Les notions de jeunesse et de vieillesse sont tout a fait relatives. Toute tentative de définir ces termes sont caduques a priori. Cette relativité se retrouve également selon les époques et selon les sociétés. On est toujours plus vieux que certains et on est plus jeunes que d’autres.

Essayons malgré tout de définir la jeunesse et la vieillesse. L’aspect le plus certain de cette définition repose sur l’aspect biologique. Tout au long de la vie des transformations physiologiques, anatomiques vont s’exercer sur l’individu vers une réduction progressive de ses capacités. Au delà de réfléchir sur l’aspect social, de la place des vieux dans notre société, l’aspect psychologique de ces relations, l’apport de ces échanges.

Etre vieux, selon la tradition juive, est une position privilégiée. Le jeune se doit de le respecter, se lever en sa présence, de l’aider si besoin, lui céder sa place, etc.… Il est vrai que de nos jours, la priorité de l’individu est de s’accomplir, de réussir sa vie, de développer son Ego, son Moi, quitte à écraser tout ce qui peut faire obstacle à cette réussite. Il est utile de rappeler cette phrase de ce célèbre personnage de la publicité qui a défini la réussite de cette manière «Celui qui n ’a pas de Rolex à 50 ans a raté sa vie ». Cela n’est pas une boutade mais une triste réalité que la réussite se juge de nos jours aux biens accumulés plutôt qu’au bien que l’on peut faire autour de soi. Cette course à la réussite matérielle sacrifie tout ce qui peut l’en empêcher ou même seulement la retarder. Malheureusement les vieux peuvent faire partie de ces obstacles dès que leurs forces physiques diminuent et qu’ils ont besoin de l’aide de plus jeunes.

Pour apporter cette aide il faut de toute évidence sacrifier un peu de son temps de ses loisirs. Cette disponibilité devient alors difficile à trouver.

Dans notre société il existe un véritable culte de la jeunesse, l’individu refuse de vieillir. Tout est bon pour cela, de la chirurgie esthétique à l’utilisation de toutes les techniques qui peuvent donner cette illusion. Ce qui fait le bonheur de tous les charlatans qui promettent le rajeunissement et les élixirs de jeunesse à prix fort.

Les vieux, dans ce contexte, sont à éviter parce qu’ils représentent une charge supplémentaire, on préfère les mettre dans des maisons de retraite pour que d’autres se charge de s’occuper d ’eux, même si cela revient très cher. Il me semble exister une autre raison aussi importante, c’est que le

vieux nous renvoi la terrible réalité que cela nous concerne également mais que nous préférons pour l’instant ignorer.

Redonner la place aux vieux c’est enrichir notre société. Certains dirigeants politiques découvrent que les vieux sont très utiles en particuliers dans les entreprises. Cette utilité soudaine vient du

fait qu’on s’est aperçu que ces anciens ont emmagasiné beaucoup de savoir qu ’ils peuvent restituer aux plus jeunes qu’eux, et que malgré la réduction d’autres capacités ils ont su les compenser par leur grande expérience.

On découvre depuis quelques temps l’importance du transgénérationnel ou la place de chacun dans les générations et de l’enrichissement mutuel que chaque tranche d’âge peut apporter à une autre tranche d’âge.

La notion de retraite si bien défendue en France au delà de ses aspects positifs à un effet gravement pervers, celui d’écarter de la société tous ces individus qui n’ont plus aucun rôle social sauf pour une minorité capable de s’investir dans une autre activité qu ’elle soit sociale, associative ou politique. La vieillesse atteint très rapidement ces retraités qui, de repli en repli, perdent toute relation sociale, ils se trouvent acculés à l’isolement, leur seul lien avec l’extérieur reste la télé avec ses émissions souvent affligeantes de pauvreté intellectuelle ce qui aggrave encore plus les capacités cognitives de ces personnes.

Les recherches récentes sur le cerveau ont montré que malgré le vieillissement des cellules cérébrales et l’atteinte des différentes capacités sensorielles de l’individu, le cerveau possède la capacité à s’adapter et à se transformer en fonction de l’environnement. Le cerveau est encore capable de recréer des connexions neuronales pour faire passer les informations importantes. Par ailleurs, l’expérience acquise durant toutes ces années permet de compenser ces déficiences débutantes par des stratégies de cognition propres à chacun.

Il est évident que pour faciliter ces capacités cérébrales il est indispensable de stimuler de façon permanente l’activité psychique aussi bien au niveau cognitif qu’au niveau affectif. Cette capacité à bien vieillir maintiendra la place du vieux au sein de sa famille et de la société.

L’étude de la Torah reste un support essentiel pour maintenir un bon niveau d’activité intellectuelle.

L’expérience des grands sages de la Torah est là pour en témoigner. Pour citer les plus récents, le Rav Eliachiv (Zatsal) à 97 ans, le Rav Shah (Zatsal) à 102 ans avaient toutes leurs capacités cognitives et de discernement. On pourrait citer une très longues listes de Rabbanim, où malgré l’âge très avancé, ont maintenu toutes leurs capacités intellectuelles et cela grâce à l’étude de la Torah.

Une personne âgée qui garde toutes ses capacités et qui maintient l’échange à autrui est évidemment mieux respectée qu’une personne âgée qui n’a rien apporté à l’autre. Cependant le respect aux parents que nous oblige la Torah ne souffre d’aucune exception quelque soit l ’état mental de ceux-ci.

En conclusion

La vieillesse est une étape importante de la vie, elle se prépare dès le jeune âge de l’individu. Même si le jeune préfère éviter de regarder cette vérité, elle s’imposera à lui malgré tout. Respecter la personne âgée c’est, d’une certaine manière, apprendre à se respecter. Réintroduire le vieux dans la société c’est réintroduire un peu plus de sagesse dans notre société qui en a tant besoin.

Pour finir une brève histoire que racontait mes parents à propos des vieux et de la relation à leurs enfants. Dans une famille, vivait un grand père qui, l’âge avançant, devenait de plus en plus dépendant ce qui représentait une charge importante pour le fils et sa femme. Un jour ne pouvant supporter la situation, il décide avec sa femme de le déposer dans un lieu pour vieux. Le fils prend son père et va le déposer dans le lieu qu’il avait choisi.

Arrivant dans ce lieu le père dans un sursaut de lucidité demande une dernière faveur à son fils « cher fils pourrais-tu me déposer dans cet autre lieu plutôt que celui-ci ». Le fils ne comprenant pas la différence, les deux lieux étant aussi dégradés demande à son père les raisons de sa demande « quand j’avais ton âge c’est là-bas que j’ai mis mon propre père ». Sur ces paroles, le fils ramena son père à la maison et le garda jusqu'à la fin de ses jours.
 

Dr Alain HADDAD
Pédopsychiatre, Psychiatre, Psychanalyste