Question d'une internaute : j'ai une fille qui a six ans, j'ai divorcé de son papa juste après sa naissance. A ce jour tout se passe bien, mais voilà qu’aujourd'hui je pars m'installer en Israël car je vais me remarier et mon futur conjoint habite là-bas. Ma fille est paniquée. Elle fait colère sur colère, allant presque jusqu'à la convulsion. Elle semble avoir peur de ne plus revoir son père et les personnes qu'elle aime en général, de perdre ses amis, sa famille. Je ne sais pas comment réagir, j'ai tendance à culpabiliser car je ne veux pas qu'elle souffre une fois de plus. Elle dit qu'elle n'aime pas Israël, qu'elle n'apprendra jamais l'hébreu et qu'elle refusera d'avoir des amis une fois sur place. Pouvez-vous me dire comment réagir face à ses colères, ce que je dois faire, les mots à utiliser, les gestes qui peuvent la calmer ? Je veux simplement la rassurer et qu'elle ne vive pas les choses ainsi. Merci de votre aide.

La réponse de Mme Nathalie Seyman

Tout d’abord un double Mazal Tov pour votre mariage et pour votre Aliya ! Deux jolies nouvelles qui vont initier un changement de vie radical. Si cela ne concernait que vous, tout ceci ne serait qu’une page à tourner vers une merveilleuse histoire qui commence… Mais tout ce que vous vivez concerne également votre fille qui doit suivre le même chemin que vous mais, hélas, pas de la même façon. Alors comment faire pour que tout se passe bien ?

Le traumatisme du divorce

Je le répète souvent mais il est important de le savoir : un divorce traumatise toujours les enfants. A différents degrés et de différentes manières, mais cela reste un fait. Vous avez divorcé de votre ex-mari peu après la naissance de votre fille. Or l’idée qu’un bébé ne se rend pas compte de la situation et qu’il serait du même coup protégé de la colère ou du chagrin de ses parents est un leurre. Ce n’est pas parce qu’il ne parle pas qu’il ne ressent pas. Au contraire, un petit enfant est une véritable éponge à émotions. Il perçoit parfaitement ce qu’il se passe, mais comme il ne le verbalise pas, nous avons la sensation que l'événement agit moins chez lui que chez un enfant plus âgé. Mais ce n’est pas exact. Même si les parents se séparent durant la grossesse, le bébé ressentira la douleur de sa mère. Donc un divorce n’est jamais anodin et peut toujours être une piste au sujet du mal-être d’un enfant.

Il faut aussi prendre en compte le fait qu’ayant divorcé lorsque votre fille était bébé, vous vous êtes retrouvées l’une avec l’autre durant de nombreuses années. Il s’est ainsi tissé entre vous une relation privilégiée basée sur le quotidien et qui a donc servi à votre fille comme point de repère pour construire son identité. Aujourd’hui, du fait de votre remariage, tout va se retrouver modifié. Les cartes vont être redistribuées et elle le comprend très bien. Elle ne vous aura plus pour elle seule et devra désormais vous partager. C’est une angoisse très forte à cet âge-là. Elle n’a pas la perception de la mesure : pour elle, ce n’est pas “un peu moins de temps pour elle” et “un peu plus de temps pour votre futur mari” mais c’est “tout pour lui et plus rien pour elle”. Elle signale ainsi, à travers ses crises, une angoisse d’abandon, qui n’est certes pas justifiée mais qui doit tout de même être désamorcée. D’autant plus, et vous le dites vous-même, qu’elle a peur de ne plus revoir son père. Dans sa tête, elle perdra donc sur les deux tableaux.

Une stabilité remise en question

Une Aliya est un véritable chamboulement. On ne quitte pas simplement un pays mais on quitte une famille, des amis, une langue, une histoire. On se tourne vers un avenir incertain et pourtant, on sait intérieurement que nous avons pris la bonne décision. Comme si Hachem nous disait de vive voix, comme il l’a dit à Avraham Avinou : “Va !”.

Ce n’est pas rationnel ni explicable à ceux qui n’ont pas fait ce choix mais c’est ce que ressentent généralement ceux qui décident de partir vivre en Israël. Donc vous, vous savez ce que vous faites et pourquoi vous le faites. Pour votre fille, c’est tout autre chose. Elle n’a pas demandé à changer de vie et elle “subit” vos choix. Elle ne les vit donc pas de la même façon.

Votre fille vous en veut certainement puisque ce déménagement est votre décision. Vous êtes son principal référent affectif, elle ne peut donc diriger sa colère que sur vous. D’autant plus qu’enfant ou adulte, il n'est jamais facile d'assumer un changement de vie. Un déménagement est une épreuve, il faut accepter de se séparer de ses amis, de ses habitudes, de la sécurité d'un environnement familier... Et surtout, il est essentiel de comprendre que ce changement réactive certainement toutes les épreuves de séparation antérieures, en particulier, comme nous en avons parlé précédemment, votre divorce avec son père. Ce qui fait beaucoup d’émotions négatives à gérer pour une enfant si jeune.

Mes Conseils

- Prenez les colères de votre fille pour ce qu’elles sont : une façon d’exprimer son angoisse face à une situation nouvelle qui s’impose à elle.

- La première chose à faire est d'aider votre fille à exprimer ses sentiments, à mettre ses émotions, ses affects, en mots. Une fois la crise passée, lorsque vous voyez qu’elle est en état de parler, encouragez-la à se livrer et dire tout ce qu’elle a sur le cœur.

- Puis ensuite, exprimez-lui à voix haute les sentiments qu’elle ressent. “Je comprends parfaitement que tu sois fâchée contre moi car tu n’a pas décidé de partir. Mais tu dois quand même venir avec moi car nous ne pouvons pas être séparées. Je comprends également que tu as peur de ne pas te plaire dans cette nouvelle vie, etc”. Plus vous verbaliserez ce qu’elle ressent et plus elle se sentira comprise.

- Rassurez-la : en particulier sur son angoisse d’abandon. Expliquez-lui que le lien que vous avez toutes les deux est indestructible, que son père sera toujours présent pour elle. Il serait bon aussi que votre ex-mari la rassure sur ce point-là.

- Répondez à toutes ses angoisses. Moins il y aura de flou dans ce qui l’attend et plus elle se sentira prête à l’affronter. Faites-vous rassurante, répondez à ses questions, expliquez-lui ce qu’il va se passer, même si c'est la centième fois qu'elle pose la question.

- Peut-être serait-il bien avant de déménager définitivement d’aller faire un état des lieux avec elle de son futur lieu de vie. Lui montrer son futur quartier, sa future chambre, lui faire découvrir les jolis coins de son futur pays et ainsi lui donner l’envie d’y habiter.

- Restez surtout positive et déterminée. Il ne faut surtout pas que votre fille ressente votre sentiment de culpabilité envers elle ou une quelconque hésitation. Car si elle entend ce que vous dites, elle perçoit également ce que vous ressentez. Elle a besoin de stabilité au milieu d’une vie qui change et sa meilleure stabilité, c’est vous-même et votre certitude.

- Faites-la participer au mariage, au déménagement, etc. Il ne faut surtout pas qu’elle se sente mise de côté. Au contraire, il faut qu’elle reste actrice de votre vie.

- Construisez une boîte à souvenirs : mettez-y ensemble des photos de ses amies, des gens qu’elle aime, des petits mots, des dessins, des objets, etc., et dites-lui qu’elle les amènera ainsi toujours avec elle. Dès qu’elle se sentira nostalgique, elle pourra ouvrir sa boîte et ça pourra l’aider à surmonter sa peine.

Tout ce changement fait beaucoup pour votre petite fille, et cela va être certainement un moment difficile à passer pour elle comme pour vous. Il lui faudra beaucoup de patience de votre part. Mais ce sont ces épreuves qui, loin d’être néfastes, vont participer à la construction de son identité. Et sa meilleure récompense sera d’avoir une maman épanouie et heureuse dans sa nouvelle vie.

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.