Peu de temps après la création de mon association, je commençai à emmener un groupe en Israël chaque été. Des participants de tous milieux y prenaient part - laïcs pour la plupart.

Une année, une jeune femme sociable, Beth, avait participé au voyage, elle était très drôle et faisait rire tout le monde. Chaque jour, nous nous levions à l’aube pour visiter la ville, et, à minuit, nous allions au Kotel. Ce n’était pas si simple, sachant que nous étions tous épuisés. Mais personne ne se plaignait. En réalité, nos visites nocturnes du Mur devinrent le moment fort de notre voyage. Mais pourquoi à minuit ? Il y avait une tradition selon laquelle le roi David plaçait sa harpe sur sa terrasse, et, à minuit, alors que les vents de Jérusalem soufflaient, ils caressaient les cordes de la harpe et la harpe commençait à jouer, invitant le roi à rédiger ses psaumes immortels.

La harpe de David a peut-être disparu dans les sables du temps, mais les vents de Jérusalem continuent à souffler, et si vous savez vous concentrer, si vous savez écouter avec votre cœur, à minuit au Mur, vous pouvez encore entendre la douce mélodie de la harpe de David.

À cette heure magique, on peut rencontrer des habitués du Mur. Je pense qu’on peut les décrire comme les gardiens de ce lieu sacré. Parmi eux, un Juif Séfarade s’écria d’une voix mystérieuse et puissante : « Chéma’ Israël Hachem Elokénou Hachem E’had ». Il énonça chaque syllabe de chaque mot qui pénétra dans notre âme.

Il y avait également un vieil homme vêtu de blanc, assis sur le sol en pleurant, il faisait le deuil de notre saint Temple qui n’est plus. Ses cris ont percé nos cœurs et nous espérions que, sur les ailes de ses supplications, nos prières puissent aussi monter et atteindre le trône de D.ieu.

Beth avait sa propre manière de décrire nos visites nocturnes au Kotel. « C’est étrange, mais à New York, je faisais la fête presque chaque soir, et, le lendemain, j’avais un mauvais sentiment. Mais ici, après avoir passé la nuit au Mur, je sens un enthousiasme, une énergie spirituelle qui me permet de tenir toute la journée sans difficulté. »

Beth n’était pas seulement sociable, elle était également une amie des animaux. Un soir, alors que nous dînions dans un restaurant de Jérusalem en plein air, elle eut droit à une petite visite. Jérusalem abonde d’une multitude de chats errants, et si vous dînez dehors, vous êtes sûrs d’avoir la visite de l’un d’entre eux.

Il y a une variété d’opinions sur la raison de la venue de ces chats dans la ville sainte. Certains affirment qu’ils ont été importés par les Britanniques pendant le mandat pour combattre une épidémie de souris, tandis que d’autres soutiennent que les chats sont des réincarnations d’âmes qui ont été envoyées à Jérusalem pour se repentir de leurs fautes. Peu importe ce que vous souhaitez croire, le fait est que Jérusalem possède un très grand nombre de chats des rues.

Ce soir-là, alors que nous dînions en plein air, un petit chaton vint rendre visite à notre table. Beth en tomba immédiatement amoureuse. Elle lui donna à manger, le prit dans les bras, et décida de le ramener à notre hôtel. Mais alors que nous marchions sur le chemin du retour, le chaton sauta des bras de Beth et disparut dans l’obscurité. Beth était catastrophée. Elle se sentit coupable d’avoir extrait l’animal de son habitat naturel et craignit pour sa survie. Après tout, ce n’était qu’un chaton.

En l’honneur du Chabbath, notre groupe retourna au Kotel. Une multitude de gens y convergeaient, des Juifs de toutes les parties du monde parlant toutes sortes de langues et dialectes, chacun chantant ses propres mélodies, mais tous chantant la même chanson : « Lékha Dodi - Viens ma bien-aimée, accueillons la Reine du Chabbath ». Beth se hâta vers le mur et, parmi ses nombreuses prières, elle demanda le retour du chaton.

À l’issue des prières, nous prîmes le chemin du retour vers notre hôtel. Nous étions tous plongés dans nos pensées et submergés par l’extraordinaire beauté de Jérusalem. Après une demi-heure de marche, une fois arrivés à notre hôtel, une scène incroyable s’offrit à nous. Assis à l’entrée, se trouvait le chaton de Beth. Si nous ne l’avions pas vu de nos propres yeux, nous n’y aurions pas cru. Débordant de joie, Beth prit le chaton dans sa chambre et le nourrit.

De très bonne humeur, nous avançâmes vers la salle à manger de l’hôtel pour le dîner du Chabbath. J’invitai ma petite-fille de neuf ans qui, à ma grande joie, s’était associée à notre voyage, à nous livrer des pensées de Torah.

C’est une tradition ancestrale, à chaque repas de Chabbath, d’évoquer des perles de sagesse de la Paracha de la semaine. Au fil des ans, j’ai découvert que la section hebdomadaire nous illumine toujours sur les événements du monde, ou la situation malencontreuse dans laquelle on se trouve. Ma petite-fille trouva une allusion à l’histoire du chat de Beth dans la Paracha que nous lisions cette semaine-là : Deutéronome 11, 15 : « Je ferai croître l’herbe dans tes champs pour ton bétail et tu vivras dans l’abondance » ; nos Sages concluent de là que, puisque les animaux sont mentionnés en premier, il faut les nourrir d’abord, et nous, les humains, devons satisfaire notre appétit en seconde position.

« Cette Mitsva, poursuivit ma petite-fille, est si importante, que lorsque Noa’h entra dans l’arche, D.ieu le chargea de cette responsabilité. Une fois, alors que Noa’h était en retard dans la distribution de nourriture, le lion, furieux, le mordit, et cette blessure le laissa boiteux. » Avec un sourire adorable illuminant son visage, ma petite-fille conclut : « La dernière fois, au restaurant, Beth a nourri le chat avant de manger elle-même. Alors, vous voyez, tout se trouve dans la section hebdomadaire de la Torah ! »

« Ces propos ont fait de moi une croyante », affirma Beth, les larmes aux yeux. Notre groupe a ri de cette histoire, en le balayant comme une coïncidence, mais nous étions tous impressionnés.

Personne n’avait d’explication logique pour expliquer comment le chaton pouvait savoir dans quel hôtel nous résidions et comment il avait trouvé son chemin jusqu’à nous. Si toute personne qui lit ces lignes pense qu’il devait s’agir d’un autre chaton, Beth vous dira qu’elle reconnut immédiatement le félin et identifia tous ses signes distinctifs.

Si vous avez encore des doutes, réfléchissez au fait que ce fut cette nuit-là en particulier, à notre arrivée à l’hôtel, que le chaton attendit à l’entrée. J’ai souvent séjourné à cet hôtel, mais je n’ai jamais vu de chat pleurant à l’entrée.

Lorsque notre groupe quitta Israël, Beth resta quelques jours supplémentaires pour faire des papiers pour permettre à sa nouvelle amie de rentrer avec elle en Amérique. Le chaton de Jérusalem devint résident de New York.

Le chaton eut toutefois du mal à s’acclimater à son nouvel habitat, et Beth décida de le donner à l’un de nos membres de Hinéni, une psychologue. « Peut-être pourrez-vous l’aider à s’adapter », dit-elle à Karen, qui accepta volontiers de relever le défi.

Les années s’écoulèrent et j’oubliai l’histoire du chat. Il y a deux semaines, quelque chose me rappela le chat et je demandai à Karen comment il allait. Était-il toujours vivant ? Son visage s’illumina d’un grand sourire et elle me répondit : « Rabbanite, vous ne pouvez pas vous imaginer. C’est le plus vieux chat des environs, c’est un ange. Je vais vous envoyer une photo. »

Je partage cette photo avec vous pour que vous voyiez vous-mêmes le chat de Jérusalem. Mais je suis sûre que vous vous demandez ce qui m’a conduit à parler de lui.

Un chat - un simple chat qui n’a pas la faculté de penser ou d’évaluer - change de caractère, ne trouve pas le repos, est triste et en colère lorsqu’on le déracine de Jérusalem. Eh bien, si un chat né à Jérusalem ne pouvait supporter de quitter la vieille ville et se sentait malheureux et nerveux en terre étrangère, à plus forte raison est-ce le cas pour le peuple juif ! Nous avons été déracinés de notre terre et emmenés en terre étrangère et hostile il y a mille ans. Bien entendu, nous devons sentir la douleur de quitter Jérusalem. Comment est-il possible de l’oublier ?

Mais le chat finit par s’habituer à son nouvel habitat, il grossit et vécut dans le confort. Il apprit à aimer sa nouvelle vie et rester éloigné de Jérusalem ne le dérangea plus.

Se pourrait-il que nous, les fils et filles de Jérusalem, ne soyons pas très différents du chat ? Aujourd’hui, le chat est parfaitement intégré, heureux de sa délicieuse nourriture de chat et de sa vie gâtée. Jérusalem a depuis longtemps disparu de son esprit de chat.

Alors, qu’est-ce que cette histoire de chat nous raconte ? Que vous raconte-t-elle ? Réfléchissez-y.