La semaine dernière, j’ai reçu une lettre décrivant un exemple tragique de désintégration familiale. Ce qui aurait pu être une belle famille a été déchiré par un fils et sa femme qui ont décidé de couper tous les liens avec leurs frères et sœurs. En dépit de tous les efforts déployés par les parents et les frères et sœurs, ce fils-là et son épouse sont restés intransigeants et ont refusé de se réconcilier.

Au moment des Sma’hot (réjouissances), naissances, Bar-Mitsvot, ou mariages, les parents étaient invités, mais jamais les frères et sœurs. Et le comble, les parents étaient traités de façon irrespectueuse en toutes ces occasions.

Au fil des ans, le schisme s’agrandit… le fossé s’élargit, les cousins ne se connaissaient pas, et la dispute familiale, que personne ne savait vraiment expliquer, s’amplifia et empoisonna l’atmosphère. Le problème immédiat, à l’origine de cette lettre, était une future fête de famille à laquelle, comme d’habitude, les parents étaient invités, mais pas le reste de la famille. Les questions présentées par les grands-parents étaient les suivantes : 1) Devaient-ils y participer, ou devaient-ils, une fois pour toutes, mettre fin à cette situation lamentable et refuser d’y participer ? 2) Devaient-ils annoncer qu’ils ne pouvaient pas venir, ou devaient-ils trouver un prétexte… se trouver à l’étranger, etc., etc.

Voici ma réponse :

Mes chers amis,

Ce n’est peut-être pas une coïncidence d’avoir reçu votre lettre en ce moment, la période la plus catastrophique de notre longue et douloureuse histoire. Alors que nous nous remémorons la destruction tragique de notre Saint Temple, Jérusalem rasé et notre peuple enchaîné et conduit dans l’obscurité dense de l’exil, nous devons nous demander : « Pourquoi un tel sort nous a-t-il été réservé ? ».

La réponse est bien connue : la Sinat ‘Hinam - la haine gratuite entre Juifs. C’est cette haine qui est à l’origine de cette horrible calamité, et cette haine qui continue aussi à nous consumer jusqu’à aujourd’hui. Mais tout en le sachant, nous devons intégrer cette simple vérité et l’appliquer à notre propre vie. Malheureusement, nous sommes devenus si conditionnés et si habitués à ce venin, que nous ne savons plus comment l’identifier. Nous le considérons comme « normal » plutôt qu’abominable. Il ne nous vient même pas à l’esprit que nous devons l’extirper de nos esprits et cœurs.

Notre premier Temple a été détruit en raison de ces trois fautes cardinales : le culte des idoles, le meurtre et l’adultère, mais après soixante-dix ans d’exil babylonien, le Tout-Puissant nous a pardonnés et nous a fait revenir en terre sainte. Notre présent exil dure cependant depuis presque 2000 ans, et nous attendons d’être sauvés ; nous devons encore nous libérer des entraves qui nous maintiennent enchaînés dans la jalousie, l’animosité et la haine. En Israël, ainsi que dans tous les pays où nous sommes dispersés, ce germe continue à se développer et à nous infecter de son venin mortel.

Je n’oublierai jamais les propos de mon révéré père, le Rav, Gaon et Tsaddik Avraham Halévi Jungreis zatsal, après notre libération de Bergen Belsen. Des larmes coulant le long de son visage saint, il déclara en Yiddish : « Noch azoy ah Churbon men darf kushen un lieb huben yeden Yid... Après cet embrasement cataclysmique, nous devons embrasser et enlacer chaque Juif avec amour ».

Chaque soir de Kol Nidré, avant de commencer les saintes prières, mon père pleurait et implorait pour les parents et enfants, frères et sœurs pour qu’ils se réconcilient et vivent en paix.

Hélas, cela ne s’est pas produit, même l’horreur satanique de la Shoah n’a pas réussi à nous extirper de notre torpeur. Alors la question demeure : que faire ? Comment pouvez-vous, parents/grands-parents réagir à cette situation répugnante qui ronge la structure même de notre famille ?

Avant d’évoquer votre dilemme, je dois vous avouer que je ressens douloureusement votre peine et j’entends vos cris. Rien de plus agonisant pour des parents que de voir des murs de haine séparer leurs enfants. Puisse Hachem avoir pitié de nous tous.

Ceux d’entre vous qui ont lu mes articles ou m’ont consultée pour des problèmes personnels, peuvent attester que je n’essaie pas de présenter mon opinion personnelle, mais tente de trouver un exemple de la Torah pour être guidée. Vous me demandez si vous devez assister à la prochaine fête et souffrir en silence comme vous l’avez fait dans le passé, ou si vous devez une fois pour toutes mettre le holà et refuser de participer.

Avons-nous un exemple qui pourrait éclairer votre dilemme ? La réponse est tragiquement oui. Comme votre fils et son épouse refusent de permettre à leurs frères et sœurs de venir à leur fête de famille, cela a été le cas à l’époque du second Temple dans l’histoire honteuse de Kamtsa et Bar Kamtsa, dans laquelle un Juif a expulsé un autre Juif de sa fête à Jérusalem. Notre Père céleste, le Père de chacun d’entre nous, le Père qui aime tous Ses enfants, dont le désir est de voir Tous ses fils et filles vivre en harmonie, assis autour de la même table, n’admet pas l’acrimonie et la haine parmi Ses enfants. En dépit de l’observance méticuleuse de cette génération, leur adhésion à la Torah et aux Mitsvot, la furie de notre Père s’est enflammée et Il a brûlé Sa maison et toute la ville, et nous a condamnés à l’exil.

Depuis toujours, nous trouvons des exemples dans nos saints ouvrages, dans lesquels Hachem montre Son horreur pour cette division haineuse entre Juifs. Mais, malgré tout, nous refusons obstinément de comprendre. Peu importe la douleur ou les souffrances que nous subissons, nous continuons tragiquement sur notre voie suicidaire.

La réponse à votre question est évidente. Vous, en tant que parents, ne pouvez être complices de cette abomination. Nous avons un enseignement : « Qui ne dit mot consent ». Vous ne pouvez imiter ceux qui restèrent silencieux dans la controverse de Kamtsa Bar Kamtsa. Vous devez lever la voix et parler. Mais faites attention de ne pas le faire avec rancœur, abus ou insulte. Le dénigrement ne peut qu’engendrer un dénigrement futur. Alors, aussi difficile que ce soit, ne vous laissez pas provoquer et faites tous les efforts possible pour vous exprimer avec patience et gentillesse. Mais n’oubliez pas que vous ne pouvez faire de compromis ; vous ne pouvez tolérer de haine entre vos enfants. Cette malédiction tragique empoisonne votre famille et elle doit cesser. Si votre fils et son épouse refusent d’entendre raison, ne renoncez pas ! Tentez de leur parler plusieurs fois. Tentez de rallier à votre cause une troisième partie, même si je sais que vous l’avez fait dans le passé et que cela a été un échec. Frappez à toutes les portes, mais ne faites pas de compromis sur votre demande de renoncer à la haine.

Parlez vrai. Mais, comme je l’ai dit plus tôt, soyez attentifs à communiquer de manière chaleureuse et aimante. L’idée que vous devez avoir à l’esprit, c’est votre tristesse, mais non votre colère.

A ce stade, vous souriez peut-être amèrement et vous vous dites : « Cela ne marchera pas ». Il n’y a bien entendu aucune garantie, mais je peux vous dire que j’avais un grand-grand-oncle qui était un sage révéré, et il conseilla un jour un homme obstiné qui refusait de faire la paix. Il déversa son cœur devant lui, mais sans succès.

Certains de ses ‘Hassidim lui demandèrent : « Pourquoi le Rebbe a-t-il dépensé son énergie et son temps précieux pour cette personne détestable ? ». Ce à quoi le Rebbe, mon oncle, a répondu : « Il n’écoute peut-être pas aujourd’hui… peut-être pas demain, ou même le jour suivant, mais finalement il retiendra mes propos. Nous avons un enseignement : "Dévarim Chéyotsim Mine Halèv… Des propos qui sortent du cœur doivent pénétrer dans le cœur de l’autre". »

Puissions-nous assister à la réalisation de la prophétie de Malakhi annonçant la venue du prophète Elie qui unira les cœurs des parents et des enfants, rapidement et de nos jours.