Il y a tant de tragédies, tant d’imposture dans le monde, que les gens ne savent plus faire la distinction entre le Emet, la vérité, et le mensonge flagrant. Nous, les Juifs, souffrons de ce fléau plus que les autres. Israël est constamment attaqué et diabolisé par un monde devenu de plus en plus antisémite, un monde qui, secrètement - que D.ieu nous en préserve -, se féliciterait de voir une autre Shoah se produire.

Il faudrait être aveugle pour ne pas voir l’impudence avec laquelle l’antisémitisme a augmenté parmi les peuples, et ce méprisable état de fait règne également chez nous, aux États-Unis. De Jimmy Carter à Mel Gibson, d’Helen Thomas à Oliver Stone, qui se sont exprimés en faveur de la politique d’Hitler et ont condamné les Juifs qui contrôlent Washington, l’antisémitisme injurieux se poursuit sans relâche.

Oh oui, tous ces gens se sont rapidement excusés, mais leurs excuses sont des mots vides, dénués de valeur, le haïsseur de Juif d’aujourd’hui injecte son venin et se cache ensuite derrière ces paroles hypocrites : « Je suis désolé… Je m’excuse… Je me suis mal exprimé… ». Et, par ces explications ineptes, la communauté juive est apaisée. Mais retenons ceci : la situation est devenue telle que ces semeurs de haine se sentent à l’aise pour exprimer leurs propos incendiaires.

Or, c’est une chose lorsque nous, le peuple juif, devons gérer toutes ces forces sataniques extérieures, mais c’est tout autre chose lorsque l’extermination vient de l’intérieur. Il y a longtemps, nos prophètes ont proclamé : « Votre destruction viendra de l’intérieur de vos rangs… ».

Le patriarche Jacob, dont les tribulations annoncent notre propre exil, a imploré D.ieu : « Sauve-moi des mains de mon frère, des mains d’Esaü… » (Genèse 32 :12). Nos Sages commentent l’apparente redondance de ce passage. Après tout, Jacob n’avait qu’un frère, c’était Essav. Il va de soi que le terme « frère » se réfère à lui. Alors pourquoi cette répétition ?

Mais la Torah nous communique une leçon profonde et vitale, pour nous aider à survivre aux dangers qui nous guettent en exil. Parfois, ce sont les mains pleines de sang d’Essav qui auront la mainmise sur nous, et hélas, il nous sera trop facile de l’identifier. Mais parfois, le massacre sera plus insidieux. Essav apparaîtra sous forme d’un frère qui tend la main de l’amitié, de l’amour et du mariage. Et cela sonnera le glas de l’ultime destruction par laquelle, que D.ieu préserve, des familles entières disparaîtront en silence.

Il y a quelques années, mon mari, Rav Méchoulam Halévi Jungreis, avait été appelé par la chapelle funéraire locale pour officier aux funérailles d’une vieille dame juive. Dans son grand âge, cette femme s’était installée en Floride, mais le lot familial était situé dans un cimetière du Queens, et sa famille avait rapatrié son corps pour l’enterrement. Puisqu’il n’y avait pas de rabbin de famille pour officier, mon mari avait été appelé par la chapelle.

A son retour à la maison, mon mari s’effondra en pleurs. J’étais perdue, je ne comprenais pas son immense chagrin. Après tout, cette femme avait largement dépassé les 90 ans, elle avait vécu bien longtemps, et mon mari ne l’avait jamais rencontrée. Pourquoi cette réaction extrême, me demandai-je ? Lorsque je lui demandai une explication, il me répondit qu’elle avait laissé trois fils, et les femmes de tous les trois portaient des petites croix autour du cou… Les petits-enfants étaient, bien entendu, non-Juifs.

« Aujourd’hui, me dit mon mari, la voix brisée, j’ai enterré la dernière Juive de cette famille. Des milliers d’années de Torah et de splendeur, des milliers d’années de sacrifices et de martyr sont arrivées à terme pour cette famille, avec la mort de cette vieille femme. N’est-ce pas une raison pour pleurer ? », me demanda mon mari. Sa question resta en suspens. On ne pouvait donner aucune réponse.

Cet épisode s’est déroulé il y a de nombreuses années. A cette époque, il y avait encore des individus capables de verser des larmes à la pensée d’une famille juive disparaissant silencieusement dans le « melting-pot » des mariages mixtes. Aujourd’hui, de tels événements sont si courants que personne ne les remarque. De plus, dans de nombreux cercles juifs, on se réjouit même. « Tant que mes enfants sont heureux, c’est tout ce qui compte », se justifient les parents. Avec 50 à 90% de mariages mixtes, selon les communautés, le peuple juif fait une « hémorragie silencieuse », et, plus souvent, ces événements sont accueillis par des cris de joie, « Mazal tov ! ».

Un cas récent a été le mariage de Chelsea Clinton avec Mark Mezvinsky, un jeune homme juif. J’ai entendu certains Juifs réagir avec enthousiasme et euphorie à ce mariage mixte, présidé par un rabbin réformé et un ministre chrétien.

« N’est-ce pas merveilleux, s’exclamèrent-ils, parmi toutes les nouvelles tragiques dans le monde, nous pouvons célébrer un tel événement joyeux ! Mazal Tov ! C’est encore une preuve que tous ces discours sur l’antisémitisme sont fortement exagérés ! »

Certains parmi nous sont très éloignés de la religion, et ils n’appréhendent même pas l’étendue de la tragédie juive. Que ce soit Chelsea Clinton épousant Mark Mezvinsky, ou Caroline Kennedy scellant ses vœux de mariage avec Edwin Schlossberg, cela ne diminue en rien la douloureuse réalité d’une autre famille juive disparaissant en silence. Le fait que la masse ne voit pas les choses sous cet angle, qu’elle ne saisisse pas la perte, accentue notre peine et atteste de la débâcle spirituelle de notre peuple.

Hélas, il est devenu trop facile pour une partie des Juifs d’aujourd’hui de renoncer à leur foi, car ils ne savent pas ce qu’ils abandonnent. Ils appartiennent à une génération orpheline qui vit sans mémoire, sans passé.

Les larmes de mon mari n’étaient pas seulement versées pour cette mère juive âgée, mais pour tous les pères et mères qui sont devenus les derniers de leur arbre généalogique. Non seulement personne n’est là pour retenir leur nom, mais personne n’est là pour prononcer le Kaddich pour eux. Pensez à cette tragédie, et vous vous mettrez également à pleurer.