Question d'une internaute : "Il y a déjà 4 ans, la maladie nous a arraché notre cher fils de 15 ans. Mon mari et mes enfants arrivent à continuer leur vie malgré la douleur, mais pour moi, c’est trop dur... Je n’arrive toujours pas à m’en remettre, je n’ai plus aucun entrain pour rien, même plus pour ma famille proche. Et je ne cesse de chercher des réponses... Pourquoi cette épreuve ? Comment puis-je surmonter ce drame et reprendre goût à la vie ? Merci Mme Seyman pour votre aide."

La réponse de Mme Nathalie Seyman

Tout d’abord, je voudrais vous présenter toutes mes condoléances pour cette terrible épreuve que vous traversez. La mort d’un enfant va complètement à contresens du cycle de la vie. Ce n’est pas dans l’ordre logique des choses, et cela peut être perçu comme une anomalie dans le fonctionnement du monde. Il ne s’agit pas d’un travail de deuil comme les autres tant il s’agit d’une perte d’une partie de soi-même. Alors comment vivre après un tel chagrin ?

Entre colère, culpabilité et peur de l’oubli

La perte d’un enfant est souvent vécue comme une mutilation, une amputation. Non seulement de la personne physique, mais aussi de tout ce qu’on avait projeté pour lui. Il s’agit d’un évènement tellement difficile à accepter que les parents peuvent en ressentir une grande injustice. D’où un sentiment de colère envers la vie, en d’autres termes, envers Hachem. Ils peuvent se demander comment a-t-Il pu permettre ça ? Pourquoi lui ? Pourquoi si tôt…?

Et en même temps, le fantôme de la culpabilité ne les lâche pas. Les “je ne l’ai pas protégé”, les “c’est de notre faute”, les “on aurait dû”...

Ces deux sentiments contradictoires (C’est de la faute d’un autre/C’est de ma faute) peuvent compresser les parents et les empêcher d’avancer dans leur travail de deuil. Sans compter que chaque amélioration, chaque pas vers la lumière, seront souvent perçus comme une trahison à la mémoire de cet enfant. Comme si moins souffrir revenait à perdre petit à petit le lien avec l’enfant. En réalité, ce n’est pas la souffrance mais la façon dont le deuil sera réalisé qui pourra pérenniser son souvenir, son lien avec l’enfant disparu.

En ce qui concerne le couple, chez les deux parents, la souffrance est immense, car ce sont deux deuils qu’il faut porter : le sien et celui de son conjoint. Mais chacun a sa façon de vivre son chagrin. D’autant plus que les femmes et les hommes ne réagissent parfois pas de la même façon face à la peine. En général, les femmes auront plus tendance à en parler, alors que les hommes préfèreront souvent tout garder pour eux. Mais cela ne veut absolument pas dire qu’ils souffrent moins ! Certains préfèreront réinvestir leur peine dans une échappatoire telle que leur travail, un sport, ou autre.
Conséquence : un sentiment de décalage qui surgit souvent entre les deux conjoints, et l’impression de ne pas être égaux dans la douleur, alors que c’est faux. Et ainsi, les incompréhensions deviennent fréquentes et une distance s’installe. A cela s’ajoute le fait de ne pas supporter la détresse de l’autre. Alors qu’ils n’ont jamais eu autant besoin l’un de l’autre qu’à ce moment-là. Car, n’étant pas au même point de la douleur, quand l’un ne va pas bien, l’autre devra venir à son aide. Et réciproquement. Ce soutien pourra être indispensable pour traverser ce tourment.

Évacuer sa peine

Alors comment faire lorsque la douleur nous consume littéralement ?

Etonnamment, il ne faudra surtout pas aller contre la douleur en l'empêchant de s’exprimer. Car sinon, on risque d’accumuler la charge émotionnelle qui est extrêmement intense à l’intérieur de soi et on empêchera le travail de deuil de s’effectuer. Il faudra donc non seulement ne pas faire obstacle à sa peine, mais aussi savoir la partager. Il est important de se sentir écouté, compris, soutenu et donc savoir s’entourer des bonnes personnes durant ces moments-là.

Il faudra aussi oublier les questionnements qui finalement ne vous feront pas avancer, quelle que soit la réponse que l’on pourrait vous donner. Comme par exemple : Pourquoi Hachem a-t-Il permis cela ? Car aucune réponse ne sera satisfaisante, et même si on vous expliquait le pourquoi du comment, ce qui est évidemment impossible, personne ne connaissant les desseins d’Hachem, cela ne vous consolerait pas. Parce que trouver une explication rationnelle au décès d’un être cher, c’est vouloir lier l’intellect à l’affect. Or, on sait très bien que l’affect est forcément détaché de l’intellect de par sa nature même.

Faire le deuil d’un enfant, qui a terminé sa mission sur terre, prend des années. Il s’agit d’apprivoiser quelque chose auquel on ne peut pas se préparer.
En réalité, la meilleure solution sera de savoir réinvestir cette douleur, et même de s’en servir pour avancer. Et lorsque l’on parle d’avancer, on ne parle pas de guérir de sa peine, car tout comme un amputé ne peut pas oublier qu’il lui manque un membre, il est fondamentalement impossible d’oublier son enfant. Non, avancer veut simplement dire savoir vivre avec cette douleur. Cette douleur fait partie du parent endeuillé et elle évoluera petit à petit en lien intérieur avec son enfant disparu. 

Mes conseils

Exprimez sans fard ce que vous ressentez. Encore et encore, à qui peut l’entendre. Couchez vos mots sur papier, dessinez, gribouillez votre colère, votre peine. Ecrivez des lettres à votre fils, parlez à votre famille, à vos amis les plus proches.

Entourez-vous bien. Il faut vous trouver un réseau de soutien. Beaucoup dans votre entourage auront du mal à vous écouter tant la mort d’un enfant peut faire peur. C’est pourquoi il faut savoir bien s’entourer de personnes qui savent et peuvent écouter : un thérapeute, et surtout un groupe de parole, car c’est connu, seuls ceux qui l’ont vécu peuvent comprendre ce que vous vivez et vous aider efficacement.

Continuez à communiquer au sein du couple. Face à une douleur trop intense et incomprise, certains préfèrent s’enfermer dans le silence, dans la solitude, pensant qu’il est préférable que chacun gère sa souffrance comme il le peut, en solitaire. Or, les non-dits sont destructeurs. Si on ne parle jamais de ce que l’on ressent, on ne risque pas d’ouvrir la porte à l’autre pour qu’il vous exprime à son tour ses sentiments. D’où l’importance, pour chaque membre du couple, d’exprimer ses besoins (de soutien, de solitude, d’évacuation de la colère, de la peine, etc.) et de demander parfois à son conjoint où il en est. L’important est de préserver coûte que coûte une bonne communication et continuer malgré tout à avancer ensemble.

Réinvestissez votre vie. On va mieux lorsque l’on parvient à mettre toute l’énergie de son chagrin dans un domaine qui nous sera bénéfique. Sur quelque chose qui aura du sens, qui nous fera petit à petit réinvestir notre vie. Cela peut être du bénévolat, de l’art, un travail pour aider son prochain, devenir membre d’une association. Car autant vouloir à tout prix trouver une explication à ce qui est arrivé est nocif et ne peut que nous faire reculer, autant donner du sens à cette tragédie en faisant de la prévention, en montant une association pour aider ceux qui passent par la même épreuve, pourra vraiment vous aider.

Donnez-vous le temps. On ne guérit pas de son chagrin. On apprend seulement à l’apprivoiser et chacun à son rythme. Il n’y a pas de règles. Ne vous comparez pas. Vous le sentirez lorsque vous serez prête à redire oui à la vie.

Confiez-vous à Hachem, la Téfila (prière) a une force incroyable, celle de vous sentir soutenue par Hachem, et pas seule dans l'épreuve.

Renforcez votre Emouna (foi), étudiez, allez à des cours, lisez des livres de pensée juive qui traitent du sujet de l'épreuve, comment la surmonter, l'accepter, et vivre avec… Pour vous donner des forces de continuer.

Je vous souhaite beaucoup de courage. Qu’Hachem ne vous envoie que des Brakhot à l’avenir. Que votre fils vous protège, ainsi que toute votre famille, et que par son mérite, il vous envoie la force d’avoir une vie remplie de joie auprès de vos enfants et de votre mari.

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.