Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours été au régime, ou, si vous préférez, comme ma mère aimait dire, « je faisais attention ». Attention à ne surtout jamais prendre de plaisir et à surtout me sentir punie et frustrée toute ma vie, oui !

Les sorties d’école étaient mes pires souvenirs. Toutes les mamans attendaient leur enfant avec un croissant, une brioche ou n’importe quelle viennoiserie digne de ce nom, et moi, j’étais attendue avec une bonne grosse orange coupée en quartiers dans un petit sac et quand j’osais réclamer ma part de sucres et graisses, « pour faire comme les copains », elle me disait : « Il n’y a pas de vitamine C dans les croissants ». Oui, mais il y a des hummmmm interminables, à ce qu’en dit la légende.

Puis, j’ai grandi et en tant qu’adolescente, je me privais constamment des soirées pizzas entre copines ou des aprèms glaces après séance shopping. Les rares fois où je m’accordais le privilège d’y participer, je prenais une salade ou un shake aux fruits allégé.

C’est vrai, j’étais rondelette, c’est vrai, chaque chose que je mangeais me « profitait », comme disaient ma mère et mes grands-mères qui n’étaient jamais d’accord sur rien, sauf sur ça. Mais ce que je n’avais pas compris, c’était que ma morphologie ne changerait pas pour autant si je passais de frustration en privation. Heureusement pour moi, je l’ai compris un peu avant que mes propres filles ne deviennent elles-mêmes adolescentes et que je reproduise sur elles le même carnage.

(Je tiens à mettre les choses au clair. Je n’en veux aucunement à ma maman, elle pensait vraiment faire tout ça pour mon bien et c’est assurément grâce à tout l’amour qui accompagnait sa démarche que je m’en suis plutôt bien sortie psychologiquement.)

Chères mamans, je vous en supplie, acceptez que votre fille (ou votre fils) ne soit pas fil de fer. Acceptez qu’elle ait des formes, tout autant qu’elle soit myope. Lorsque votre enfant a besoin de porter des lunettes, vous ne vous remettez pas en cause, vous ne pensez pas avoir échoué quelque part, alors pourquoi est-ce le cas lorsque votre fille est boulette ? Acceptez votre enfant comme il est, c’est l’aider lui-même à s’accepter comme il est. Quel plus beau message peut-on transmettre en tant que maman ? Avoir la Emouna (foi en D.ieu) que le corps que nous avons est celui que nous devons avoir, être reconnaissant pour notre morphologie et savoir en tirer une véritable fierté quelle qu’elle soit. Non pas par orgueil, mais par confiance envers le Maître du monde qui vous a donné précisément ce corps pour vous aider à Le servir.

Qui plus est, ce sera plus facile de lui faire perdre quelques kilos parce que vous lui avez permis de manger une part de pizza supplémentaire ou parce que vous lui avez acheté un pain au chocolat de temps en temps à la pâtisserie en face de l’école, plutôt que de lui payer des séances de psy sans fin pour lui redonner confiance en soi et la réconcilier avec son image.

Un croissant, c’est vrai que c’est 400 calories, mais c’est aussi et surtout une pause-douceur, un réconfort, un moment de tendresse, l’apprentissage à savoir se faire plaisir, à se faire passer avant de temps en temps. Je pense qu’il s’agit là d’un patrimoine extraordinaire que vous pouvez offrir à votre fille qui deviendra, plus vite que vous ne pensez, épouse et maman, avec tout ce que cela comporte.

Freiner nos envies, on ne sait que trop bien le faire, se priver, réfléchir aux conséquences de nos actes sur notre aspect, sur l’image que l’on renvoie à notre entourage… On n’a pas besoin d’apprentissage pour ça. C’est en nous, c’est inné. Par contre, s’offrir un plaisir de temps en temps, dans quelque domaine que ce soit, je ne crois pas me tromper en disant que cela fait défaut à la plupart d’entre nous, mesdames.

Lorsque je vois des enfants qui dévorent des yeux les confiseries des autres enfants, j’ai le cœur en miettes. J'aimerais aller voir les parents et leur dire qu’une poignée de bonbons fera beaucoup moins de mal à leur enfant que toute cette frustration et cet accès interdit à la douceur. J’aimerais leur dire qu’ils ne pourront pas ou qu’ils auront énormément de mal à combler toutes les carences que cette privation causera chez leur enfant au fil des années. J’aimerais leur dire que plus ils interdiront, plus leur enfant sera attiré par toutes ces sucreries et ressentira un manque et une punition non méritée. J’aimerais leur dire que, dans la tête de leurs petits, ils sont leurs bienfaiteurs et ils ne comprendront pas pourquoi vous leur refusez constamment leur droit au bonheur.

Il est vrai qu’il faut savoir mettre des limites et respecter son corps pour tous les loyaux services qu’il nous rend au quotidien, mais il faut connaître le juste milieu entre plaisir et restriction, entre le cœur et la raison. Et il faut savoir que ce juste milieu s’adapte selon les âges. Un enfant avec ses yeux d’enfants, son innocence et ses connaissances d’enfant, ne comprend pas pourquoi tant de choses merveilleuses lui sont retirées et interdites. Il ne voit pas en quoi elles pourraient lui faire du mal. À son échelle, il comprend juste qu’il est privé de douceur, tandis que ses copains, eux, y ont droit. Plus tard, à l’âge de l’adolescence, il comprendra un peu plus, et à l’âge d’adulte, encore un peu plus.

Cessez de permettre aux idées cultivées par la société de prendre votre vie en otage, reprenez les rênes, faites-vous confiance et faites confiance en Hachem. Remerciez-Le pour le corps qu’Il vous a donné et pour celui qu’Il a donné à vos enfants et priez pour que vous puissiez l’entretenir et le maintenir en bonne forme. Apprenez à vos enfants à être heureux de façon équilibrée et contrôlée. Ils ne pourront que vous en être reconnaissants par la suite.