Comme vous le savez, je me suis fracturé la hanche il y a quelques mois, et j’aimerais vous livrer des points forts de mon séjour à l’hôpital. Je le fais en l’honneur des enseignements de mon révéré père qui restent pour toujours gravés dans mon cœur.

« Dès que tu vis des tests, ma chère enfant, disait-il, concentre-toi sur ses leçons et partage-les aux autres pour qu’ils puissent également s’en inspirer et les appliquer dans leurs propres épreuves de la vie ». C’est avec cette pensée à l’esprit que j’écris ces propos avec l’espoir qu’ils vont contribuer à améliorer l’approche aux nombreux défis auxquels notre génération fait face.

Chabbath

Je suis sortie de la salle d’opération juste à temps pour Chabbath. Mais comment accueillir le Chabbath lorsqu’on est allongé dans un lit d’hôpital ? Ma fille plaça une nappe blanche sur la table avec deux bougies fournies par les Loubavitch ainsi qu’un repas qu’ils offraient gentiment chaque jour. Nous allumâmes les bougies de Chabbath sur des ampoules électriques, mais cela paraissait étrange… L’atmosphère splendide de Chabbath me manquait douloureusement, ma famille assise autour de la table, leurs yeux brillant de la joie et la sainteté du jour, entonnant les mélodies éternelles de Chalom Alékhem, Bienvenue aux anges du Chabbath.

Depuis le jour où mon mari, le Rav Méchoulem Halévi Jungreis, s’est embarqué pour son dernier voyage, j’ai toujours passé mes Chabbathot avec mes enfants et petits-enfants. Je bénissais chacun d’entre eux, et, maintenant, j’aspirais à placer mes mains sur leur tête, à leur donner des Brakhot, des câlins et des baisers comme j’en ai l’habitude chaque Chabbath. Je les vis dans mon esprit et leur murmurai mes bénédictions. Je savais qu’ils les entendaient et me bénissaient en retour. J’exprimai ma gratitude au D.ieu Unique qui m’a permis de sortir de l’opération sans difficulté et fis un engagement silencieux de Le servir plus qu’avant. L’hôpital dans lequel je me trouvais n’était pas familier d’une clientèle juive. Je fis le Kiddouch. Lorsque des infirmières entrèrent dans la chambre, elles se demandèrent en quoi consistaient notre table et nos cérémonies. Je leur expliquai que le peuple juif, notre passé, notre présent et notre futur se réunissent. Ils ne forment qu’un ensemble, tous entremêlés. Les deux petites ‘Halot sur la table sont des rappels de la double portion de la manne douce par laquelle D.ieu nous a bénis lorsque nous avons effectué notre long périple de quarante ans dans le désert en chemin vers la Terre promise. Alors que nous récoltions de la manne chaque jour pour nous nourrir uniquement ce jour-là, le vendredi, nous recevions une double portion en l’honneur du Chabbath afin que nous sachions pour toujours que le Chabbath, lorsque nous avons reçu l’ordre de nous abstenir de tout travail, nous ne devons pas nous faire de souci, car D.ieu va satisfaire à tous nos besoins. La nappe blanche et le napperon recouvrant les ‘Halot sont un rappel de la rosée Divine qui faisait un sandwich avec la manne et conservait sa fraîcheur. « Alors vous voyez, expliquai-je, notre passé n’est pas un simple souvenir. Il nous parle aujourd’hui avec la même urgence que hier, nous enjoignant de ne pas avoir peur, il nous suffit de placer notre confiance en Lui, le Seul et Unique. » Je continuai à expliquer que le monde n’est pas le fruit du hasard… D.ieu l’a créé avec un but élevé. Pendant six jours, Il a travaillé et le septième jour, Il s’est reposé pour que nous puissions également nous reposer, découvrir notre héritage et nous rapprocher de Lui.

Pour l’illustrer, je relatai une allégorie.

« Un jour, un homme aisé possédait un sac de pierres précieuses. Un mendiant s’approcha et l’implora : "Pourriez-vous vous séparer de l’un de vos bijoux ?"

"Mon cher fils, répondit le riche, je suis heureux de t’offrir ce dont tu as besoin. En réalité, tu peux prendre autant de bijoux que tu le souhaites, mais assure-toi d’en laisser un pour moi."

Enchanté, le mendiant se remplit les poches et reprit son chemin. Après son départ, l’homme riche ouvrit son sac, et se désola de le trouver vide. Le mendiant avait tout pris !

L’homme riche est le symbole du D.ieu Tout-Puissant qui a créé le monde et a donné à l’humanité six jours pour travailler et assurer ses besoins, mais le septième jour Il l’a réservé pour Lui-même pour que nous puissions entendre la voix silencieuse de notre âme. Nous sanctifions le Chabbath en entonnant des chants de louange, en Le bénissant et en exprimant notre gratitude.

Le septième jour, non seulement nous abstenons-nous de travail actif, mais nous nous séparons de tous les rappels du monde matériel : l’ordinateur est réduit au silence, de même pour le téléphone, la voiture, la télévision, alors que nos âmes s’élèvent et sont rechargées par l’énergie magique issue des Cieux. »

Des larmes perlèrent aux yeux des infirmières. « Comme c’est beau », déclarèrent-elles. Leur réponse me revigora. Je commençai à me sentir moi-même, capable de donner, d’enseigner, et de faire ma petite part en sanctifiant Son Nom saint. Plus qu’auparavant, les propos de nos Sages résonnèrent dans mon cœur et mon esprit : « Lorsque vous donnez, vous vous enrichissez et plus vous donnez, plus vous aurez à donner ».

J’ai assisté à un exemple vivant de ce principe lorsque mes propres parents bien-aimés ainsi que mon mari ont été frappés de maladies dévastatrices. Peu importe l’horaire de ma visite, jour ou nuit, mon père, ainsi que mon mari, étaient toujours occupés à aider les autres. Vous vous demandez peut-être ce qu’ils pouvaient faire depuis leur lit d’hôpital, mais lorsque votre cœur est empli de ‘Hessed comme le leur, il n’y a pas de maladie, pas de lit qui peut vous limiter. Mon père demandait aux infirmières de l’emmener rendre visite à d’autres patients. Lorsqu’il ne pouvait plus sortir de son lit, il m’envoyait pour communiquer sa Brakha, des mots gentils, des encouragements et des forces aux autres malades.

Je me souviens parfaitement d’une infirmière qui s’occupait de mon père. Mon père discerna de la douleur dans ses yeux. Il ressentit son fardeau, il s’adressa à elle pour l’aider. Bien que cette infirmière s’occupât des besoins physiques de mon père, mon père l’apaisa et mit du baume sur ses blessures spirituelles.

Après que mon cher époux eut subi deux interventions à Sloan Kettering, son chirurgien m’avertit qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps à vivre. « Vous pouvez aller dans la salle de réveil, me dit-il sur un ton détaché, mais ne restez que quelques minutes. Il souffre beaucoup. » Luttant pour retenir mes larmes, je m’approchai de son lit. Je pris sa main et murmurai : « J’ai parlé au médecin… Baroukh Hachem, avec l’aide de D.ieu, tout ira bien. » Mon mari me regarda et répondit : « Parlons Emet, parlons vrai. Tu vois ce jeune homme là-bas, me dit-il en m’indiquant du doigt un médecin, c’est un bon garçon juif. Trouve-lui un Chiddoukh. »

J’avais du mal à croire ce que j’entendais. J’avais envie de pleurer et de rire en même temps, puis je compris. Mon époux, qui était un Tsaddik, savait que ses jours sur terre étaient comptés, alors il cherchait une Mitsva supplémentaire dans cette salle de réveil, une Mitsva de plus qu’il pouvait accomplir avant qu’Hachem ne le rappelle à Lui.

Baroukh Hachem, ma situation était totalement différente. Grâce à D.ieu, je ne souffrais pas de maladie dévastatrice. Je m’étais cassée la hanche. Mes douleurs étaient terribles, mais, grâce à D.ieu, ma vie n’était pas en danger. Néanmoins, les leçons transmises par mes révérés père et mari ne m’ont jamais quittée. Ils s’étaient exprimés clairement : « Peu importe où la vie vous emmène, peu importe ce qui vous arrive, n’oubliez jamais que vous êtes Juif, chargé de la mission de tendre la main aux autres, de jouer votre rôle et d’aider les autres, et de tenter toujours de sanctifier le Nom de D.ieu et de faire honneur à Son Nom. »