Léa conçut encore, et mit au monde un fils et elle dit : "Cette fois je vais remercier D.ieu". C'est pourquoi elle le nomma Yéhouda [1]. Nos Sages nous enseignent qu’avant Léa, jamais personne n’avait remercié Hachem [2]. Cela parait étonnant, comment est-ce possible ?

Le Rav Fisher dans son livre “Even Israël” exprime son étonnement en disant : Il est impensable qu’Avraham Avinou n’ait pas remercié Hachem après la venue au monde de son fils Its’hak ! Il y a aussi un Midrach qui raconte qu’Adam Harichon a remercié Hachem quand il a vu que la Téchouva de Caïn avait été acceptée... Et pourquoi Léa n’aurait-elle pas remercié Hachem dès la naissance de son premier fils ?

Léa fut la première à remercier Hachem sur les souffrances

Léa a énormément souffert dans sa vie. En effet, l’idée d’être destinée à Essav le mécréant la rendait folle et la poussait à lever sans cesse les yeux vers Hachem pour Le supplier de l’épargner de cela. Elle a tellement pleuré dans ses prières que ses yeux se sont abîmés et elle a réussi par sa persévérance à épouser Ya'acov avant Ra’hel, sa petite sœur. Mais comme nous le savons, ce mariage a été forcé par Lavan qui a trompé Ya'acov en remplaçant Ra’hel par Léa. Donc Léa a toujours eu le sentiment terrible de ne pas être désirée par son époux. Y a-t-il une plus grande souffrance pour une femme ?

Tous ces sentiments négatifs qui remplissaient le cœur de Léa se sont arrêtés à la naissance de son fils Yéhouda. Quand elle a pris conscience qu'elle avait mérité une part plus grande que celle des autres matriarches (elle a eu le plus grand nombre de fils), elle a compris que tout ce qu'elle avait subi n’était que pour le bien. Et là, elle a dit : ”Cette fois-ci je vais remercier D.ieu”. Je Te remercie Hachem pour toutes les souffrances que j'ai vécues, parce que grâce à cela, j'ai mis au monde quatre fils desquels sortiront des Léviim, des Cohanim, et des rois ! Merci Hachem !

Nous comprenons maintenant ce que nous dit la Guémara. Léa ne fut pas la première à remercier Hachem pour les bienfaits, car il est évident que les patriarches l'avaient déjà fait. En fait, le Talmud vient nous enseigner que Léa est la première qui remercia l’Éternel pour les difficultés !

Et voilà que se pose une autre question : comment se fait-il que les patriarches n'aient pas eux aussi remercié Hachem sur le mal ? Le Rav Fisher nous répond que c’est parce que leur niveau spirituel était tellement élevé qu'ils ne voyaient aucun mal dans ce qui leur arrivait, pour eux tout était le fruit de la bonté infinie d'Hachem !

Pourquoi est-il difficile pour nous de vivre cette Émouna que tout est pour le bien ? Remercier Hachem dans les moments douloureux n'est pas donné à tout le monde. En effet, cela nécessite d'aller à l’encontre de nos émotions et de faire prôner notre intellect sur nos sentiments négatifs. C’est le conseil que nous donne Rabbi Na’hman de Breslev pour faire face à l'épreuve et ne pas tomber dans la tristesse, l'angoisse ou l'ingratitude. Toujours mettre en avant notre Émouna et non notre réflexion ou nos constatations. Se dire : Qui a voulu que cela se produise ? Qui nous a mis dans cette situation ? C’est Hachem. Alors cela est pour le bien ! Cette façon de penser doit devenir automatique. La recette du bonheur se trouve dans la totale confiance en l'Éternel, qui a créé le monde pour verser Sa bonté sur Ses créatures.

Un jour, les élèves du Maguid de Mézéritch sont venus lui demander de leur expliquer la Michna qui dit : “L'homme doit remercier pour le mal de la même manière qu'il remercie pour le bien”. Leur maître a répondu que le mieux serait qu’ils aillent chez Rabbi Zoucha, qui les éclairerait sûrement sur cet enseignement. Et voilà que Rabbi Zoucha s’exprima en disant : “Je ne peux vraiment pas vous aider puisque je n'ai jamais compris de quel mal il s'agit. Est-ce qu'il y a du mal dans le monde ?”

Le remerciement adoucit le jugement divin et ouvre la porte à la délivrance

Le Rav Chalom Arouch dans son livre “Ché'arav Bétoda” explique que lorsque l’on vit avec la Émouna que tout est pour le bien même quand c'est dur, alors Hachem nous dirige selon cette croyance et nous soulage en transformant la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons. En remerciement Hachem, on se connecte à l’attribut de miséricorde, et la bonté de l'Éternel se renforce sur nous.

Contrairement à cela, la plainte qui est l'expression de notre manque de confiance en Hachem, donne de la force aux anges accusateurs et permet à la justice de prendre le dessus. C'est d'ailleurs les plaintes incessantes des enfants d'Israël durant les difficultés qui accompagnaient la première délivrance (d’Égypte) qui ont causé tout l'exil !

La goutte qui a fait déborder le vase était la plainte des explorateurs : ”Une terre qui dévore ses habitants. La colère d'Hachem est reconnue dans Ses paroles : « Quand ce peuple cessera-t-il de M’outrager ? Durant combien de temps manquera-t-il de confiance en Moi, malgré tant de prodiges que J'ai opérés au milieu de lui ? » [3]. L'Éternel nous révèle à travers Ses paroles que la chose qu'Il déteste le plus, c'est l'ingratitude ! Alors, comment faire pour ne pas y céder ?

Penchons-nous sur l'attitude de Haman, qui était le plus ingrat de l'humanité. Il avait deux-cent-huit fils, une très grande richesse, tous les habitants du pays se prosternaient devant lui, et que dit-il ? : « Mais tout cela est sans prix à mes yeux, tant que je vois ce Juif Mordékhaï assis à la porte du roi » [4]. Au lieu de se focaliser sur ce qu'il détenait, il se concentrait sur ce qui lui manquait ! Hachem attend de nous exactement le contraire : focalisons-nous sur nos acquis, agrandissons ce qui existe, choisissons d'ouvrir les yeux sur le positif et d'ignorer le négatif ! C'est uniquement de cette manière que nous parviendrons à remercier notre Créateur et à nous remplir de satisfaction personnelle…

Chabbath Chalom à toutes !

 

[1] Chap.29, verset 35

[2] Brakhot 7

[3] Bamidbar, Chap.14, verset 11

[4] Esther, Chap. 5, verset 13