Chère Rabbanite Jungreis,

Ma mère vit avec nous et a besoin de beaucoup d’attention, tout comme mes quatre enfants. Je suis sollicitée de toutes parts en même temps, et je ne sais pas vers où me tourner en premier. Tout ce stress a réellement affecté ma santé mentale et physique. J’ai des douleurs au dos et des troubles d’estomac, et je manque de la patience nécessaire pour être une bonne épouse et une mère dévouée.

Mon mari estime que la meilleure solution serait peut-être de placer ma mère en maison de retraite, mais cette idée me paraît très pénible. Je ne crois pas que j’aurais la conscience tranquille en choisissant cette voie.

Mes amies me disent que je suis stupide, que je dois apprendre à penser d’abord à moi, et ne pas permettre aux autres de profiter de moi. Il y a des fois où je suis tentée de suivre leurs conseils et de m’enfuir quelque part, de sauter dans un avion, et de partir dans une contrée lointaine pour tout oublier.


Réponse

Ma chère amie,

Beaucoup d’entre nous, lorsque nous traversons des difficultés, rêvons de nous envoler pour un pays lointain où nous pourrons oublier tous nos problèmes. Or, la réalité est toute autre, on ne peut pas s’échapper, car peu importe la hauteur ou la distance parcourue par l’avion, il devra finir par atterrir. En conséquence, plutôt que de faire appel à l’imagination, tentons de résoudre notre problème de manière constructive.

La plus grande joie donnée à vivre est de faire partie d’une famille aimante. Mais, comme c’est le cas pour tous les bienfaits, ce bonheur a un prix. Par exemple, si vous aimez quelqu’un et que cette personne souffre, vous ressentirez sa douleur, et si vous êtes incapable de soulager sa souffrance, votre angoisse sera encore plus intense. Je comprends donc votre agonie devant l’infirmité de votre mère et son incapacité à prendre soin d’elle-même, mais je ne comprends pas pourquoi vous devriez vivre un conflit entre les soins à lui accorder et ceux à accorder à vos enfants.

Honorer et vénérer sa mère ne relève pas de votre seule responsabilité, vous devez la partager avec votre mari et enfants - et les enfants ne sont jamais trop jeunes pour apprendre cette responsabilité. Honorer, aimer et s’occuper de mamie est leur privilège et ne doit jamais être considéré comme un fardeau. Non seulement devez-vous solliciter leur aide pour veiller attentivement aux besoins de votre mère, mais vous devez leur faire comprendre à quel point ils sont bénis d’avoir une mamie qui vit chez eux. C’est un Zekhout, un grand mérite de soulager la douleur d’une grand-mère, de la divertir par une histoire ou une chanson, et de la faire sourire.

L’une des femmes remarquables de l’histoire juive a été Séra’h, la fille d’Acher. Elle a vécu pendant plusieurs siècles, et, à l’époque du Roi David, était surnommée « Icha ‘Hakhama, la femme intelligente ». Pourquoi cet honneur insigne lui a-t-il été attribué ? Qu’avait-elle de si particulier ?

Elle réconfortait son grand-père - le patriarche Ya’acov, en lui chantant des chansons et lui glissant des mots de consolation et d’espoir - « Od Yossef ‘Haï - Joseph vit encore », chantait-elle constamment après que l’on eut montré à Ya’acov le manteau ensanglanté de Yossef. C’est pour avoir accompli cette grande Mitsva d’honorer et de réconforter son grand-père, qu’on lui a accordé cette incroyable longévité et sagesse.

Toutes les familles n’ont pas le mérite de s’occuper de grands-parents âgés, alors plutôt que d’avoir du ressentiment pour cette Mitsva, enseignez à vos enfants à l’embrasser avec amour. Bien après que votre mère sera rappelée par D.ieu, vos enfants se souviendront de ces années particulières lorsque grand-mère faisait partie de leur vie, et c’est un trésor que personne ne pourra jamais leur enlever. Le meilleur moyen d’inculquer cette notion aux enfants est l’exemple personnel. Si vous souhaitez que vos enfants ressentent la joie de la présence de leur grand-mère, vous et votre mari devez leur indiquer la voie. Par votre attitude, vous devez montrer que s’occuper de votre mère est un privilège auquel vous ne voudriez renoncer pour rien au monde.

Une fois vos enfants devenus des participants actifs de cette responsabilité familiale, leur ressentiment disparaîtra. Plutôt que de se sentir écartés, ils se sentiront honorés et voudront donner d’eux-mêmes, et, par ce don, ils deviendront meilleurs… Et un jour, lorsque vous et votre mari auront vieilli, vos enfants se souviendront de tout l’amour que vous avez donné à leur mamie, et, avec l’aide de D.ieu, à leur tour, ils reproduiront cette attitude pour vous.

Quant à vos amies, ne laissez pas leur avis vous importuner. Elles ne font que répéter le verbiage insensé en vogue de nos jours : « Pense à ton propre bonheur - ne laisse personne profiter de toi ». Est-ce qu’honorer ses parents peut-il être assimilé au fait d’être exploité ? Quel bonheur peut-on vivre lorsque notre mère souffre ? Vos amies imaginent-elles que vous êtes une machine dénuée de conscience qui peut tout simplement éliminer votre mère de votre cœur et esprit ?

Je ne veux pas minimiser le sacrifice qui est exigé de vous, mais nous sommes un peuple qui a vécu par ces sacrifices… des parents vivant pour leurs enfants, et les enfants, à leur tour, vivant pour leurs parents. C’est l’essence même de la vie : le don.

Au bout du compte : si vous inspirez votre famille à se joindre à vous pour honorer mamie, ce qui, à première vue, était source de conflit, cela agira comme catalyseur d’union pour les membres de votre foyer. Je peux vous l’assurer : mamie sera toujours inscrite dans les cœurs de vos enfants, un héritage d’amour authentique.