C’était un jour d’été de canicule comme on en vit souvent en Israël, un jour comme les autres, avec des informations comme les autres… jusqu’à ce qu’un article attire mon attention, sans savoir qu’il serait à l’origine d’une belle Mitsva et surtout d’une grande leçon de vie juive…
J’étais au travail, assise devant mon ordinateur et je me demandais quelle serait la meilleure solution pour souffrir le moins de la chaleur ambiante. C’était la guerre au bureau entre ceux qui voulaient baisser la température et ceux qui trouvaient qu’il faisait déjà trop froid. La deuxième équipe avait remporté le débat et je subissais en silence une chaleur qui m’endormait. D’un œil distrait, je lisais les informations du jour quand je tombai sur un drôle de titre d’article : “Des perruques volées à l’hôpital Ichilov”.
Intriguée et persuadée d’avoir mal compris le texte en hébreu, je me mis à lire tout l’article, mais finalement ce n’était pas un problème de langue, c’était bien une information hors du commun ! À l’hôpital de Ichilov (à Tel-Aviv), la pièce dans laquelle se trouvaient des perruques pour les patients cancéreux avait été forcée et toutes les perruques avaient été volées.
J’étais choquée par cette affaire aussi étonnante que triste. Et tout l’après-midi, je n’arrêtais pas de me demander qui en était arrivé à voler des perruques destinées à redonner dignité et féminité à ces patientes sous traitement lourd ?
En tant que femme juive orthodoxe, je sais, comme beaucoup d’entre nous qu’une perruque peut coûter très cher, aussi bien à l’achat qu’à l’entretien et je m’attristais en me disant que jamais l’hôpital n’aurait le “rachat des perruques” dans sa liste de priorités. J’étais décidée à faire quelque chose, mais quoi ?
J’ai une perruque à la maison que je ne porte plus depuis des années, alors pourquoi ne pas en faire don à l’hôpital ? J’étais sur le point d’appeler une personne que je connaissais à l’hôpital pour expliquer ma démarche quand de nouveau, j’eus une autre idée : si j’avais une perruque à donner, peut-être que d’autres femmes de ma ville seraient heureuses de prendre part à cette Mitsva ?
J’envoyai un message à quelques amies pour leur expliquer la situation et leur proposer d’en parler autour d’elles, si jamais quelqu’une était intéressée. L’avantage de notre vie ultra-connectée d’aujourd’hui est que dans l’heure qui suivait, j’avais déjà des réponses… mais pas du tout celles auxquelles je m’attendais !
Une connaissance me reprochait de vouloir faire culpabiliser les femmes, car toutes n’étaient pas en mesure de faire un don, qu’il soit financier ou autre. J’étais sans voix ! Mon intention était juste de proposer à celles qui le souhaitaient de prendre part à la Mitsva, pas du tout de juger ni de culpabiliser celles qui ne voulaient ou ne pouvaient pas le faire.
Mais voilà, cette vie ultra-connectée avait aussi le défaut de déformer la façon dont on comprend les messages qui agitent nos téléphones. J’en étais venue à regretter ma proposition. Je me disais que j’aurais dû faire mon don de mon côté, sans en parler autour de moi puisque de toute façon, c’était mal interprété. Et je ne comprenais pas ce qui m’avait pris.
J’étais toute à ma colère et mes ruminations, quand je reçus un autre message, cette fois d’un numéro inconnu : “J’aimerais beaucoup faire don d’une perruque, laissez-moi le temps de la laver et de la coiffer et je vous l’apporte !”
La colère avait cédé la place à la surprise. Qui était donc cette généreuse inconnue ? Le rendez-vous fut pris et j'allai à sa rencontre, dans un quartier de Jérusalem. Arrivée la première, je guettais dans la rue, ne sachant pas à quoi ressemblait cette personne. Mais jamais de ma vie, je n’aurais imaginé que celle qui venait vers moi tout sourire, un grand sac à la main, était une jeune et jolie fille qui n’avait même pas 25 ans !
Je ne suis pas de nature curieuse mais là, j’étais quand-même déstabilisée, pourquoi une jeune fille de son âge avait-elle une perruque à donner ? Je ne me souviens plus de la façon dont je lui ai posé la question, je ne me souviens que de son histoire, aussi inattendue que bouleversante.
“À l’âge de 14 ans, j’ai été diagnostiquée de la maladie, une leucémie. J’ai passé des mois à être hospitalisée, parfois même isolée en chambre stérile”. Et Odélia se met à me raconter son histoire incroyable, faite d’épreuves, de Émouna (foi), de présence d’Hachem dans les moments les plus sombres et solitaires. Je l’écoute, je l’observe, elle est solaire cette jeune fille, qui a traversé l’obscurité et qui rayonne de vie.
Et comme dans un film (parce que j’ai tendance à penser que ma vie ressemble de temps en temps à un film, avec D.ieu comme metteur en scène), un jeune homme s’approche de nous en disant : “Ah, il me semblait bien t’avoir reconnue de loin” et Odélia me fait les présentations : “Voici mon fiancé, nous nous marions si D.ieu veut dans 3 mois.”
Cette perruque, Odélia l’avait gardée précieusement depuis toutes ces années, parce qu’elle l’avait accompagnée pendant sa maladie et elle lui cherchait une utilité nouvelle. “Alors quand j’ai vu votre message, je me suis dit que c’était pour moi, c’était exactement ce que je voulais, que cette perruque accompagne des patientes, comme elle m’a accompagnée”.
Le Rabbi de Loubavitch a dit dans ses Iguérot Kodech (tome 12, page 385) que chaque enfant d’Israël est un envoyé de D.ieu, chargé de Lui construire une demeure ici-bas, dans le monde matériel. Cette mission s'accomplit à travers l'étude de la Torah, qui est la source de lumière et l'accomplissement des Mitsvot, comparées à des bougies.
Chaque Juif est plus d’un individu. Car chacune de ses actions concerne l’ensemble du peuple et chacun est un Chalia’h (envoyé) de D.ieu, chargé d’illuminer son entourage par la clarté divine.
Tout avait du sens à présent. Mon histoire de perruque, de message, cette idée de vouloir associer les autres à mon projet… tout ça n’avait pour but que de donner la possibilité à cette jeune femme d’accomplir ce don qui lui tenait à cœur. Je n’étais qu’un messager dans sa mission à elle. Je lui dis en la quittant qu’elle devait partager sa touchante histoire au plus grand nombre et pour celles qui le souhaitent, elle a témoigné dans le magnifique programme de Torah Box, “Merci Hachem”.
Et moi, j'ai appris ce jour-là une très belle leçon : en tant que Juif, nous avons toujours un rôle de messager à jouer auprès des autres. Et c’est peut-être un des plus beaux rôles dans ce film magnifique qu’est notre vie…
Bon courage à toutes !
Témoignage de Odélia sur Torah-Box :
https://www.torah-box.com/merci-hachem/merci-hachem-j-ai-survecu-au-cancer-a-14-ans_41445.html