J’ai reçu récemment une lettre d’une ancienne élève, une jeune femme originaire d’Alabama, qui, lors de ses études à New York, avait découvert nos cours de Torah et était devenue Ba'al Téchouva. Dans ce sillage, elle avait passé un an à étudier dans un séminaire à Jérusalem. Elle y rencontra son mari, lui aussi un Ba'al Téchouva. Ils viennent tous deux de foyers assimilés, mais la famille de son mari est encore plus éloignée du mode de vie conforme à la Torah. Tous ses frères et sœurs ont contractés des mariages mixtes, malheureusement, avec l’aval de leurs parents.

Le jeune couple réside désormais en Floride où le mari fait son internat. Elle attend un bébé, et a récemment appris que l’enfant sera un garçon. Cette nouvelle a créé une grande joie, mais a également été la source d’un conflit. Son mari a exprimé le désir de nommer le bébé au nom de son grand-père, Jake - Ya'acov -, qui avait toujours été présent pour lui, et dont il était très proche. Sa belle-mère a également exprimé ce vœu et indiqué que c’était très important pour elle, car ce serait le premier garçon de la famille. 

La jeune femme a expliqué que comme ses propres grands-parents sont encore en vie, grâce à D.ieu, elle aurait été heureuse de nommer l’enfant au nom du grand-père de son mari, mais qu’il n’était pas le modèle idéal au nom duquel elle voulait nommer son bébé. Elle explique qu’elle a fait beaucoup de sacrifices dans le but de devenir une Juive de Torah, et ne voulait pas que son fils porte le nom de quelqu’un qui n’est pas dans son cas. Son mari, en revanche, argumente qu’il ressent le besoin de nommer son fils au nom de son grand-père, en expliquant qu’il ne s’agit que d’un nom et qu’elle fait beaucoup d’histoires pour rien. Elle se remémorait que j’avais parlé dans un de mes cours de l’importance des noms et me demandait de clarifier le sujet. Voici ma réponse :

"Ma chère amie,

Tout d’abord, je vous souhaite un immense Mazal Tov ! Puisse ce bébé devenir un merveilleux ajout au peuple juif et une source de Na’hat, de satisfaction juive pour vous et vos familles. Avant même de traiter du problème, je voudrais vous mettre en garde afin que cette grande occasion joyeuse ne soit pas entachée de conflit ni d’animosité. J’ai vu tant de disputes familiales alimentées par de tels problèmes, alors faites tous les efforts possibles pour éviter cet écueil et le résoudre harmonieusement.  

Vous avez raison, vous avez bien retenu la leçon. Je parle souvent de l’importance des noms juifs, à quel point nous devons les considérer ; cela signifie non seulement nommer nos enfants, mais aussi faire un usage approprié de ces noms. Trop souvent, les noms juifs sont placés sur un rayon dans une armoire, et  sont sortis et dépoussiérés lors d’occasions spéciales telles que des Bar Mitsvot, des mariages ou des enterrements. L’une des raisons pour lesquelles nos ancêtres ont mérité d’être libérés d’Egypte tient au fait qu’ils n’ont jamais changé leur nom juif : Réouven est resté Réouven et Chimon, Chimon. D’un autre côté, l’un des baromètres de l’assimilation est l’abandon des noms juifs. Nous relevons que dans l’Allemagne pré-nazie, un grand nombre de nos frères laïcs ont abandonné leur nom juif en faveur de noms allemands. Lorsque les lois de Nuremberg ont été promulguées en 1935, l’une des lois exigeait que tous les hommes juifs portent le nom d’Israël et que toutes les femmes juives portent le nom de Sarah, ajoutés à leurs noms laïcs. Quelle triste ironie…

Un grand nombre de gens ne réalisent pas le sens profond de leurs noms juifs. Malheureusement, c’est vrai même en Israël où des noms hébraïques antithétiques à la Torah sont devenus populaires. Récemment, des rabbins ont jugé bon de publier une liste de noms inappropriés tels qu’Omri (un roi biblique mécréant) et Nimrod, qui a vécu à l’époque du patriarche Avraham, le Hitler de sa génération.  

Dans le Livre de Bamidbar, Moché Rabbénou a effectué le recensement du peuple juif en les comptant par leurs noms. Lorsque nous nous rendons chez un Rav ou un Kabbaliste pour demander une Brakha, nous soumettons notre nom. En étudiant simplement le nom d’un individu, un Rav ou un vrai Mékoubal est en mesure de percevoir de nombreuses choses à son sujet, même la viabilité d’un futur Chidoukh.

Dans le Lachone Hakodèch, la langue sainte, un nom se dit « Chem », qui signifie littéralement « là » : en effet, dans le nom d’une personne se trouve son essence, sa mission. « Chem » est également la racine du terme Néchama - l’âme, et les deux lettres en début et en fin de mot, le Noun et le Hé forment les termes : Ner Hachem, les bougies de D.ieu, nous reliant au passage : « Ner Hachem Nichmat Adam - la bougie de D.ieu est l’âme d’un homme. » Nous sommes les bougies de Hachem par lesquelles Il illumine le monde et nos noms en font partie. Lorsqu’on nous appelle à la Torah, lorsque nous récitons une prière pour une Réfoua Chéléma, une guérison complète, cela se fait toujours par le biais de nos noms.

A chacun de nos noms juifs correspond un passage de la Torah qui nous relie à notre alliance divine. Le Chla Hakadoch nous a enseigné que c’est un grand mérite de réciter ce passage à la conclusion de la 'Amida. Ces versets commencent et s’achèvent par la première et dernière lettre de nos noms. Par exemple, mon nom est Esther : mon passage commence par un Alef et s’achève par un Rech, et est extrait du psaume 20. Ces passages figurent généralement dans les livres de prière. 

Après la mort, l’une des questions qui nous sera posée sera celle-ci : « Quel est ton nom juif ? » Je n’oublierai jamais l’enterrement de ma mère bien-aimée, la Rabbanite Miriam Jungreis, de mémoire bénie. Lorsque la ‘Hévra Kadicha fit descendre le cercueil dans la tombe, ils déclarèrent : « Fargess nisht dein nommen -n’oublie pas ton nom. » Nos noms ne sont pas de simples appellations, ils symbolisent notre mission dans la vie. Dans le Psaume 147, le Roi David nous enseigne que D.ieu compte les étoiles et leur assigne un nom, un but et une fonction.

Nous, les Juifs Ashkénazes, nommons nos enfants au nom de ceux qui nous ont quittés, et nos Sages nous enseignent qu’il y a un rapport indiscutable entre les enfants et ceux dont ils portent le nom.  Les Juifs séfarades nomment en revanche leurs enfants au nom des vivants, et pour eux, c’est une bénédiction. Lorsqu’un enfant est nommé, des forces célestes influent toujours sur cette décision, alors, avec l’aide de D.ieu, lorsque votre fils sera nommé lors de la circoncision, ce sera sur les conseils divins. 

Ceci dit, concentrons-nous sur votre problème précis. Votre mari a certainement du mérite de vouloir honorer son grand-père, et il est merveilleux d’avoir de si bons souvenirs de lui. D’un autre côté, vous avez également raison de ne pas vouloir nommer votre enfant au nom de quelqu’un qui ne respectait pas les commandements. Alors que faire ?

Il y a une solution facile au problème. Ya'acov est un nom saint et sacré, le nom de notre patriarche, alors concentrez-vous sur notre patriarche lors de la nomination et implorez Hachem de vous aider à élever votre fils dans la voie de Ya'acov Avinou pour qu’il devienne un « Ich Yochev Ohalim », un homme qui se consacre à l’étude de la Torah, et ceci conférera aussi de grands mérites à l’âme du grand-père de votre époux. De plus, assurez-vous d’appeler votre enfant par son nom juif, Ya'acov, plutôt que le nom laïc de Jake. Dans toutes les circonstances, nous devons toujours nous référer aux membres de notre famille et amis par leurs noms juifs, car c’est en soi une bénédiction.

A nouveau, je vous présente mes meilleurs vœux de Mazal Tov. Puissiez-vous élever votre fils dans la Torah, le conduire au mariage et l’initier aux bonnes actions."