Ce matin-là, deux jeunes gens, vêtus de costumes et de cravates en soie bleue, reçoivent leur badge. Ils le portent pour la première fois de leur vie avec fierté. Sur le badge de l’un, il est écrit : « Limite : employé de banque » et sur l’autre : « Infini : employé de banque. »

Ils ont de nombreux points communs : de même rang social, doués, avec un charisme à toute épreuve et une volonté farouche de réussir.

La banque a placé tous ses espoirs sur ces deux hommes prometteurs.

Cinq ans plus tard, tous sont témoins de l’écart qui s’est creusé et qui ne fait que s’agrandir.

Mr « Limite » est devenu le directeur de la banque et Mr « Infini » n’a gravi aucun échelon. Il est toujours assis sur sa chaise d’employé et rumine sur son mauvais sort.

Ne s’agit-il que de malchance ?

En fait, d’autres raisons expliquent cette situation…

Un matin à la banque :

Dans quelques minutes, les portes de la banque vont s’ouvrir. Mr « Limite » est là, prêt à travailler. Il fait quelques pas, ôte la poussière de son bureau et affiche sur son visage un sourire gracieux, préparé depuis la veille.

Mr « Infini » arrive dix minutes en retard. Finalement, il ouvre son comptoir devant lequel une longue queue l’attend déjà.

Il pousse une pile de documents dans son tiroir plein à craquer et passe son autre main sur ses yeux dans l’espoir de chasser les restes de sommeil de la nuit précédente.

La pause de midi :

Mr « Limite » finit sa tasse de café et se dirige dans la salle de service pour se brosser les dents et retourner à son poste.

Mr « Infini » continue à déguster son sandwich et se lève pour se préparer un café. « Nous venons juste de commencer la pause et il faut déjà retourner au travail, je n’ai le temps de rien faire » grogne-t-il, bougon.

Le directeur en colère :

Mr « Limite » reçoit une remarque cinglante sur une tâche qui n’a pas été effectuée, alors qu’il n’était même pas au courant. Il baisse la tête en signe de soumission, murmure quelques mots d’excuse et se précipite pour exécuter les ordres.

Mr « Infini » est offusqué. Il vire au cramoisi. « Personne ne m’a jamais dit de faire ce que le directeur demande. Il a dû se disputer avec sa femme et nous payons les pots cassés », murmure-t-il dans sa barbe, mais assez fort pour arriver dans les moins bonnes oreilles…

Le téléphone portable se met à sonner :

Mr « Limite » s’aperçoit qu’il s’agit d’un appel provenant de la maison. Il décroche et dit succinctement : « C’est urgent ? Nous discuterons plus tard, je suis au travail ! »

Mr « Infini » décroche et lance un « Bonjour ! » chaleureux et tonitruant. Pendant les dix minutes qui suivent, il est tout entier à sa conversation avec son meilleur ami.

Le client attend impatiemment et passe à l’autre comptoir, fort en colère.

Est-ce un manque de politesse, un manque de bonnes manières ?

Non… « Un manque d’éducation et un manque de limites ? »

Vingt ans auparavant les personnalités de Mr « Limite » et de Mr « Infini » se sont dessinées alors qu’ils n’étaient que des enfants insouciants, sautant gaiement dans les flaques d’eau et convoitant toutes sortes de friandises.

Derrière chacun d’eux se tenait une maman avec ses aspirations et ses espoirs.

La mère de Mr « Limite » avait une liste de principes auxquels elle ne dérogeait jamais et la mère de Mr « Infini » l’éduquait au gré du vent.

La maman inflexible a fixé des limites et a permis à son enfant de devenir directeur alors que la maman souple a entraîné son fils à agir au gré de sa fantaisie et à végéter !
 

Le monde environnant est parfaitement ordonné

La Terre suit un parcours fixe, les vagues ne dépassent pas la limite du sable, le jour et la nuit, les années et les mois ont un cycle immuable.

Les cellules sont ordonnancées dans le corps et chacune d’elles a une fonction extraordinaire, même les atomes ont été créés avec une précision incroyable.

L’homme doit s’intégrer à ce système de vie et s’y conformer.

Il doit se lever chaque matin pour travailler ou étudier, manger et dormir comme il se doit. Il est obligé d’avoir des limites. C’est en se pliant à des contraintes qu’il réussira !

Le Midrach demande : « Quand le Yétser Hara pénètre-t-il le cœur de l’homme, au moment de sa conception ou quand il sort du ventre de sa mère ? »

Il répond : « A partir du moment où il naît, car si le Yétser Hara était en lui avant, il donnerait un coup de pied à sa mère et sortirait. »

L’essence du mal qui existe dans le monde vient du désir d’outrepasser les limites autorisées et de rejeter toute contrainte, même si cela conduit à la mort.

Le rôle éducatif des parents est de donner à leurs enfants de bonnes habitudes, en leur fixant des barrières. Le meilleur moyen d’y arriver est d’être un exemple vivant.

Un enfant qui n’a pas été habitué à respecter les exigences de ses parents et qui a toujours reçu ce qui lui traversait l’esprit, a été éduqué à une vie sans limites.

Un enfant qui n’a jamais été grondé par son père et qui n’a jamais essuyé un « non » radical de ses parents grandit avec un sérieux manque dans sa personnalité.

Yohann est le petit dernier de la famille et est excessivement gâté. Il arrive toujours en retard et sa mère l’excuse avec beaucoup trop d’indulgence.

Chaque fois, il se rend à l’école avec un mot rédigé par elle expliquant les circonstances de son retard : mariage d’un frère, fiançailles, Bar Mitsva et d’autres fêtes familiales qui l’ont contraint à dormir tard.

Parfois, il s’agit juste d’une visite qui s’est éternisée et qui l’a conduit au même point.

Ce n’est que lorsqu’il eut quatorze ans que ses parents s’aperçurent qu’il était le premier perdant dans toute cette histoire.

Ils avouèrent que leur enfant était devenu un élève moyen, car il n’avait pas acquis l’habitude de se coucher et de se lever à temps.

« Nous avons décidé d’opérer un changement pour lui ancrer une bonne hygiène de vie. »

« Ce ne fut pas une période facile, ni pour Yohann ni pour nous. Nous voulions à maintes reprises abandonner, mais nous n’avons pas cédé. »

« Aujourd’hui, je bénis cette période et je sais que mon fils a reçu de moi un cadeau extraordinaire ! » Confie sa mère à qui veut l’entendre.

Une vie avec des limites ne conduit pas simplement à la réussite, mais aussi au bonheur !