Bonjour, j’habite en Israël, j’ai 4 enfants et avec ce qu’il se passe en ce moment, nous sommes confinés tous les six à la maison. Je suis très stressée par ce qu’il se passe, même si je garde la Emouna. J’essaie de garder la raison mais émotionnellement, je suis très angoissée par la situation. En plus de cela, il faut occuper les enfants et à force d’être ensemble je deviens très nerveuse avec eux. Je n’arrive pas à les rassurer tant je suis angoissée. Avec mon mari, on commence à se taper sur le système et ça devient vraiment électrique entre nous ! Je sens que l'ambiance familiale va au plus mal! Quels sont vos conseils pour supporter la situation ? 

La réponse de Mme Nathalie Seyman

Tout d’abord, merci de votre question qui concerne la plupart, si ce n’est toutes, les femmes en ces temps actuels. Moi-même, bien que thérapeute, je me sens inquiète de la situation et c’est bien normal. Ce que nous vivons est inédit. Nous avançons sans filet de sécurité et cela fait peur. Ajouté à cela, le rythme familial qui s’en trouve changé, transformé et par conséquent, des conflits émergent dans un environnement clos qui amplifie davantage l’angoisse. Alors comment s’en sortir et vivre au mieux les événements actuels ? Analysons ensemble la situation.

Ce que nous ressentons

Pour commencer, nous sommes angoissés pour notre santé, c’est un fait. Mais ce virus n’est pas le premier et encore moins le seul. Alors qu’est-ce qui a changé ? Pourquoi nous sentons-nous si vulnérable depuis que le Coronavirus est arrivé dans nos vies ? Pourquoi nous a-t-il tellement chamboulés ? Il y a plusieurs raisons à cela :

- Premièrement : les mesures prises par la société. C’est une situation improbable que nous vivons aujourd’hui. Qui aurait cru il y a encore un mois que nous en arriverons à de telles mesures ? Tout cela nous est tombé un peu soudainement sur la tête et nous sommes encore sous le choc. Mais le plus difficile à supporter finalement c’est qu’on ne sait pas quelle sera l’ampleur de cette crise. Et c’est de cette imprévisibilité dont se nourrit notre peur. Car tout simplement ce virus ébranle une croyance profonde que, pourtant en tant que juifs, nous savons fausse, mais qu’en tant qu’être humain nous avons tendance à oublier : l’illusion de la maîtrise de nos vies. Nous ne maîtrisons rien, et malgré l’ère d’internet, nous avançons dans une certaine obscurité. Mais plus que cela, nous nous rendons compte que les choses simples de la vie ne l’étaient pas tant que ça finalement. Il semblait tout naturel pour nous de sortir, rencontrer nos amis, danser dans une salle de plusieurs centaines de personnes pour un mariage, passer les fêtes avec toutes les générations qui composent notre famille…Tout ce qui nous semblait normal ne l’est plus, et nous nous rendons ainsi compte que tout cela était un privilège, un vrai cadeau que nous prenions alors pour acquis.

- Deuxièmement : le confinement. Notre propre foyer est devenu une cage. Elle peut être plus ou moins dorée, elle n’en reste pas moins une cage dans notre esprit. On tourne en rond, épris de la liberté qui nous semblait si élémentaire et qui nous est aujourd’hui refusée. Certains se retrouvent seuls. Et d’autres en famille, dans une configuration qu’ils ne vivaient que quelques heures par jour. On se voit “trop”, on ne sait plus quoi faire, il n’y a plus de rythme, peu de règles… 

- Troisièmement : la perte de repères. Nous qui vivions avec le temps, presque prisonniers, nous nous retrouvons sans repères temporels. Nous sommes obligés de nous arrêter... 

- Enfin, l’isolement. Nous n’avons plus de contact les uns avec les autres. Et pire, le contact est devenu LE danger ! L’extérieur est comme un terrain ennemi, et nous devons dorénavant nous concentrer sur notre intérieur. 

Toutes ces raisons, qui peuvent être terriblement anxiogènes, expliquent clairement pourquoi cette crise que nous vivons nous bouleverse tellement. Mais pourtant, et parce qu’Hachem n’envoie jamais une épreuve sans les armes pour la surmonter, nous avons la capacité d’en sortir indemnes et même plus forts !

Nos armes pour nous battre

- Notre Emouna (foi en D.ieu). Notre croyance en Hachem ne définit pas simplement de savoir qu’il y a un seul D…ieu tout puissant qui régit ce monde. Elle comprend également le fait de s’en remettre à Ses décisions, et même si ce n’est pas facile, de les accepter pour pouvoir les traverser. Il faut avoir la force d’accepter ce que nous n’avons pas le pouvoir de changer, et ce qui peut être difficile pour nous, nous qui avons tendance à vouloir tout maîtriser. Non, tout n’est pas entre nos mains, et s’y résoudre est la première étape vers une meilleure façon de vivre cette crise. 

- Notre clairvoyance. Pourquoi Hachem nous envoie donc une telle épreuve ? Nous ne sommes bien évidemment pas dans les comptes d’Hachem et bien loin de nous l’idée de trouver une explication pour le monde, mais nous savons bien, par nos expériences passées qu’à chaque fois que nous avons traversé des moments difficiles, il y avait un apprentissage derrière, une occasion d’en apprendre sur nous-même et d’en tirer le meilleur. Posez-vous la question : pourquoi Hachem a-t-il décidé aujourd’hui pour moi le confinement ? Qu’est-ce que je dois réparer ?

- Notre positivité. Et si, à la place de voir le confinement comme une punition, on changeait notre vision et on le voyait comme une opportunité ? Chacun la sienne : certains pourront en profiter pour établir une meilleure communication avec son mari ou ses enfants, d’autres pour établir un plan professionnel pour faire ce qu’ils ont toujours rêvé de faire mais n’en n’ont jamais eu l’occasion, d’autres pour s’occuper de certaines affaires qu’ils ont négligées, etc. Et si Hachem nous avait donné cette possibilité de nous arrêter pour nous pencher sérieusement sur ce que nous avons besoin d’améliorer en nous sans cette célèbre excuse : “j’ai pas le temps !” ?  

- Notre réflexion: Se confiner chez nous, c’est aussi symboliquement “rentrer en nous”, une façon de nous reconnecter à nous même mais aussi à notre famille. A la même période que le nettoyage de Pessa’h, l’occasion nous est donnée de nous “nettoyer” de l'intérieur ! Et repartir sur des bases saines : s'auto analyser, analyser sa relation avec son conjoint, celle avec ses enfants et en profiter pour retirer toute la négativité qui entrave l'harmonie intérieure. Profiter aussi de ce confinement pour réaliser une introspection (étroitement liée à la notion de Téchouva de la Torah) : repenser à nos actions, se travailler pour s'améliorer, avancer dans les Mitsvot envers Hachem et envers les autres, et prendre sur soi une action spécifique, qui permettra d'apporter plus de lumière dans le monde.

Mes Conseils

Exprimez vos émotions négatives. Je l’ai toujours dit et je le répète : toutes les émotions négatives que nous pouvons ressentir (peur, colère, anxiété, désespoir; angoisse, etc) et qu’on empêche de sortir, se logent en nous dans la partie inconsciente de notre esprit pour nourrir nos traumatismes et trouveront une manière corporelle de s’exprimer par la suite (maladies, crises d’angoisse, phobies, etc). Donc exprimez votre anxiété ! Il y a plusieurs façons de le faire : en en parlant, par écrit en couchant ses maux sur le papier, en dessinant, en pleurant… Chacun aura sa façon qui le soulage !

Cultiver votre positivité. Il n’est pas facile d’être enfermé, mais comme je vous l’ai dit précédemment, il est important de changer sa vision des choses et de se focaliser sur les côtés positifs de la situation. Gardez en tête que cette expérience va rester ancrée dans l’esprit de vos enfants. Il s’en souviendront de la façon dont VOUS la leur présenterez. Ils peuvent garder en mémoire cette période comme un moment d’angoisse et de stress ou bien comme un épisode joyeux où l'on s’est retrouvé en famille, où l’on jouait ensemble à des jeux de société, où papa et maman cuisinaient ensemble des plats que l’on ne fait jamais habituellement… Ce n’est pas évident bien sûr, en particulier pour les femmes seules avec les enfants. Il y aura peut-être aussi certains moments de crises. Mais rappelons-nous que nous, les femmes, sommes la source de la joie de notre foyer et de notre entourage ! Elle ne doit jamais s’éteindre. Ne sous-estimez pas la force d’un mot doux, d’un sourire, d’une bonne idée pour désamorcer une situation de conflit que ce soit avec vos enfants ou avec votre mari.

Dialoguez avec vos enfants. Même s’ils sont petits, il faut leur expliquer la situation. Il est impératif qu’ils comprennent ce qu’il se passe. Il faut évidemment le faire d’une manière douce et avec des mots simples. Les enfants sont des éponges, ils absorbent vos émotions (positives ou négatives) et quand ils ne comprennent pas ce qui se passe, ils peuvent alors tirer des conclusions hâtives venues de leur imagination fertile. Et si elles deviennent sources d’anxiété, elles pourront poser problème pour la suite. Donc communiquez sainement avec vos enfants, laissez-leur poser toutes les questions qu’ils veulent et répondez-leur de la façon la plus honnête possible. N’hésitez pas à avouer que vous ne savez pas comment la situation évoluera mais que tant que vous êtes ensemble en famille, tout ira bien et qu’il faut avoir confiance en Hachem.

Retrouvez-vous avec votre mari. Je sais que ce n’est pas facile en période de confinement avec les enfants mais il faut parvenir à les mettre au lit suffisamment tôt pour avoir l’occasion d’une soirée avec son mari. Faîtes manger les enfants ensemble, pour avoir l’occasion de dîner en tête à tête, en profiter pour parler calmement, discuter sur vos projets, sur ce qu’il y a à améliorer chez l’un ou chez l’autre… Prenez cette occasion pour vous faire belle pour lui. Il faut que ces rendez-vous soient quotidiens et vous permettent de vous reconnecter ensemble. 

Gardez un rythme. C’est une des règles les plus importantes du confinement. Faites un emploi de temps pour les enfants, et un pour les adultes. L’encadrement permet à l’enfant de se sentir en sécurité. Il y aura beaucoup moins de stress au sein de la famille si le cadre est posé et que chacun sait ce qu’il a à faire ! Par exemple: 8h-8h30: réveil et petit déjeuner; 8h30-9h30: prière; 9h30-12h: travail scolaire; 12h-13h: repas; 13h-14h: loisirs; 14h-15h: lecture; 15h-16h: sport, 16h-17h: nettoyage de la maison, etc.

Vous pouvez même en faire un par enfant s'ils ont des grandes différences d’âge. Levez-vous le matin bien avant vos enfants et créez-le avec votre imagination et en fonction de l’âge de vos enfants. 

Savoir s’isoler de temps en temps. Que ce soit le matin tôt, le soir tard, pendant la sieste (s’il y en a une…) ou un temps où vos enfants jouent calmement, profitez-en pour vous isoler, même quelques minutes par jour, dans le silence afin de vous ressourcer et de vous apaiser. 

Faire des exercices de relaxation. Ne négligez pas la relaxation. Cela permet d’évacuer ses angoisses. C’est peut être aussi l’occasion de faire une activité ensemble avec les enfants. Inspirez fort, expirez ensuite, étirez-vous pour évacuer le stress, le tout sous une musique douce. 

Ressourcez-vous dans la prière et les Téhilim (psaumes) : Hachem entend nos prières. Toutes nos prières ! Ce n’est pas la première épreuve que traverse le peuple juif et nous avons toujours su trouver la lumière dans l’obscurité. Si D.ieu veut, cet épisode sera vite derrière nous. N’oublions pas de Le remercier pour tous les bienfaits qu’Il nous procure et que l’on a tendance à considérer comme acquis mais qui ne sont en réalité autant de bontés de sa part. Une façon pour nous de le réaliser….

Béhatsla’ha !

Si vous avez une question à poser à la psy, envoyez un mail sur l'adresse suivante [email protected]. Mme Seyman essaiera d’y répondre et la réponse sera diffusée de façon totalement anonyme.