vie sociale pour passer chacun de vos moments de libre avec elle, et pour la première fois depuis de longues années, vous avez créé une relation positive. Vous avez même réussi à la convaincre de prier avec vous, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Elle vous a également confié des histoires sur ses expériences au camp de concentration, et votre relation a pris un nouvel élan. Votre histoire communique un message très clair, celui qui nous a été légué par notre patriarche Yaakov.

La Torah relate que Yaakov a demandé le cadeau de la maladie avant de mourir. Le cadeau, vous demandez-vous ? N’est-il pas préférable de quitter ce monde sans souffrir ? Avant la requête du patriarche, c’était la situation de l’humanité. Les hommes mouraient subitement, à peine en éternuant. Yaakov considérait la mort dénuée de maladie comme un problème majeur et implora le Tout-Puissant de leur donner le cadeau de la maladie. D.ieu estima qu’il s’agissait d’une requête sensée à laquelle Il accéda. Yaakov comprit que l’homme doit avoir l’occasion de faire de l’ordre dans sa vie, de faire ses adieux aux membres de sa famille, de les bénir et de leur confier des responsabilités. Aussi douloureuse que la maladie puisse paraître, Il comprit également le bénéfice d’un enfant s’occupant d’un parent sur le point de s’embarquer pour sa dernière destination. Il comprit également l’importance de panser les blessures, de rectifier les torts et de cimenter les relations. De plus, un homme doit avoir l’occasion de faire la paix avec son Créateur, D.ieu tout-puissant, et de faire Téchouva.

Vous, ma chère amie, avez eu l’occasion de faire tout ça pour votre mère bien-aimée. Vous avez cimenté votre relation, l’avez enveloppée de votre amour, vous avez eu le privilège de rattraper les années difficiles et avez même conduit votre maman à faire Téchouva et à prier, ce qu’elle n’avait pas réussi à faire jusque-là compte tenu de la colère qu’elle avait ressentie suite à ses expériences dans les camps de la mort. Ecartez l’amertume, soyez reconnaissante à D.ieu pour Son incroyable bonté. Il vous a permis de faire un Tikoun, une réparation dans les derniers mois de la vie de votre maman. Alors, oui, Il a répondu à vos prières.

Pouvez-vous vous imaginer ce que vous auriez ressenti si un jour, vous aviez reçu un appel de la police vous informant de la mort de votre mère, retrouvée sans vie à son domicile ? Pouvez-vous imaginer la terrible culpabilité que vous auriez ressentie alors, si elle était décédée sans que vous ayez fait la paix avec elle ? Nous avons besoin de coups de semonce et D.ieu, dans Son infinie bonté, vous a envoyé le vôtre.

Sachez que D.ieu entend et exauce toutes les prières qui émanent du cœur. Il récolte chaque larme : vos larmes et vos prières se trouvent devant Son Trône Céleste, et attestent de la paix que vous avez faite avec votre mère. Alors, écartez la colère et remerciez D.ieu pour Ses nombreuses bontés.

Il est vrai que vous n’avez pas de famille, mais ne vous résignez pas à une vie de solitude. Si vous n’avez pas de famille biologique, tentez d’en acquérir une. Nos Sages nous recommandent de nous lier d’amitié avec un ‘Haver Tov, un bon ami.

De plus, ne renoncez pas au mariage. Il est vrai que ce n’est pas facile, mais des gens de tout âge se marient. Que vous vous mariiez ou non, de toute manière, faites l’effort de trouver des amis proches. N’attendez pas que les autres recherchent votre compagnie. Vous devez prendre l’initiative, faire l’effort et communiquer avec chaleur. D’innombrables célibataires se trouvent dans la même situation que vous et seraient heureuses de nouer avec vous une relation sincère et chaleureuse.

Je m’adresse maintenant à notre amie, dont la crise de foi provient de la vision de la souffrance d’enfants innocents.

Depuis des temps immémoriaux, cette question a constitué un défi pour l’homme. Moché lui-même, qui a parlé à D.ieu face à face, s’est interrogé sur la souffrance du juste et le bonheur apparent du mécréant.

Je citerais juste un passage de la réponse de D.ieu : « tu Me verras par derrière ; mais Ma face ne peut être vue. », à savoir que nous ne pouvons pas comprendre les événements qui se déroulent devant nous. Rétrospectivement - des années ou des siècles plus tard, et parfois, même pas dans ce monde, nous pouvons accéder à une lueur de compréhension. Tout ce que nous voyons n’est qu’une petite parcelle d’un tout.

Lorsque Yov a perdu sa famille, sa fortune, sa santé, il a également interrogé D.ieu, qui lui a répondu en le mettant au défi avec Sa propre question : « Efo Hayita - où étais-tu lorsque J’ai posé les fondations de la terre ? » D.ieu poursuit en posant de nombreuses questions de cette nature à Yov, auxquelles il n’a pas de réponses. Cette question de D.ieu s’adresse à nous tous, et tout comme Yov, nous sommes sans voix.

Ceci dit, nos ancêtres, qui ont vécu les difficultés de l’esclavage en Egypte, ne comprenaient pas le sens de leurs souffrances. Ils ignoraient que l’exil égyptien était un prélude au Sinaï, que nos commandements seraient liés au « souvenir de la sortie d’Egypte » : en effet, seule une nation délivrée de l’esclavage pouvait ressentir la douleur des opprimés. « Vous aimerez l’étranger, car vous avez été étrangers en terre d’Egypte. »

En outre, D.ieu nous invite à se joindre à Lui pour procéder à un Tikoun Olam, apporter la guérison au monde en créant des piliers de justice et de bonté. Nous n’étions pas présents lors de la Création du monde ; nous ne pouvons concevoir le but ultime de D.ieu, mais nous étions au Sinaï et nous sommes ici, dans le but de combattre les maux que vous évoquez. C’est à cet effet que nous devons exercer notre libre arbitre. Alors plutôt que d’accuser D.ieu, procédons à une introspection et déterminons pourquoi notre monde est devenu si corrompu et décadent, et comment nous pouvons agir pour faire un Tikoun.

Il existe également des réponses kabbalistiques à vos questions, autour des Guilgoulim, les transmigrations des âmes, mais au final, les pensées que je vous ai livrées ne sont pas irréfutables. Nous, les humains, n’avons aucune possibilité de saisir les intentions de D.ieu.

A côté de D.ieu, nous sommes de jeunes enfants. Comment pouvons-nous espérer comprendre ? Mais ayons confiance dans notre Père céleste au même titre qu’un jeune enfant croit en ses parents. Nous séparer de D.ieu serait suicidaire, car sans Lui, nous ne pouvons survivre.

Quant à votre commentaire : « Hachem a peut-être créé le monde, puis est parti », c’est le plus accablant, car si c’était vrai, vous n’auriez personne en Qui croire, personne vers Qui prier, et votre monde deviendrait une sombre grotte sans issue où seuls le mal et la mort résident.

Plutôt que de réduire D.ieu aux limites de votre esprit et votre cœur, élevez-vous en allumant la flamme de la Torah, en priant, en respectant les Mitsvot, et si vous suivez cette voie, je vous garantis que vous trouverez la Emouna que vous cherchez.