« Puissiez-vous avoir un accouchement facile en son temps et revenir à la maison les mains chargées. » Quelle étrange bénédiction fait-on aux femmes enceintes. Je ne l’avais jamais comprise, je n’avais jamais même essayé de la comprendre honnêtement. Mais aujourd’hui, alors que je te rends avant même de te recevoir, ces mots prennent tout leur sens.

9 mois que je me prépare à tout, tout sauf rentrer à la maison les mains vides. J’étais préparée à un accouchement long et difficile, j’étais préparée à un accouchement prématuré, à une césarienne. J’ai passé des mois à me documenter sur l’allaitement, j’avais décidé de t’allaiter malgré les quelques contraintes mentionnées. J’étais hyper préparée au baby blues, cette dépression qui survient d’on ne sait où après la naissance d’un enfant. J’avais imprimé le tableau des premiers vaccins à donner au bébé pour renforcer ton système immunitaire. Bref, j’étais préparée à tout, mais sûrement pas à ça.

9 mois que je te vis de l’intérieur. Mon bébé-ange, je n’ai pas eu besoin qu’on m’annonce de façon très conventionnelle que tu étais implanté dans mes entrailles. Mes nausées matinales, ma peau horriblement tachetée, mes bagues qui ne rentraient plus dans mes doigts, chacun de ces signes étaient pour moi une source de joie intarissable. Je savais que tu étais là, que tu poussais et on pouvait bien m’annoncer qu’un troisième œil allait me sortir au milieu du front, ça m’était égal, j’allais devenir maman. Si je ne devais citer qu’un seul signe de ta présence qui me gonflait de fierté, c’était tes mouvements, mon ventre faisait des vagues. Et quand je décidai de m’allonger et me reposer, c’était drapeau noir, tu bougeais, tu t’agitais, je ne comprenais même pas où tu trouvais la place de bouger autant. Malgré ma fatigue, je ne pouvais m’empêcher de sourire et de te caresser.

9 mois que je te vis de l’extérieur. Je me suis tout de suite arrondie, j’étais magnifique. Je n’avais même plus besoin de demander une place dans le bus ou de passer plus vite aux caisses du supermarché. Tu faisais tout le travail. Tu arrondissais fièrement mon ventre et tout le monde s’écartait avec respect pour te laisser passer, toi mon bébé-ange.  Ce ventre m’a rendu si heureuse. Je créais la vie, enfin c’était ce que je pensais. Je chérirai à jamais les photos qu’on a prises ensemble. Tu formes une magnifique ceinture de protection et d’amour autour de ma taille, et moi je t’étreins de cette même protection et de ce même amour. Un bonheur inoubliable !

9 mois que j’imagine notre vie avec toi. Tout était prêt pour t’accueillir. Nous avons choisi un papier peint pastel avec des photos d’animaux rigolos, c’était très important pour ton papa et moi, que tu vois des choses amusantes dès ta naissance. Tu aurais le temps de devenir sérieux, pensions-nous. Tout était là, installé, il ne manquait plus que toi, il ne manquera toujours plus que toi. Ces habits que tu ne porteras pas, ces draps dans lesquels tu ne dormiras pas, ces chaussons tricotés par grand-mère Hanna, que tu ne chausseras jamais. Tous ces objets qui t’étaient destinés, que vais-je en faire ? Les donner ? Les garder pour un prochain bébé ?

9 mois… et en une seconde, tout s’arrête, tout bascule. Je venais de donner toutes mes forces pour te donner la vie, pour t’aider à nous rejoindre, nous tes parents, qui n’attendions qu’une chose, faire ta connaissance, et notre rêve, notre espoir, notre avenir, tout nous a été arraché avant même que nous ne goûtions à ce bonheur. La pièce était devenue tout à coup lourdement silencieuse, les regards fuyants, et puis un mot, un seul mot de mon médecin « désolé, désolé », je comprenais sans vouloir comprendre. J’attendais que tu les fasses mentir, que tu brises ce silence par le cri de vie que toi seul pouvais créer, j’attendais désespérément de devenir maman. Moi qui t’appelais mon ange durant toute la grossesse, je venais de comprendre, tu avais préféré naître ange plutôt que bébé.

Mon bébé, avant que tu t’en ailles, accepte et emporte avec toi, mon « merci », mon « pardon », et surtout mon « je t’aime ».

Merci de m’avoir choisi pour passer ces 9 mois inoubliables. Tu m’as donné en ce peu de temps plus d’amour que n’importe qui pourra me donner durant toute une vie entière. Merci d’avoir montré au monde que je suis apte à devenir maman. Merci pour mon nombril, que je chéris comme un cadeau-souvenir de notre magnifique parcours à tous les deux, mais également comme une promesse pleine d’espoir qu’il y aura d’autres parcours avec d’autres bébés. Merci de m’avoir permis de rendre si fier ton papa quand je lui ai annoncé ce fameux soir que nous étions 3 à présent. Et surtout, merci de m’avoir tenu compagnie de jour comme de nuit, les moments de joie comme les moments de doute et d’angoisse, tu étais là, tu ne m’as jamais quitté, tu ne m’as jamais jugée, et tu finissais toujours par me consoler grâce à une de tes caresses délicates, dont toi seul a le secret.

Pardon de ne pas t’avoir inondé d’amour dès les premières minutes de ta présence en moi. Je ne savais juste pas. Tu as dû te sentir mal-aimé ou ignoré, je m’en excuse mon ange. Pardon pour toutes les secousses que je t’infligeais lors des courses ou même lors des échographies où nous insistions pour voir ton visage. Je comprends maintenant que tu voulais rester caché. Pardonne-moi. Pardon pour toutes les mauvaises odeurs, les sons désagréables, ou les aliments déplaisants que je t’ai faits parvenir. Et enfin, pardon pour toutes les fois où j’ai osé verser quelques larmes parce que j’avais mal ou je me sentais lourde. Je ne savais tout simplement pas que j’étais tellement lourde parce que je transportais une cargaison d’amour.

Je t’aime mon bébé-ange d’un amour inconditionnel. Je veux te rassurer et te dire que je ne t’aurais pas plus aimé si tu avais décidé de rester avec nous. J’aime ton courage, ta noblesse de te retirer dans la dignité. Tu es parti et nous te sentons tellement présent. Tu as fait faire tellement de bonnes actions. Malgré ton absence, tu es celui qui nous console. Tu es un vrai ange, tu es mon ange.

Tu me manques déjà tellement. Mais je sais que tu vas plus que bien. Tu as rejoint Ton créateur dans le monde juste, tu n’as pas souffert une seule seconde ici-bas de la tentation, de la cruauté de certaines personnes, de toutes ces émotions, que nous, simples mortels, devons combattre chaque jour. Tu es remonté aussi pur que tu étais descendu. Ma Néchama, ou plutôt devrais-je dire Sa Néchama, je te missionne auprès de notre Père. Dis-lui que j’ai accepté avec amour cette épreuve de ne jamais pouvoir te serrer dans mes bras, te nourrir, t’enlacer et te sentir, mais prie de toutes tes forces qu’Il envoie rapidement un autre bébé en bonne santé au sein de mes entrailles et supplie-Le qu’Il me le laisse cette fois-ci. Dis à ton frère ou ta sœur qui descendra dans mon ventre en son temps, dis-leur tout l’amour que je suis capable de donner, dis-leur l’impatience que j’ai de les accueillir dans mon intérieur, dis-leur que tu leur as laissé un endroit confortable où il fait bon vivre, rassure-les en leur disant qu’ils sont attendus par un papa et une maman débordants d’amour, ce même papa et cette même maman qui t’ont inondé de cet amour infini pendant 9 mois. Et surtout, dis-toi que rien ni personne ne volera ta place d’honneur de notre cœur, tu y es et tu y resteras à jamais notre cher bébé-ange. Tu ne disparais pas, certes, je ne peux pas te porter ni te sentir, mais je peux te parler et rester à jamais connectée à toi, toi la Néchama éternelle de mon bébé-ange.